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© Mahmud Hams / AFP
Les déplacés dans la bande palestinienne sont au bord de l'explosion, six mois après la guerre.

Six mois que leurs maisons ont été rasées par la guerre. Six mois qu'ils attendent. Aujourd'hui, les déplacés de Gaza se disent près du point de rupture.

Environ 100 000 Palestiniens passent la fin de l'hiver loin de leurs maisons, « vivant dans des conditions terribles dans des écoles ou des abris de fortune », se sont alarmées 30 organisations humanitaires dans un communiqué publié six mois après le cessez-le-feu mettant fin à la guerre entre Israël et des groupes armés palestiniens. Les conditions de vie étaient déjà dures avant la troisième guerre qu'ait connue en six ans l'enclave exiguë dans laquelle s'entassent 1,8 million de Gazaouis, disent les humanitaires. Mais, depuis, elles se sont encore « dramatiquement dégradées ». Les ONG mettent en garde devant autant de désespoir et d'exaspération grandissante : « Un retour aux hostilités est inévitable » si rien n'est fait.


Les Gazaouis attendent encore une reconstruction qui ne vient pas parce que les Israéliens laissent entrer au compte-gouttes les matériaux de peur que les groupes armés ne s'en servent contre Israël. L'autre raison réside dans les divisions politiques palestiniennes qui empêchent tout accord sur les points d'entrée dans la bande de Gaza, étouffée depuis huit ans par le blocus israélien aggravé depuis plusieurs mois par le quasi-blocus égyptien. « La déprime grandit chaque jour, on a perdu le goût de vivre », affirme Sofiane Faraouana, 35 ans, qui vit avec six proches dans une école de l'Onu à Gaza-ville. « Cette situation va exploser au visage de tout le monde », poursuit l'homme au visage encadré par une longue barbe.

Un nouveau conflit possible

Les Nations unies ont déjà fait ce constat. Début février, elles en appelaient aux donateurs internationaux qui s'étaient engagés après la guerre à venir au secours de Gaza avec 5,4 milliards de dollars, mais qui n'ont pas tenu leurs promesses. Sans ces fonds, les efforts pour éviter un nouveau conflit seront vains, a averti l'Onu qui, à court d'argent, a annoncé devoir suspendre elle-même une bonne partie de ses versements. Une dégradation de la situation serait un coup de boutoir supplémentaire contre une Autorité palestinienne politiquement moribonde et faisant face à d'énormes problèmes financiers.

Alors, pour grappiller quelques shekels, c'est la débrouille. Anas Berdaa, 12 ans, revend les rations de nourriture que l'Onu donne chaque jour aux huit membres de sa famille pour payer pour lui et ses frères le bus pour l'école. Depuis que sa maison a été détruite dans le quartier de Chajaya, ravagé par guerre, la famille campe dans la salle d'une école de l'Onu située dans l'ouest de la ville de Gaza où vivent plus de 500 déplacés. « On n'a ni de quoi se nourrir, ni de quoi se chauffer », raconte sa mère, Nermine, 32 ans, qui a accouché il y a quatre mois d'un dernier garçon dans cette école. « L'Onu me fournit des couches et du lait pour lui », dit-elle. Mais avec un mari au chômage, comme près de la moitié des Gazaouis, elle avoue ne rien pouvoir offrir à ses enfants. « Ils ne reçoivent jamais de jouets comme les autres enfants. »

« Comme si on était morts »

« La nuit, ils ne dorment pas à cause du froid et psychologiquement, ils sont complètement détruits. » « En fait, c'est comme si on était morts », lâche-t-elle. L'Onu « nous pousse à partir d'ici. Mais pour aller où ? On entend toutes les promesses de l'Onu et de l'Autorité palestinienne, mais on ne voit pas un centime arriver des Arabes ou du reste du monde », s'emporte son beau-frère, Ali, 32 ans. « Il n'y a aucun espoir que nos maisons soient reconstruites et l'explosion approche », prédit Dounia Joundia, une autre déplacée installée avec 1 000 autres personnes dans une école du sud de la ville de Gaza. Six mois de vie précaire dans des centres d'accueil improvisés, et sans perspective de reconstruction, en convient l'Onu, c'est le terreau parfait pour le désespoir. L'Onu évoquait récemment la « pression presque insupportable » qui pèse sur les Gazaouis. « Ça fait six mois qu'on vit dans ces écoles, au ban de l'histoire, et personne ne vient nous sauver », martèle Ali.