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© JACK TAYLOR/AFPScotland Yard est soupçonné d'avoir couvert des hommes politiques impliqués dans des scandales de pédophilie
Destruction de preuves, vol de dossiers, relaxe d'un suspect sans poursuite, interventions de haut niveau dans des enquêtes ou abus par des policiers... Scotland Yard est sur la sellette pour sa collusion avec les membres des cercles politiques incriminés.

Au bout d'une enquête de trois mois, la Metropolitan Police de Londres avait réuni suffisamment de preuves sur la participation du député libéral-démocrate Cyril Smith à des orgies sexuelles où étaient abusés de jeunes adolescents. Photos, vidéos, il ne manquait aucun élément quand l'élu fut interpellé en flagrant délit en 1981 à Londres. Mais à son arrivée au poste de police, ordre fut donné de relâcher le suspect.

Tous les inspecteurs ayant participé à l'opération furent convoqués et priés de remettre leurs carnets de notes, toutes les photos et preuves rassemblées, et reçurent l'ordre de n'en parler à personne au nom de l'Official Secrets Act, une loi sur la protection des secrets d'État. Cyril Smith est mort en 2010, anobli, sans avoir jamais été inquiété.

« Corruption à haut niveau particulièrement grave »

La police des polices a ouvert lundi une enquête sur quatorze cas de couverture d'agissements de politiciens ou responsables d'institutions publiques entre 1970 et 2005. Des fonctionnaires de la Metropolitan Police sont soupçonnés d'avoir « supprimé des preuves, ralenti ou interrompu des investigations, couvert des délits du fait de l'implication de membres du Parlement ou d'officiers de police », détaille la commission indépendante sur les plaintes à l'encontre de la police.

Les enquêtes sur les dysfonctionnements des forces de l'ordre face à des scandales de pédophilie se multiplient en Grande-Bretagne. Celle-ci est la plus vaste et concerne des participants particulièrement en vue. Elle comprend un volet concernant des accusations de viol d'un jeune garçon par des policiers eux-mêmes. Elle cherchera à remonter l'échelle des protections et ordres de couverture, sans doute parfois jusqu'aux gouvernements de l'époque. « Ces allégations concernent une corruption à haut niveau particulièrement grave », souligne Sarah Green, directrice ajointe de l'organisme en charge de l'enquête.

Jeunes garçons livrés « sur commande »

Tout en faisant l'objet de cette enquête interne, Scotland Yard poursuit ses propres investigations sur le viol et le meurtre de plusieurs mineurs par des politiciens dans plusieurs lieux de débauche de Londres, dont la résidence de Dolphin Square, où se trouvent de nombreux logements de fonctions de parlementaires. Des jeunes garçons, souvent issus de foyers, étaient livrés « sur commande » à des orgies où participaient des représentants de l'establishment, restés impunis à ce jour. Après sa mort en janvier, le domicile de l'ancien ministre de l'Intérieur de Margaret Thatcher, Leon Brittan, a fait l'objet de perquisitions pour tenter de découvrir des éléments sur la disparition de dossiers qui lui avaient été remis sur ce scandale, et sa propre participation supposée aux réseaux pédophiles.

Les associations de défense des victimes saluent le déclenchement de cette enquête, un pas important dans la détermination des autorités à faire la lumière sur ces affaires, après des années d'attentisme. Avant Noël, le député travailliste John Mann a remis à la police une liste de 22 noms de politiciens, dont la moitié décédés, sur lesquels il a réuni des témoignages de leur implication. Il a confié au Figaro s'attendre « à des arrestations de personnalités de premier plan ».