Traduit par Élisabeth, relu par Diane

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© Inconnu
Ce qui se passe à une petite échelle pour l'Ukraine se passe à grande échelle pour l'Europe. Dans les deux cas, il s'agit d'un territoire que les USA veulent garder entièrement sous leur contrôle. Pour ce faire, tous les moyens leur sont bons, et si ça ne suffit pas, c'est la stratégie de la terre brûlée qui est employée : ce que nous ne pouvons pas contrôler nous-mêmes, nous le détruisons, afin que personne d'autre n'y ait accès.

Des Ukrainiens, soumis à ces épreuves, ont fait la prédiction que ceci allait bientôt se passer aussi en Europe. Eh bien, nous y sommes. Les USA n'ont pas réussi à établir un contrôle total sur l'Ukraine. Ce pays aux fortes divisions internes n'a pas comblé les desiderata des seigneurs d'une façon totalement satisfaisante. De ce fait, la destruction de l'Ukraine reste au programme des USA. Elle est déjà bien avancée.

Les USA n'ont pas réussi à établir un contrôle total sur l'Europe. Cette zone aux fortes divisions internes n'a pas rempli les desideratades seigneurs d'une façon totalement satisfaisante. Dans la guerre de propagande, l'unité des alliés transatlantiques était affichée, mais quand il est devenu clair que, sur ordre des Américains, les Européens devaient paralyser leur économie, l'obéissance de l'Europe s'est arrêtée.

La phase de propagande aiguë n'a pas permis de vendre le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership). Le TTIP aurait pour effet de castrer les politiques européennes sur tous les plans, y compris au niveau national. Il s'agit d'une tentative désespérée de repousser l'effondrement économique des USA d'une ou deux décennies, aux dépens de l'Europe. Sous l'apparence du conflit ukrainien, il s'agit d'un enjeu d'une tout autre envergure. Avec le TTIP, l'Europe devient une vulgaire colonie américaine, sans pouvoir. Sans le TTIP, l'Europe peut encore essayer de défendre ses intérêts.

Parmi ces intérêts, il y a par exemple la coopération avec la Russie. Il s'agit d'intérêts réciproques. Les seuls qui y trouvent à redire, et qui n'en font pas mystère, sont les USA. L'Europe et la Russie sont très désireuses d'éviter une guerre entre elles. Et sont aussi très désireuses de développer leurs échanges commerciaux. Deux choses qui offensent grandement les USA.

L'Ukraine n'a pas rempli sa mission de déclencher une guerre entre l'Europe et la Russie. Mais ce n'est peut-être que partie remise. En ce moment, c'est la Pologne et les pays baltes qui s'activent particulièrement pour attiser en Europe l'humeur guerrière (en Allemagne il y a suffisamment d'éléments qui en attestent). Les USA sont en train d'inonder d'armes lourdes ces pays, qui se trouvent être des voisins directs de la Russie. Une opération sous fausse bannière peut être déclenchée à tout moment.

L'Europe est-elle stupide au point de négliger sa propre sécurité ? Pas si simple en fait, car en cas de désobéissance aux USA, les conséquences ne sont pas moins menaçantes qu'en cas d'obéissance. La politique européenne des derniers six mois se caractérise à la fois par un discours totalement aux ordres des Américains et par un souci d'améliorer les relations avec la Russie. De ce paradoxe germent ainsi plusieurs comportements névrotiques de la part de l'Europe. Fait aggravant, l'Europe s'est élargie plutôt vers les pays de l'Est, qui sont plus loyaux vis-à-vis des USA qu'à son encontre.

L'Ukraine en tant que pays intermédiaire est pratiquement détruite. D'ici 2019, il faudra trouver des alternatives. Le projet South Stream a été stoppé de façon brutale par les Américains. De ce fait, la Russie propose un projet alternatif de ce gazoduc via la Turquie (Turk Stream). Pour l'Union européenne, c'est moins bien que le South Stream, mais c'est mieux que d'autres alternatives (par exemple, le gaz du Qatar). L'effet de choc suite à l'abandon du projet South Stream a fait place à de nouvelles préoccupations au sein de l'Europe. Le temps est compté.

Là encore, les USA foulent aux pieds d'autres intérêts européens. Ils disent clairement aux Grecs que ceux-ci ne doivent pas compter sur le Turk Stream. D'importants faiseurs d'opinion s'attaquent à la Turquie et à ce projet (l'article en question est un parfait enseignement sur l'art de semer la zizanie entre des partenaires commerciaux et d'affirmer avec aplomb que ce qui est blanc est noir). En Macédoine, futur point de passage du nouveau gazoduc, un coup d'État a commencé. Sur le modèle exact de Maidan et des autres révolutions de couleur. On n'est plus ici en présence de signaux subtils à destination de l'Union européenne. On a largement dépassé ce stade. Les USA bloquent ouvertement les routes commerciales possibles entre la Russie et l'Europe et y mettent le feu à leur gré. La guerre économique entre les USA et l'Union européenne ne se cache même plus.

Hormis l'échelle, il y a dans les évolutions actuelles deux autres différences intéressantes entre l'Ukraine et l'Union européenne. Lorsque l'Ukraine était au bord de l'abîme, elle était sous contrôle total des USA, mais était encore économiquement indépendante. Le levier politique aura suffi pour pousser l'Ukraine vers le suicide, y compris sur le plan économique. A l'inverse, l'Union européenne est politiquement très fortement endoctrinée, mais bien qu'au bord de l'abîme, elle n'est pas impuissante et aveugle comme l'Ukraine. D'un autre côté, l'économie et le système financier en Europe sont si fortement dépendants des USA que ces derniers pourraient à tout moment en déclencher l'effondrement. Et ils pourraient d'ailleurs commencer par ça. La destruction de l'économie européenne est le moyen trouvé par les USA pour pousser l'Europe vers le suicide politique.

Les USA mettent l'Europe devant l'alternative suivante : l'esclavage sous la bannière du TTIP, ou la destruction. Europe, fais ton choix...