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Aujourd'hui, on va parler d'un sujet aussi essentiel qu'ignoré dans ce pays: la liberté de la presse. Beaucoup critiquent les médias et les journalistes, souvent à raison. Le nivellement par le bas a eu des effets prodigieux sur cette profession. Les journalistes qui durent sont presque toujours ceux qui ont renoncé. Toutefois, avant de critiquer ce métier, les gens devraient savoir dans quelles conditions il est fait, aujourd'hui en france. Car, finalement, on a la presse qu'on mérite.

Les Guignols de l'Info qui passent à la trappe (ou en crypté, c'est pareil), un documentaire censuré [1] et une direction de Canal décapitée par Bolloré, actionnaire n°1 de Canal Plus. Dassault qui veut faire passer ses "idées saines" dans le Figaro (journal qui a effacé une bague à 15.000€ du doigt de Rachida Dati sur une photo), Le Lay de TF1 qui vend notre temps de cerveau disponible. Voilà la situation des médias aujourd'hui, tenus par des groupes industriels qui passent des contrats avec l'État, et subventionnés par l'État.

Les citoyens ont laissé passer, sans réagir, énormément de retsrictions à la liberté d'expression, et à la liberté de la presse.

En 2014, la france se situait derrière le Salvador et la Lettonie, en 39e position du classement de Reporters sans Frontières sur la liberté de la presse dans le monde. Le Costa Rica est 21e, le Ghana est 27e, le Surinam 31e... Bref, on n'a vraiment pas de quoi se vanter, même si on remonte un peu depuis que sarkoléon a dégagé (on était 44e en 2011).

Comment en est-on arrivé là ?

Malgré ce qu'on apprend à l'école, la censure est une vieille tradition française. Les mêmes Rois qui jouaient les mécènes des écrivains n'hésitaient pas à les envoyer au cachot au premier mot de travers.

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L'histoire est censurée, j'ai pu le constater par moi-même. L'histoire au jour le jour (le journalisme) l'est aussi, évidemment. On se souvient de Chirac qui voulait que les historiens présentent "le rôle positif" de la colonisation, de l'interdiction du "négationnisme" (en fait toute discussion sur la version officielle, ce qui ne fait jamais avancer la connaissance) sur la Shoah ou le génocide arménien, de l'interdiction de parler du cannabis de manière positive, d' "offenser" le président de la République (l'affaire du "casse-toi pauv' con" renvoyé à sarkoléon par un citoyen), de donner la recette du purin d'orties, de la présomption d'innocence, du secret de l'instruction, de l'interdiction de faire de la "propagande anti-nataliste", de publier les déclarations fiscales de nos députés, de l'interdiction des spectacles de Dieudonné, de l'interdiction pour une personne condamnée d'écrire un livre sur les faits pour lesquels elle a été condamnée, des 36 sites Internet bloqués par Valls...

Ce n'est pas pour rien que la France est un des pays les plus condamnés pour ses atteintes à la liberté d'expression par la cour européenne des droits de l'homme : la France a une véritable culture de la censure, et cela ne va qu'en s'aggravant. Tous les spécialistes du droit de la presse sont d'accord pour dire que la France est un des pays les plus restrictifs au monde en la matière.

Petit à petit, on a élaboré des lois pour protéger la vie privée, mais aussi les affaires, la fonction politique, et même l'honneur, contre les écrits trop agressifs. Ca part d'une bonne idée car il y a des abus, il ne sert à rien de revenir sur les dérives de la presse people.

Mais en réalité, ce que veulent protéger nos oligarques, c'est leur pré carré. Leurs magouilles, leurs mensonges, leurs amis, tout cela doit rester dans l'ombre. Aujourd'hui, même un journaliste qui dit la vérité et ne commet aucune faute, comme le reconnait le tribunal, peut-être condamné. Juste pour la forme, sans aucune base légale. Mais les lois, on s'en fout, en fait elles ne valent que pour les justiciables, par pour les juges et les politiciens.

Dans mon métier, j'ai eu à connaitre un certain nombre de magouilles politiques et/ou financières. J'ai pu écrire à ce sujet seulement deux fois, dont l'une a débouché sur un procès qui traine depuis des lustres. Pourquoi ? Tout simplement parce que, sans avoir les moyens de la justice ou de la police, un journaliste doit avoir bétonné son enquête avant de la publier. Bétonné, cela veut dire multiplier les sources concordantes, et avoir des preuves valables devant un tribunal en cas de plainte pour diffamation, outrage ou autre invention destinée à nous museler [2], le tout en respectant la loi.

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En fait, il faut réunir les preuves que des policiers auraient du déjà réunir avant nous, à la demande d'un juge, sans avoir les moyens d'enquête d'une brigade de police, ni les pouvoirs légaux d'un juge. Et en risquant moult ennuis qu'un magistrat ne risque pas d'avoir s'il commet une ou deux erreurs dans son instruction.

Il est par conséquent très rare qu'un journaliste puisse publier une enquête politico financière, ou sur un trafic quelconque. Surtout s'il est pigiste, et surtout s'il sait que sa rédaction ne le soutiendra pas en cas de problème, ce qui devient la norme.

Par exemple il est impossible de diffuser la moindre enquête mettant en cause un politicien pédophile. Dans les rédactions, quand on parle d'un tel ou d'un autre, tout le monde est parfaitement au courant de leurs casseroles, mais aucune ne prendra le risque de publier quoi que ce soit parce qu'on sait qu'on perdra, avec à la clé des dommages et intérêts monstrueux à verser. Même si l'enquête est béton. Et quand on parvient, malgré moult embûches, à publier un article ou à diffuser un reportage, il se trouve qu'on peut encore être attaqué au pénal ou au civil, où on va dire qu'on a cherché à nuire à des innocents, qu'on est de parti pris, et où on va nous réclamer une somme rondelette en guise de dommages et intérêts.

Souvent, et surtout en période électorale, j'aimerais vraiment que les citoyens puissent se transformer en petites souris dans les rédactions. Ils en apprendraient de belles sur les moeurs de leurs élus, sur leurs magouilles et leurs géguérres stériles. Il est rare que les journalistes aient du respect pour le métier d'homme ou de femme politique. Or, les citoyens devraient savoir que les médias et surtout la liberté d'expression sont les pierres angulaires d'une société démocratique. C'est d'ailleurs cela qui nous permet de penser qu'aujourd'hui nous ne sommes plus du tout dans une société démocratique.

Quand un journaliste qui refuse de donner ses sources à un juge risque de la prison ferme, où va-t-on ? Certes il faut des limites à la liberté d'expression : il serait stupide de permettre n'importe quoi en la matière. Mais aujourd'hui il est temps que les gens se réveillent à ce sujet. S'ils ont Pujadas au JT de France 2 depuis des lustres, c'est parce qu'ils ne réagissent pas et ne défendent pas la liberté de la presse.

Régressions

Le droit de la presse et la liberté d'expression régressent au même rythme que les libertés en général, avec une nette accélération depuis le lamentable passage de sarkoléon à l'Élysée. Il a attaqué le secret des sources, n'a cessé de faire son Berlusconi en attaquant les journalistes à chaque fois qu'ils écrivaient quelque chose qui ne lui plaisait pas, et faisait pression pour dégager les moins sympathiques.

Depuis la loi Dati censée officiellement renforcer le secret des sources, en réalité les journalistes sont forcés à balancer ou mis sous pression par la justice dans des cas de figure extrêmement nombreux. En fait, dès qu'un juge ou un responsable politique ou des RG estimait qu'il y avait un "impératif prépondérant d'intérêt public", le journaliste était tenu de donner ses sources sous peine de 150.000 euros d'amende et 10 ans de prison. En Belgique, c'est plus simple : un journaliste est tenu d'informer la justice s'il a connaissance de la préparation d'un crime (meurtre ou attentat), point barre.

Mais bon, si un juge s'assied sur ce qu'il nous reste de secret des sources, aucune sanction n'était prévue, comme c'est toujours le cas avec les juges qui bénéficient d'une impunité certaine dans l'exercice de leurs fonctions, ce qui est un comble quand on sait que la justice est rendue au nom du peuple français. Une belle arnaque encore une fois, mais il est vrai que ça ferait mauvais genre d'écrire au bas des décisions de justice qu'elles sont rendues au nom de l'oligarchie qui nous dirige.

Ces dernières années, et surtout quand sarkoléon était au pouvoir, on a vu se multiplier les perquisitions dans les rédactions ou au domicile de journalistes. Par moment, on n'a rien eu à envier à l'URSS. Alors depuis que flamby est arrivé, il est question, toujours officiellement, de "renforcer" cette protection des sources. Or, au final, le texte était encore plus restrictif que les précédents.

En parallèle des gesticulations de Taubira sur le secret des sources, la loi Macron voulait protèger le secret des affaires, impliquant des sanctions pour les journalistes trop curieux, et la loi sur le renseignement passée elle aussi en force, suite aux attentats de janvier, a bien failli permettre aux RG et aux flics de perquisitionner chez des journalistes, avec ou sans la décision d'un juge. Quoi qu'il en soit, tous les ordinateurs seront pistés et leurs données traitées on ne sait comment.

Les journalistes sont parvenus à éviter la catastrophe avec la loi Macron, mais finalement, depuis 2013 la commission européenne prépare une directive assurant le secret des affaires, dont une définition particulièrement large nous est donnée.

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Le journaliste du magazine Cash Investigations qui a enquêté sur l'évasion fiscale menée par le Luxembourg est poursuivi par ce pays au nom de la violation du "secret des affaires".

Cette arme est déjà utilisée, entre secret commercial, secret professionnel, recel de violation du secret professionnel et autres instruments législatifs, les entreprises et institutions avaient déjà de quoi faire taire et condamner des journalistes trop curieux, même si leur enquête était des plus sérieuses. Denis Robert, qui a longuement travaillé sur l'affaire Clearstream, a été victime de dizaines de procès avant de gagner, en 2011, en cassation.

Il faut juste imaginer combien coute un procès contre des entités aussi puissantes que l'État luxembourgeois, Clerstream, les banques, et même contre n'importe quelle entreprise. Le temps que cela prend. Les moyens disproportionnés. Le fait qu'on peut être condamné même en ayant mené une enquête des plus sérieuses, dans l'intérêt général.

Normalement, un juge devrait prendre en compte l'intérêt général à avoir accès à ces informations. Car sans la liberté d'enquêter, il ne peut pas y avoir de société démocratique. Or dans l'affaire Denis Robert/Clearstream, il a fallu attendre l'arrêt de la cour de cassation après dix ans de procédures diverses et variées pour qu'un juge se pose la question de l'intérêt général à avoir connaissance de cette affaire.

En outre, il faut souligner que des éditorialistes comme Edwy Plenel dans Le Monde et Philippe Val dans Charlie Hebdo, avaient violemment critiqué l'enquête de Denis Robert, la qualifiant de "théorie du complot" ou de "protocole des sages de Sion", rien que ça.

Il faut le reconnaitre : un journaliste, en France, doit être très courageux pour attaquer frontalement des multinationales, des banques ou des politiciens véreux.

L'uniformisation par l'abêtissement

Il y avait encore plein de journaux intéressants il y a 15 ans : Alternatives Economiques, Courrier International, Charlie Hebdo, Le Monde... Mais à force de rachat par des groupes financiers, d'indépendance perdue, ces journaux ont commencé à tous raconter les mêmes choses, de plus en plus insipides.

Les médias tournent aujourd'hui grâce à la publicité, et plus le lectorat a du pouvoir d'achat plus votre revue a des chances de durer, aux pages sport et people, aux subventions publiques, aux actionnaires friqués qui les utilisent pour obtenir de meilleurs contrats publics, notamment dans l'armement et le BTP (groupes Dassault, Lagardère, Bolloré). Pourquoi un Rothschild deviendrait-il le premier actionnaire d'un journal comme Libération si ce journal était encore pertinent?

La seule subversion à laquelle on a le droit, aujourd'hui dans les médias commerciaux, c'est à des films naturistes à tendance pédophiles ou des petits cours d' "éducation sexuelle" sur Arte et des escroqueries intellectuelles anti féministes dans le journal créé par la Elisabeth Levy [3], dont on sait à quel point elle peut s'exciter lors des discussions à la télé. De même, on censure nombre d'expositions quand les religions sont malmenées mais on tolère le plug anal géant sur la place Vendômed'un artiste scatophile.

De leur coté, les annonceurs dictent aussi de plus en plus leur loi, comme Apple qui exige que les sujets traités dans les éditions où elle a placé des pubs ne soient pas choquants ou polémiques.

Dans tous les types de médias, l'information est le parent pauvre. Quant aux journaux d'information pure, ils ne financent généralement plus de longues enquêtes. En fait, les journalistes doivent trop souvent enquêter en dehors de leur travail quotidien, car les enquêtes coûtent cher et ne sont pas "rentables".

Les journalistes sont aussi de plus en plus précaires, payés au lance pierre, et sont dans l'insécurité. Même les salariés se demandent s'ils ne feront pas partie du prochain charter, puisqu'il faut réduire les coûts absolument.

Or, un journaliste qui craint d'être viré du jour au lendemain va hésiter avant de faire des sujets polémiques, avec risques de procès, ou qui pourraient heurter des sensibilités.

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Mais qu'importe, car en fait il n'y a plus la place pour la réflexion de fond, l'analyse, la prise de recul. Tout est dans l'instantané, le buzz, tout doit attirer l'œil et pas le cerveau [4]. Parce que les dirigeants de presse considèrent que leurs lecteurs sont stupides et fainéants, et qu'écrire plus de 3.000 signes c'est gavant. En 3.000 signes, il est bien difficile d'aborder le fond d'un problème de société ou d'une affaire compliquée.

A la radio, les consignes sont les mêmes : pas plus de 15 mots par phrase, pas plus de 2 ou 3 concepts par sujet. Ça, ce sont les consignes de tous les médias commerciaux, qu'on apprend bien aux étudiants dans les écoles de journalisme. Des journalistes précaires, des sujets insipides, fun, distrayants, ou alors carrément glauques et sanguinolents quand il s'agit de faits divers. De plus en plus, les articles se ressemblent. Les sujets traités par Le Monde, Libé et Le Figaro (les trois quotidiens dits "de référence" (sic.) en France) sont les mêmes à 90%, souvent retapés sur le net avec des fautes d'orthographe, parce que ce qui compte c'est d'être le premier à retaper la dépêche AFP, pour être mieux référencé sur Google.

Les angles sous lesquels sont traités les sujets sont aussi de plus en plus les mêmes d'un média à l'autre, sur tous les sujets fondamentaux. Que vous regardiez France 2, que vous lisiez Le Monde ou L'Express, que vous écoutiez RTL, vous entendrez exactement les mêmes choses sur le terrorisme, la guerre en Syrie, en Irak, en Libye et ailleurs, l'économie, la Grèce, les vaccins, les affaires criminelles, le réchauffement climatique, les élections, l'Europe, Hugo Chavez, Poutine...

Étrange, non, alors que ces sujets suscitent de réels débats dans la société. La seule différence qu'on trouve entre les médias, c'est le courant politique qu'ils soutiennent : Le Figaro occultera quelques infos favorables au PS ou défavorables à Sarko, en mettra d'autres en exergue. Ce sera l'inverse dans Libé. Les sources sont aussi toujours les mêmes : les sources officielles priment toujours. Par exemple, dans le cas de la dernière grippe aviaire/porcine, toute la presse nationale commerciale et les médias "officiels" (France Télé, France Inter, AFP etc.) ont relayé sans aucune critique les communiqués des ministères de la santé et de l'OMS qui appelaient à se vacciner parce qu'on allait tous mourir. Sur le terrain, dans la presse locale, on a attendu de voir. Et il ne s'est rien passé. La presse locale, elle n'a pas appelé à se vacciner car l'épidémie n'a jamais eu lieu, en réalité.

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Du côté de la justice, les juges n'ont plus le droit de parler à la presse : c'est le parquet, inféodé au pouvoir politique, qui communique. Dans les institutions, les entreprises, les associations, on cultive aujourd'hui la parole officielle. Le top du top pour nos chefs de rédactions, ce sont les sujets consensuels, ceux où tout le monde est d'accord. D'où les 30% du temps des JT consacré à nous parler du temps qu'il fait, des "reportages" sur les vacances, sur le bac, sur les achats de noël, le prix du carburant...

On sait aussi qu'un article sur un chat ou un chien maltraité aura un bien meilleur "taux de lecture" qu'un article sur un enfant victime de pédophile, ce qui devient certes d'une banalité effrayante dans la presse locale. Tout est lissé, plus rien ne dépasse sauf dans la stupidité, où là on dépasse allègrement les limites de la décence. Dans le cas de la presse spécialisée, des médias axés sur le sport à ceux axés sur l'automobile, la santé ou sur la pêche, le problème n°1 est que les annonceurs qui paient des pubs dans ces médias au public très ciblé ne veulent généralement pas de polémique sur leur gagne pain, et encore moins quand la polémique les vise directement. Il y aura donc rarement d'articles dérangeants dans ce type de presse.

Heureusement, toutefois, qu'il existe encore quelques médias indépendants, financés uniquement par ceux qui les achètent, et j'ai envie de citer La Brique, Fakir, la Décroissance, le Monde Diplomatique (et dans un autre registre, qui doit exister, Minute et la presse catholique ou de droite)... Certains autres, notamment des magazines, tentent de garder un minimum d'indépendance, eux aussi, mais toujours avec de petits moyens. Et puis, il a tous les webzines alternatifs, les blogs et autres forums, et réseaux sociaux, où finalement beaucoup d'informations circulent.

Offensive sur la toile

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Comme les médias ne disent plus rien, c'est sur Internet que les gens se renseignent désormais le plus. Et c'est là que la justice tape de plus en plus, même quand, là encore, il n'y a pas d'infraction. Les dernières lois censées viser le "terrorisme" vont en fait attaquer la liberté d'expression de tout le monde : tout écrit jugé néfaste à l'intérêt général tel que défini par la clique au pouvoir sera passible de censure, et l'auteur risquera des sanctions allant jusqu'à la prison. Et comme d'habitude, on s'arrange pour donner au "terrorisme" une définition suffisamment floue pour que toute opposition puisse rentrer dans le cadre.

Aujourd'hui, puisque c'est sur le net que passe l'information, ce sont les blogueurs qui sont attaqués. Même si je ne partage pas ses idées, je suis outrée que Le Libre Penseur soit poursuivi par Pierre Bergé pour avoir fait écho à un article du magazine VSD qui évoquait des partouzes pédophiles dans sa villa au Maroc. Aujourd'hui, les avocats de certains hommes politiques n'hésitent pas à envoyer des pages de plaidoirie à tout blogueur qui osera dire que ledit politique est pédophile, et cela malgré une pile impressionnante de dossiers - tous étouffés bien-sûr - à propos des agissements de ce politique. Vous ne lirez donc rien à ce sujet sur la toile, sauf avec des blogs pirates créées en utilisant des moyens de cryptage, afin que l'auteur ne finisse pas en taule.

Deux mois avant les attentats de janvier, le gouvernement Valls a fait passer des "lois sur le terrorisme", qui permettaient de censurer directement des sites web sans passer par l'autorisation d'un juge. On a aussi augmenté les peines contre tous ceux qui se montrent favorables au "terrorisme".

Avec la loi sur le renseignement il y aura une surveillance généralisée de tout ce qui est fait et circule sur le web. Toutes les données de connexion des internautes qu'on jugera trop subversifs seront analysées, sans aucun contrôle. Tout cela, au nom de la "prévention du terrorisme". Mais, tout le monde sera pisté dès lors qu'il utilisera le web classique. Sur le deep web, l'anonymat reste garanti, et c'est d'ailleurs par ce canal que les vrais terroristes et les vrais pédocriminels échangent.

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Enfin, on parle bien de "prévention", c'est-à-dire qu'il n'y a même plus besoin d'être sur le point de commettre un attentat pour être pisté de près et censuré, il suffit qu'on estime que vous êtes favorable aux idées de certains "terroristes". Aujourd'hui, tout le monde pense que terroriste = islamiste, mais vous allez voir que la définition est appelée à s'élargir de manière plus que conséquente.

En fait, les renseignements cas :

- La sécurité nationale
- Les intérêts essentiels de la politique étrangère et l'exécution des engagements européens et internationaux de la France
- Les intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France
- La prévention du terrorisme
- La prévention de la reconstitution ou du maintien de groupement dissous
- La prévention de la criminalité et de la délinquance organisée
- La prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique

Je parie que dans 5 ans, le cadre de ce flicage de masse aura encore été élargi, toujours au nom du terrorisme. Mais il est vrai que la peur est le meilleur moyen de manipuler les masses, surtout quand des médias aux ordres répercutent n'importe quelle info bidon pourvu qu'elle soit officielle.

Offensive contre la liberté de penser

Petit à petit, on est aussi en train d'élargir le délit d'opinion.

Je sais que peu savent encore ce qu'est l'affaire de Tarnac, mais que vous soyez de droite ou de gauche, je pense qu'il faut comprendre qu'au final, c'est la liberté d'expression qui est en cause. A l'époque on venait d'entrer en sarkoland, et la semaine de l'élection, au cours de laquelle des émeutes ont eu lieu dans de nombreuses villes de france, on a vu apparaître le terme "anarcho autonomes" dans Le Figaro, le journal pro sarkoléon [5]. Diantre, me suis-je dit alors : on va nous refaire le coup du terrorisme de gauche, genre les coups foireux des réseaux stay-behind auxquels plus aucun historien sérieux ne croit aujourd'hui ?

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Il n'a pas fallu attendre longtemps pour y arriver. Fin 2008, une série d'arrestations a lieu à Tarnac, où des "autonomes" vivaient donc "en autonomie". Ils n'avaient même pas de téléphones portables, ce qui était hautement suspect, par contre ils lisaient des livres subversifs, comme "L'Insurrection qui vient", pourtant étudié dans des universités européennes. On leur reprochait d'avoir commis une dégradation sur une ligne de chemin de fer, acte requalifié pour la circonstance en "terrorisme". On a traités d' "anarcho-autonomes", donc, mais aussi d' "ultra-gauche" avec une "connotation sectaire" ou de "milieu radical" ces jeunes que les voisins trouvaient pourtant "très gentils et polis", et qui avaient repris l'épicerie du village.

Puis, au fil des mois, certains sont ressortis de prison, mais à travers la France des dizaines de personnes ont été entendues et perquisitionnées, avec saisie de l'ordinateur et du téléphone portable. Probablement histoire de faire une cartographie des jeunes alternatifs, ceux qui sont vraiment contre ce système mais s'y opposent avec des valeurs de solidarité et d'inventivité, et qui, souvent, ont fait leurs armes dans des manifestations contre les mesures ultra libérales de la France, de l'Europe, de l'OMC...

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Bref, revenons à Tarnac. Le jour des arrestations, sarkoléon avait tenu à "saluer l'efficacité et la mobilisation des forces de police et de gendarmerie dans cette enquête". La presse rapportait que la Sous-Direction Anti-Terroriste (SDAT) "s'interroge sur "d'éventuels liens avec l'ultra-gauche allemande qui a déjà revendiqué des actions contre des trains transportant des déchets nucléaires". Mdr.

Or, il se trouve que l'enquête des policiers a été mise en cause très rapidement. Je ne rentre pas dans les détails, mais dès 2009 un tas d'irrégularités ont été mises à jour dans l'enquête qui a mené à la désignation du Julien Coupat et quelques autres comme ayant organisé l' "attentat" (à savoir la mise d'un bloc de granit sur le caténaire d'un TGV, de manière à le bloquer).

Aujourd'hui, la juge d'instruction vient d'enlever cette accusation de terrorisme (car 7 ans après, huit personnes sont renvoyées au tribunal correctionnel, et Julien Coupat a passé plusieurs mois en prison), mais le procureur a fait appel pour qu'on la remette.

En effet, Le Monde nous expliquait que dans l'affaire dite "de Tarnac", "Le ministère public estimait, en se fondant sur l'article 421-1 du code pénal, que "les atteintes aux biens" peuvent constituer des actes de terrorisme pour peu qu'elles aient "pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur"".

Dans son dossier, il n'y a plus rien qui tient, à part sa pièce maîtresse : le livre "L'Insurrection qui vient", qu'on reproche à Coupat d'avoir écrit, ce qu'il a toujours nié. Et quand bien-même : on a encore le droit de penser et d'écrire ses opinions dans ce pays, même si on parle d'insurrection. En outre, le livre en lui-même n'a jamais été poursuivi par la justice.

Cette affaire qui a démarré sous sarkoléon continue bien que flamby et le PS soient au pouvoir depuis 2012. Certes, il serait compliqué de stopper l'affaire, de s'excuser et de renvoyer sarkoléon au tribunal pour avoir instrumentalisé la justice. Et puis, cela arrange tout le monde de mettre un étau autour des mouvements alternatifs, les seuls à être vraiment subversifs aujourd'hui.

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Depuis Tarnac, on a bien relancé la peur du terrorisme islamiste, donc on tape moins sur la gauche et les alternatifs. Mais, l'épée de Damoclès est là. Si l'atteinte à la propriété devient du terrorisme quand ça chante le pouvoir en place, n'importe quel accident de voiture pourra prendre des proportions de dingue. Et puis après, ce sera quoi ? Critiquer le système capitaliste deviendra-t-il du terrorisme ? Ce n'est pas impossible et on pourra vite nous dire que s'en prendre à l'intérêt économique de la nation est du terrorisme.

Avec la loi sur le renseignement et les pleins pouvoirs donnés aux barbouzes, plus personne qui ose contester l'ordre établi ne sera à l'abri d'une opération à son encontre similaire à celle de Tarnac.

Car dans cette affaire, l'enquête de police a été tellement bidonnée qu'on n'est absolument pas sûr que les huit accusés aient commis quoi que ce soit, ni même qu''ils aient été sur les lieux des faits.

Il est clair qu'on n'a plus la liberté d'opinion et d'expression en France, d'ailleurs historiquement je crois que cela n'a jamais été le cas. En tout cas, aujourd'hui on cumule autour de 400 lois destinées à restreindre les libertés d'opinion et d'expression. Comment les médias, dans un tel contexte, peuvent-ils encore être les garants d'une société démocratique, comment peuvent-ils remplir leur rôle de "contre pouvoir" ?
On le voit, glissement après glissement, les libertés se réduisent comme peau de chagrin, et la liberté d'expression est en première ligne. Pourquoi un tel besoin de censure, digne de l'Inquisition ? Mais parce que les idées non contrôlées font peur, et en premier lieu les idées qui attaquent directement le système. En fait, nous sommes toujours plus soumis à la pensée unique, la pensée orthodoxe, la Doxa. On est dans une oligarchie, une ploutocratie peut-être, mais certainement pas en démocratie, et nos élites ont peur. Les lois répressives, c'est une certitude, ne vont pas s'arrêter là : toute liberté est perçue comme une menace par la classe dirigeante [6].
Notes :

[1] Un documentaire qui parlait de l'évasion fiscale opérée par des filiales du Crédit Mutuel, avec lequel Bolloré est partenaire en affaires. Bolloré a appelé le chef de Canal Plus pour demander la censure, qu'il a obtenue sans autre forme de procès.

[2] Parmi ces inventions, il y a poursuivire un journaliste non pas pour diffamation mais pour "harcèlement médiatique", et lui réclamer 400.000 euros au civil. Un moyen de détourner le droit de la presse qui est normalement interdit, mais que je subis depuis deux ans. Il y aussi poursuivre un journaliste pour "recel de violation du secret professionnel": durant une enquête, 9 fois sur 10 on doit avoir des sources internes qui n'ont pas le droit parler et sont donc attaquables, et le journaliste avec s'il a utilisé la violation du secret professionnel pour mener son enquête. Les inventions en la matière pulllent et personne ne bouge.

[3] Je fais référence à un récent "dossier" sur "la terreur féministe" dans le magazine machiste Causeur. Magazine où un type mis en examen dans le cadre d'une affaire de marché public a osé traiter les gens venus soutenir les frères Delay à Rennes de "secte". L'article de Causeur sur "la terreur féministe" est au niveau zéro du journalisme, mais dans la pure tradition éditorialiste française.

[4] On peut rappeler cette fois où l'AFP a déclaré que Martin Bouygues était décédé, quand elle a diffusé cette histoire du père qui laisse sa fille se noyer à Dubaï, oubliant de préciser que les faits datent d'il y a 20 ans, ou quand il a été dit que Kim Jong Il avait tué un officiel au canon anti aérien, le tout ayant repris en choeur par tous les médias, qui prennent toujours pour argent comptant ce que raconte l'AFP. D'ailleurs, 90% des infos répercutées dans les médias commerciaux proviennent directement de l'AFP, quand les dépêches ne sont pas retapées telles quelles. Tout simpement parce qu'il faut être le premier à donner l'info, et que les dépêches de l'AFP, pourtant dirigée par des proches du parti socialiste, sont considérées comme parole d'évangile.

Sur ce thème, je peux raconter une anecdote révélatrice: partie couvrir un incendie dans une usine, je reviens à la récation et le directeur m'appelle pour me dire que j'avais écrit n'importe quoi. En réalité, la "rédaction web", à 200 kilomètres de là, avait balancé une dépêche de l'agence, dont le reporter n'avait pas été sur place et la dépêché était remplie d'inexactitudes. Ceci, alors que ma rédaction avait bien un reporter sur place: moi. Mais on n'a même pas pris la peine de m'appeler ou d'attendre 30 minutes que j'envoie moi-même ce web. C'est ridicule, mais cela monte bien quelle est la priorité dans les rédactions.

[5] Comme par hasard, les "bastions" de ces "anarcho autonomes" étaient les facultés qui avaient manifesté le plus fortement contre le CPE, le "contrat premier emploi" de Villepin, qui était un contrat au rabais pour les jeunes de moins de 25 ans. Personne dans ces manifestations n'a jamais parlé de commettre des actes terroristes, mais apparemment il fallait faire peur, et ces "groupes" ont été qualifiés de "très violents".

[6] Je renvoie ceux qui auraient des doutes vers un sublime rapport pondu par la banque JP Morgan, dans lequel, à l'aune de la crise économique, politique et sociale que connaît la zone euro, on s'inquiétait que les citoyens avaient encore le droit de voter, et que leur poids était bien supérieur, électoralement, aux 2 ou 3% de la classe dominante. Au nom de l'euro et des principes ultra libéraux, il convenait de redresser les choix politiques alternatifs de certains pays du sud de l'Europe. Ils ont été entendus: l'Espagne est en train de faire passer des lois dignes de Franco en matière de libertés publiques.