Traduction : Christophe

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© AP Photo/ Hani Mohammed
L'initiative de Moscou d'accueillir une réunion sur le « processus de paix » en Syrie semble marquer l'ouverture d'un espace de dialogue qui, jusqu'à très récemment, semblait encore impossible.

Si le Kremlin va dans cette direction, c'est que les conditions sont désormais réunies. Elles découlent d'une crise politique évidente en cours à Washington, où la récente incursion de Benjamin Netanyahou a fini par provoquer un véritable tremblement de terre...

Barack Obama, attaqué et provoqué sur son propre terrain, était obligé de réagir. S'il ne parvient pas à arrêter la ligne de conduite du futur premier ministre israélien reconfirmé dans ses fonctions, les États-Unis risquent de se retrouver dans une situation qu'Obama considère comme absolument non acceptable. Pire, cette situation pourrait devenir périlleuse pour les intérêts américains eux-mêmes.

Netanyahou a été clair : l'objectif doit être d' « arrêter Téhéran » à tout prix ; d'interdire tout État palestinien, aujourd'hui comme demain ; et de se débarrasser définitivement de Bashar al-Assad.

Trois coups de canon, tous les trois visant l'Iran.

Et sur ces points, Netanyahou a obtenu l'ovation du Sénat américain, dominé aujourd'hui par les néocons, qui ont convaincu aussi une bonne fraction du Parti démocrate. John Kerry a ainsi été contraint de reprendre les rênes et de changer de direction : maintenant on dialogue vraiment avec Bashar al-Assad (puisqu'on ne peut pas parler directement avec Téhéran tout en continuant à bombarder Damas, une évidence que Barack Obama a perçu seulement lorsqu'il a mesuré la dimension de la menace interne).

Même chose sur la question de l'État palestinien. Et sur la question du nucléaire [iranien]. La Maison Blanche a clairement indiqué que les installations de colonies en Cisjordanie étaient inadmissibles et, encore plus significatif, que les négociations sur le nucléaire iranien iraient de l'avant quoiqu'il arrive.

Ces déclarations ont une signification bien précise : sur ces points-là, le président américain veut renouer les liens avec l'Europe, c'est-à-dire avec l'Allemagne et la France. Car Merkel et Hollande affichent désormais une ligne clairement hostile à la fourniture d'armes à Kiev. C'est exactement l'inverse de ce que voudraient les néocons, mais aussi la Pologne, les républiques baltes et la Grande-Bretagne.

Si la ligne dure contre la Russie se poursuit, les États-Unis risquent bien de perdre le contact avec leurs plus importants partenaires européens.

La nervosité à Berlin et Paris, surtout depuis l'étrange crash de l'avion de Germanwings, a augmenté l'atmosphère de suspicion. Et il est maintenant clair pour tous que le président ukrainien Petro Poroshenko - qui s'en remet, même de façon précaire, aux conseils de Berlin - a mis au placard l'homme de Washington, Ihor Kolomoyskyi. Autant de signaux qui montrent que les partisans de la guerre en Ukraine sont en train de perdre leur popularité dans les pays les plus importants en Europe, lesquels se préoccupent de moins en moins des futures frontières étatiques de l'Ukraine.

Et donc, non seulement l'Europe est divisée, mais l'Amérique l'est aussi. Au sujet du Moyen-Orient, et aussi sur l'Ukraine.

Bashar al-Assad a donc raison quand il fait le lien entre la crise syrienne et celle en Ukraine : dans les deux cas, l'objectif de la « coalition va-t-en-guerre » est bien d'affaiblir la Russie.

Moscou tend évidemment la main à ceux qui, en Europe comme aux USA, veulent un dialogue. Nous verrons bien ce qui se passera à Moscou, sur ce processus de Paix, qui intéresse au plus haut point Bashar al-Assad.