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Un canadien qui enseignait dans une école internationale très huppée de Jakarta vient d'être condamné à 10 ans de prison pour avoir agressé sexuellement plusieurs élèves. Rien que de très banal, me direz-vous, surtout avec les dernières affaires en France, sauf que certains enfants ont carrément parlé de viols collectifs, de pièces secrètes dans l'école, de somnifères qu'on les obligeait à prendre...

On se doute bien qu'un pédophile cherchera à travailler auprès des enfants : éducateur, chef scout, enseignant, curé... autant de professions où les pédophiles sont comme des poissons dans l'eau. Surtout quand, comme en France, les autorités passent leur temps à nier l'ampleur des crimes sexuels en général, et contre les enfants en particulier. En france, la pédopornographie ce n'est tellement pas grave qu'on laisse des types condamnés pour en avoir stocké des centaines de fichiers exercer leur job comme prof ou directeur d'école.

Bref, revenons en Indonésie.

Un certain Neil Bantleman, un anglo canadien, vient donc d'être condamné à 10 ans de prison pour les viols de trois garçons de la Jakarta International School [1] de janvier 2013 à mars 2014. Ce qui a beaucoup fait jaser les médias anglophones, qui font dans le pathos et défendent lourdement ledit Bantleman. Il est aussi soutenu par plusieurs parents d'élèves qui font de lobbying en sa faveur depuis le départ, ainsi que par sa famille et notamment sa femme qui est aussi prof dans cette école.

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Bantleman était poursuivi en même temps qu'un autre prof de l'école, un indonésien dénommé Ferdinand Tjiong. Et cinq membres du personnel d'entretien (dont une femme) ont déjà été condamnés pour avoir violé des mineurs dans l'école, à plus de 8 ans de prison chacun, en décembre 2014. Ils ont avoué puis se sont rétractés, disant que la police les avait torturés pour obtenir des aveux.

Un autre suspect, un certain Azwar, est mort dans les toilettes du commissariat, d'un suicide en ingérant des produits toxiques, selon la police.

L'école, une des plus réputées d'Asie, est fréquentée par 2.600 enfants de diplomates, de hauts fonctionnaires et riches indonésiens et d'expatriés [2]. Et c'est un tout petit monde, où tout le monde se connaît.

Tout a commencé il y a exactement un an, quand les parents d'un des enfants sont venus expliquer à la directrice de l'école que leur fils disait avoir été violé par les hommes d'entretien de l'école. Mais, les parents ont expliqué avoir senti qu'il se passait quelque chose quand leur fils a commencé à avoir peur d'aller aux toilettes et à faire des cauchemars la nuit, en criant "ne me fais pas mal, laisse-moi partir"...

Apparemment, la direction de l'école a demandé qu'on en parle pas de l'affaire, ni même à la police. Quelques semaines plus tard, un second couple a affirmé que leur fils avait été violé au moins une vingtaine de fois dans l'école, y compris par six hommes en même temps. Puis une troisième famille dont le fils mimait soudain divers comportements sexuels s'est fait connaître, et Bantleman a été arrêté dans la foulée.

Lobbying

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Les gouvernement US s'est dit très "déçu" par ce jugement, l'ambassadeur US en Indonésie a déclaré que cette affaire "aura un impact sur la réputation de l'Indonésie" [3], l'ambassadeur du Canada a rendu visite à Bantleman et derrière, les médias en choeur se montrent d'une rare complaisance avec l'accusé tout en se montrant très critiques par rapport à la procédure.

En fait, cette histoire prend des airs de crise diplomatique, et on peut légitimement penser qu'il y a des enjeux plus complexes derrière. Un gros comité de soutien s'est mis en place derrière Bantleman et son collègue : une association de profs, leur famille, des parents d'élèves... Présents à chaque audience et dans les médias anglophones, ils répètent en boucle que l'accusation repose sur un dossier vide et que les deux sont innocents.

Et comme les parents d'un des enfants réclament des millions de dollars de dommages et intérêts (125 très exactement), on dit qu'ils ont monté cette affaire de toutes pièces pour obtenir de l'argent [4].

Mais, si tout son fan club dit que Bantleman et les autres sont innocents, le tribunal en a jugé autrement et a considéré que les témoignages des enfants étaient vrais, et que les preuves médicales des viols étaient réelles.

Les avocats de la défense disent qu'il n'y a aucune preuve médicale, ce qui est presque toujours le cas dans ce type d'affaire, mais certains enfants avaient une inflammation du rectum et des lésions, selon l'anuscopie.

Quant aux parents de deux des victimes, ils disent avoir reçu des menaces de mort anonymes par téléphone depuis le déclenchement de l'affaire. Une des familles a même été poursuivie pour diffamation par la direction de l'école, qui réclamait des dommages et intérêts de plusieurs milliers de dollars.

Cette info, soit dit en passant, n'a été diffusée que dans la presse indonésienne. La mère d'une autre victime dit avoir été suivie par deux hommes, et a déménagé à Singapour à la suite de cela.

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Depuis cette affaire, aucune autre école n'accepte d'inscrire les victimes, âgées de 5 à 7 ans.

Selon les auditions des enfants par la police, ils auraient évoqué des "pièces secrètes" dans l'école, qui auraient été dissimulées ensuite. L'une se trouvait en sous-sol et des abus y avaient lieu. Ils parlent aussi d'une "pierre magique" qui les endormait.

Trois enfants disent qu'ils étaient régulièrement sortis de leur classe pendant la journée, pour être violés par divers adultes dans ces pièces secrètes, ou dans un bâtiment administratif que les professeurs appelaient "l'aquarium" où il y avait une pièce aux murs couverts de verre, et ailleurs encore.

L'un des enfants explique aussi que la directrice de la section primaire, l'Américaine Elsa Donohue, mélangeait une boisson de couleur bleue pour les anesthésier afin qu'ils ne sentent rien pendant les viols. Des viols qu'elle prenait soin de filmer.

Bien qu'elle ait été entendue plusieurs fois par la police, celle-ci garde son statut de témoin et n'est pas suspectée.

Bantleman, qui se faisait appeler "le boss", forçait les enfants à boire le liquide bleu, d'après le témoignage de cet enfant. Et il n'y aurait pas que ces trois victimes, selon ces enfants. L'un d'eux cite huit autres victimes, ce que les enquêteurs auraient tendance à croire, d'après le Wall Street Journal.

D'après la police, les témoignages des trois enfants sont très similaires et se corroborent les uns les autres.

Précédents

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En septembre 2014, d'anciens étudiants de la Jakarta International School ont déclaré qu'ils pensaient y avoir été violés eux aussi, par William Vahey, un pédophile qui était prof dans l'école entre 1992 et 2002. Selon le FBI, ledit Vahey, qui est ensuite parti enseigner au Nicaragua, s'est suicidé quand il a été accusé d'avoir violé des enfants pendant 40 ans. Comme il a enseigné dans dix écoles internationales différentes à travers le monde [5], il a fallu rechercher d'éventuelles victimes un peu partout.

La technique de Vahey était de droguer ses victimes et de les violer pendant qu'elles étaient inconscientes, pour prendre les scènes en photo. Accessoirement, la femme de Vahey était alors la directrice adjointe de l'école. Quant l'affaire a éclaté, elle a démissionné de son poste de directrice de l'European Council of International Schools à Londres.

Selon le FBI, plusieurs centaines de personnes ont contacté les autorités pour expliquer qu'ils avaient des choses à dire sur Vahey.

On retrouve un peu les mêmes éléments qu'à la Mc Martin pre School, une maternelle Californienne dans laquelle plus de 300 enfants ont dit avoir été abusés par les enseignants et d'autres personnes, dans l'école et à l'extérieur, au début des années 80. Les enfants avaient parlé de tunnels, de viols collectifs, de transports jusqu'à divers lieux pour y être abusés, de sortes de rituels...Toute l'affaire a finalement été étouffée.

Et cette affaire n'est pas sans rappeler, non plus, le tout récent dossier de Hampstead, à Londres.

Cette affaire de la Jakarta International School est à suivre de près. Les US semblent ne pas vouloir lâcher et les Indonésiens non plus, c'est vraiment à se demander pourquoi on met autant d'enjeux sur une banale affaire de prof pédophile. Quant aux témoignages des enfants, ils ressemblent à ce qu'on a déjà pu voir dans d'autres dossiers et ce qu'ils racontent n'est hélas pas incroyable du tout.

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Notes :

[1] La Jakarta International School a été créée en 1951 sous le nom de Jakarta Intercultural School. A l'époque elle était destinée aux enfants des employés des Nations Unies en poste en Indonésie. Puis elle a été reprise par les ambassades US, anglaise, australienne ey yougoslave enn 1969.

[2] Parmi les élèves qui pnt fréquenté cette école, on peut citer un dirigeant de Mittal, la demi soeur d'Obama Maya Soetoro Ng

[2] Ledit ambassadeur, Robert O. Blake, a demandé aux autorités indonésiennes d'enquêter sur les allégations de torture sur les cins personnels d'entretien condamnés. Il a émis de gros doutes sur les preuves contre les cinq, qui venaient tout juste d'être condamnés.

[3] Au départ, l'école a admis qu'il y avait bien eu une agression, avant de se rétracter et de dire que finalement tout était faux.

[4] Vahey a enseigné d'abord à la Tehran American School en iran, jusqu'en 1973, puis il est allé au Liban , en Espagne, en Grèce, en Arabie Saoudite, au Venezuela. Que des pays où, à ces époques-là, étaient en tension avec les Etats-Unis, qui les ciblaient pour différentes raisons. De 2009 à 2012, il a enseigné à Londres à la Southbank International School de Westminster (où beaucoup de parents ont dit ne vouloir rien savoir d'éventuels abus sur leurs propres enfants), puis au Nicaragua. Pourtant, Vahey avait déjà été condamné pour l'agression d'un enfant quand il avait 20 ans, en 1969.