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© Yvain GenevayThéâtre de Beaulieu
Pour tenter de bloquer l'humoriste Dieudonné, les autorités suisses ont frappé au porte-feuille. La sécurité a coûté 100 000 francs pour les trois soirs à la charge de l'organisateur. Mais, jamais, dans l'histoire des spectacles de l'humoriste, il n'y a jamais eu le moindre problème. Heureusement, tout est complet et l'humoriste joue donc à guichets fermés. La presse suisse, ou plutôt certains journalistes suisses, sont plutôt honnêtes. AJ

SPECTACLE - Le Théâtre de Beaulieu a accueilli hier dans le calme la première des trois soirées de l'humoriste controversé. L'artiste a été égal à lui-même.

La Municipalité de Lausanne avait pris ses dispositions hier soir pour accueillir l'humoriste français Dieudonné au Théâtre de Beaulieu à Lausanne. Une cinquantaine de policiers municipaux, une dizaine d'agents de sécurité privée ainsi que deux inspecteurs de la police judiciaire pour suivre le spectacle: l'arsenal sécuritaire était impressionnant malgré la neige. « Nous avons mis en place un dispositif adapté à l'évaluation du risque, en tenant compte du contexte global », nous expliquait jeudi déjà le responsable communication de la police municipale, Jean-Philippe Pittet. Pourtant, c'est un public bon enfant qui s'est rendu en masse à la première des trois représentations lausannoises de l'artiste controversé.

« Le Conseil municipal, il ne voulait pas que je vienne, a ironisé Dieudonné dès l'ouverture du spectacle. Y a 50 flics! Des mecs en coulisses prêts à me tomber dessus! (...) Qu'ils aillent tous se faire... » Les allusions à l'exécutif de Lausanne n'ont d'ailleurs pas manqué durant l'ensemble du show. L'artiste s'était volontairement interdit de prononcer certains mots comme « Shoah » ou « juifs ». Mais pas de parler des autorités. Il ne s'en est donc pas privé.

Le public, lui, a ri de bon cœur. Une audience très masculine et plutôt jeune. Les femmes étaient finalement plus nombreuses à sortir du Salon du mariage qui se tenait juste à côté que du one-man-show. Dans les spectateurs, bon nombre étaient des habitués. « C'est la 4e fois que je vais le voir, précisait Selim, un Lausannois de 22 ans. Avec lui, on rigole de choses dont on n'a pas l'habitude. Il ose dire certaines vérités. C'est un peu le fou du roi, comme l'étaient Coluche ou Desproges. S'il est boycotté, c'est qu'il gêne. » Valaisan de 32 ans, Brice était du même avis. « C'est un humaniste antiraciste et antisioniste. C'est un comique social qui fait rire avec la bêtise humaine. Il prône de bonnes valeurs. » Les provocations? Les condamnations? Tous ses fans lui trouvaient des excuses.

« Ce que dit Dieudonné n'est pas pire que ce que dessine Charlie Hebdo, lançait ce Bosnien de confession musulmane. Il y a un acharnement contre lui. » John, un Lausannois de 35 ans, ne dit pas autre chose. « Il a été catalogué comme polémiste et antisémite, or il ne s'agit que d'un tueur de l'humour. Ces amalgames sont terribles! Quant à ces condamnations, ça ne me choque pas. Des politiques l'ont été aussi. Dieudonné n'a tué personne. »

Bien seul à porter la contradiction, un petit groupe de SolidaritéS a tenté de distribuer des tracts avant que la police ne les écarte de l'entrée du théâtre. « Nous ne sommes pas dans une démarche d'interdiction mais nous voulons montrer qu'il y a des gens qui ne sont pas d'accord avec Dieudonné », expliquait cette militante. Pas de quoi gâcher la soirée des quelque 1800 fans de l'humoriste. Fidèle à ses habitudes, ce dernier conclut son spectacle par un appel aux dons. Sous les hourras d'un public conquis.