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© Ivan Stevanovic
Phtalates, retardateurs de flamme, BPA figurent parmi les dizaines de substances chimiques semi-volatiles présentes dans les logements en France, suspectées d'avoir des effets sur les systèmes nerveux et hormonal.

L'Observatoire de la qualité de l'air intérieur (Oqai) a présenté le 11 juin les premiers résultats d'une campagne nationale de mesures des composés organiques semi‐volatils (COSV), présents dans l'air et dans les poussières au sol des logements.

Ces substances chimiques entrent dans la composition de matériaux et de produits de grande consommation. Elles sont issues des matériaux plastiques (phtalates, bisphénol A), des ordinateurs et des textiles d'ameublement (retardateurs de flamme polybromés - PBDE), des produits d'entretien et cosmétiques (muscs de synthèse (galaxolide et la tonalide) et alkylphénols), des traitements insecticides ou anti-poux (pyréthrinoïdes, pesticides organochlorés et organophosphorés). Figurent également les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) provenant des processus de combustion, le triclosan, un antibactérien utilisé dans les produits d'hygiène corporelle, ou encore les PCB (polychlorobiphényles) interdits mais encore présents dans les vieux joints d'étanchéité (ouvrants, revêtements de sol) datant des années 1970.

Effets sanitaires

L'ensemble de la population est ainsi exposé à ces molécules via différentes voies : inhalation, ingestion et contact cutané. Les jeunes enfants, qui portent fréquemment leurs mains à la bouche, sont particulièrement vulnérables. Or, "certains COSV sont suspectés d'avoir des effets sur le système nerveux et le système immunitaire. De plus, certains sont suspectés d'être des perturbateurs endocriniens", alerte l'Oqai.

Cette première étude française a mesuré les concentrations des COSV dans l'air intérieur des habitats (phase particulaire PM10) et dans les poussières au sol contenues dans les sacs d'aspirateurs. Le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a coordonné ces travaux avec l'École des hautes études en santé publique (EHESP).

Il s'agit d'une analyse "multi-résidus" réalisée par les chercheurs, a précisé Corinne Mandin, ingénieure au CSTB. Ainsi, 145 échantillons de poussières de sacs d'aspirateurs ont été passés au crible. Ces sacs avaient été collectés en 2008-2009 lors de la campagne nationale de mesures "Plomb-Habitat" (CSTB-EHESP, InVS, APHP) menées dans 484 logements abritant des enfants âgés de 6 mois à 6 ans. Les particules dans l'air ont été prélevées au cours de la campagne nationale de l'Oqai, conduite entre 2003 et 2005, dans 567 logements : 285 filtres ont ainsi été analysés.

Des concentrations "variables" relevées

Résultats : dans les poussières au sol, 32 des 48 COSV recherchés (67%) sont présents "dans plus d'un logement sur deux". Dans l'air, 35 des 66 COSV recherchés (53%) sont également présents dans plus de la moitié des logements. "Certains COSV, notamment les phtalates [présents dans les câbles électriques, les rideaux de douche, les revêtements muraux..., ndlr] et les HAP [tabac, encens, chauffage au bois, ndlr], sont détectés dans quasiment tous les logements, à la fois dans l'air et dans les poussières", a précisé Corinne Mandin.

D'autres COSV sont peu détectés, comme les pesticides organochlorés et organophosphorés et certains PCB et PBDE.

Des différences "très importantes" existent entre les concentrations observées en fonction des substances, a-t-elle souligné. Ainsi dans les poussières au sol : des concentrations maximales supérieures à 1 milligramme par gramme (mg/g) ont été relevées pour quatre phtalates (DEHP, DiNP, DiBP, BBP) et la perméthrine, contre quelques dizaines de nanogrammes par gramme (ng/g) pour plusieurs BDE et quelques PCB.

Dans l'air, les concentrations vont de quelques microgrammes par mètre cube (μg/m3) pour les phtalates (DEHP et le DiNP) à quelques picogrammes (pg/m3) pour les PCB, les PBDE, les alkylphénols et les pesticides organochlorés et organophosphorés.

S'agissant du bisphénol A (BPA) : dans les poussières au sol, les concentrations médianes s'élèvent à 4,2 μg/g. Elles sont inférieures à 1 ng/ m3 dans l'air.

Des mesures dans les écoles

Cette campagne de mesures s'inscrit dans le cadre du projet Ecos-Habitat (Exposition cumulée aux composés organiques semi-volatils) mené par l'Institut de recherche en santé environnement travail (Irset). Il s'agit d'un "point d'étape", a souligné Corinne Mandin. "Afin de réaliser l'évaluation des expositions, les concentrations en phase gazeuse des COSV dans l'air, non mesurées, doivent être déterminées". Les concentrations mesurées seront utilisées pour caractériser les risques associés à une exposition à un mélange des COSV et leurs effets sanitaires communs.

L'Oqai mesure actuellement 46 COSV dans le cadre de sa campagne nationale menée dans 600 classes d'écoles maternelles et élémentaires, lancée en 2013. Ces substances appartiennent aux mêmes familles chimiques que les COSV étudiés dans les logements : pesticides organochlorés et organophosphorés, pyréthrinoïdes, PCB, PBDE, phtalates, muscs de synthèse et HAP. Les résultats de cette campagne sont attendus en 2017.