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L'amélioration des technologies de forage associée à une forte demande de l'énergie a entraîné l'expansion à grande échelle de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels en Amérique du Nord (centre), avec 50.000 nouveaux puits forés par an.

Des endroits tels que le Bakken, Eagle Ford et les schistes de Marcellus sont connus, mais l'activité de forage qui se développe à un rythme soutenu créée de nouvelles zones. Mais quelles sont les conséquences écologiques de cette activité de forage accéléré ? Des chercheurs de l'Université du Montana se sont penchés sur cet épineux problème et ont effectué la première évaluation scientifique à grande échelle dans la façon dont le développement des hydrocarbures - gaz de schiste notamment - ont transformé les paysages à travers les États-Unis et le Canada.

Leurs travaux ont été publiés le 24 Avril dans la revue "Science" sous l'intitulé : "Ecosystem services lost to oil and gas in North America". L'article conclut que le développement du pétrole et du gaz engendre une perte significative des pâturages et des terres cultivables sur de vastes étendues de végétation en Amérique du Nord centrale.
"Il y a deux choses importantes ici : premièrement, nous examinons tout le centre de l'Amérique du Nord, de la côte sud du Texas, au nord de l'Alberta. Quand on regarde cette image à l'échelle continentale, nous observons des impacts et des dégradations qui sont invisibles lorsque nous nous concentrons uniquement au niveau local. Deuxièmement, nous voyons comment les politiques actuelles peuvent potentiellement compromettre l'avenir de l'intégrité de l'écosystème sur de vastes zones" a indiqué l'auteur principal de l'article, Brady Allred.
Entre 2000 et 2012, les scientifiques ont estimé que l'exploitation des hydrocarbures a dévasté de grandes quantités de végétation, culminant à un taux annuel de plus de la moitié du pâturage annuel sur les terres 'publiques' des États-Unis. L'élimination de la végétation sur ces terres agricoles équivaut à 120,2 millions de boisseaux de blé (ou 3,2 milliards de tonnes), soit environ 13% de tout le blé exporté par les États-Unis en 2013.

La fragmentation et la perte de l'habitat perturbent également les voies migratoires, modifient le comportement de la faune et aident de nouvelles espèces de plantes invasives à s'implanter. Dave Naugle - co-auteur- met en évidence la complexité de la question : "Nous connaissons les impacts du développement pétrolier et gazier depuis des années, mais nous avons maintenant des données scientifiques à une grande échelle (régionale) qui nous montre que nous devons agir dès à présent pour équilibrer l'utilisation concurrente des terres".

En outre, près de la moitié des puits forés sont dans des régions à stress hydrique relativement haut. La fracturation hydraulique utilise de 2 à 13 millions de litres d'eau par puits, intensifiant ainsi la concurrence avec l'agriculture, les écosystèmes aquatiques et les municipalités pour les ressources en eau.

"Nous avons besoin d'un cadre politique qui quantifie et réalise des arbitrages à grande échelle parce que la politique actuelle ne répond pas de manière adéquate, à la fois, à l'évaluation et à l'atténuation future", a ajouté Julia Haggerty de l'Université d'État du Montana, co-auteure de l'étude.

"Les technologies satellitaires peuvent désormais fournir des informations annuelles - hectare par hectare - à destination des gestionnaires sur la politique à mener quant à l'extraction des hydrocarbures vis à vis de l'affectation des sols", a affirmé Steve Courir, professeur d'écologie à l'UM Regents. "Nous devons avoir des politiques qui assurent la remise en état de ces zones en phase de post-production. Sinon, en 2050, des dizaines de millions d'hectares de terres seront dégradées d'une manière irréversible."

Les auteurs ont évalué les services écosystémiques perdus en utilisant des mesures satellitaires à haute résolution de la croissance de la végétation sur la base de méthodes développées par W. Kolby Smith. La production végétale terrestre est le fondement même du cycle du carbone de la biosphère et reste à la base d'une multitude de services écosystémiques essentiels.