Traduction : Y.Jardin

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Ce que je suis sur le point d'écrire ne me sera pas facile . D'habitude j'étais l'un de ceux qui contestaient l'étiquette d'apartheid telle qu'appliquée à Israël. J'étais l'un de ceux sur lesquels on pouvait compter pour soutenir que, même si les politiques de colonisation et d'occupation de ce pays étaient anti-démocratiques, brutales et suicidaires à petite dose, le mot d'apartheid ne s'appliquait pas. Je ne suis plus l'un d'entre eux. Pas après ces dernière semaines.

Pas après que des terroristes aient jeté des bombes incendiaires dans une maison palestinienne de Cisjordanie, annihilant une famille, assassinant un garçon de 18 mois et son père, infligeant à sa mère des brûlures à plus de 90 % - pour qu'en définitive le gouvernement d'Israël statue que cette famille est inéligible à l'aide et aux compensations financières automatiquement accordées aux victimes israéliennes du terrorisme, y compris aux colons.

Je ne peux plus faire semblant. Pas après que la Ministre de la Justice d'Israël Ayelet Shaked, en déclarant que le fait de jeter des pierres est du terrorisme, ait conduit à l'adoption d'une loi tenant les lanceurs de pierres passibles d'une peine s'élevant à 20 ans de prison.

La loi n'a pas spécifié qu'elle ne visait que les lanceurs de pierres palestiniens. Elle n'avait pas à le faire.

Juste une semaine après, des Juifs en faveur de la colonisation ont jeté des pierres, des meubles, et des bouteilles d'urine sur des soldats et policiers israéliens dans une colonie de Cisjordanie, et en retour, Benjamin Netanyahu a immédiatement récompensé les Juifs lanceurs de pierres en s'engageant à construire de centaines de nouveaux logements dans les colonies.

Voici ce qui est advenu de l'état de droit. Deux registres. L'un pour Nous, et l'un à jeter sur Eux. L'apartheid.

Nous sommes ce que nous avons créé. Nous sommes ce que nous faisons, et les dommages que nous causons de mille manières à des millions d'autres. Nous sommes ce sur quoi nous fermons les yeux. Notre Israël est ce qu'il est devenu : l' apartheid.

Il y a eu une époque où j'établissais une distinction entre les politiques de Benjamin Netanyahu et ce pays que j'ai aimé si longtemps.

Plus maintenant. Chaque jour nous apparaît encore un nouveau scandale.

D'habitude j'étais quelqu'un qui voulait croire qu'il y avait des limites morales et démocratiques - ou, à défaut, des contraintes pragmatiques - jusqu'à quelle bassesse le premier ministre était prêt à aller, jusqu'où il était prêt à se plier aux fiers promoteurs de l'apartheid, afin de renforcer son pouvoir.

Plus maintenant. Pas après Danny Danon.

Pas quand le choix du premier ministre pour nous représenter tous, tout Israël, aux Nations Unies, est un homme qui a proposé une mesure législative pour annexer la Cisjordanie, en créant effectivement des Bantoustans pour les Palestiniens qui y vivraient sans état, privés des droits de l'homme fondamentaux.

L'homme qui nous représentera tous aux Nations Unis, l'homme qui parlera au Tiers Monde en notre nom, est l'homme qui a qualifié les demandeurs d'asile africains en Israël de "fléau national."

L'homme qui nous représentera tous aux Nations Unies est le même politicien qui a proposé un mesure législative destinée à paralyser les ONG de gauche qui viennent en aide aux civils palestiniens et qui s'opposent à l'établissement de l'occupation, tout en donnant le feu vert au gouvernement pour continuer à soutenir financièrement les ONG de droite soupçonnées de canaliser des fonds pour soutenir la violence des Juifs favorables à la colonisation.

Que signifie l'apartheid, en termes israéliens ?

L'apartheid signifie un clergé intégriste qui soit le fer de lance de l'intensification de la ségrégation, de l'inégalité, de la domination et de l'assujettissement.

L' apartheid signifie le législateur du Likoud et ancien dirigeant du Shin Bet, Avi Dichter, demandant dimanche (16 août) des routes et des autoroutes séparées et distinctes pour les Juifs et les Arabes en Cisjordanie.

L'apartheid signifie des centaines d'agressions de colons prenant pour cibles les propriétés, les ressources, et les vies palestiniennes, sans qu'ils soient condamnés, inculpés, ou même soupçonnés. L'apartheid signifie d'innombrables Palestiniens jetés en prison sans jugement, abattus sans jugement, abattus dans le dos alors qu'ils fuyaient et sans motif valable.

L'apartheid signifie des dirigeants israéliens utilisant l'armée, la police, les tribunaux militaires, les détentions administratives draconiennes, non seulement pour prévenir le terrorisme, mais pour entraver presque toute alternative de manifestation non-violente accessible aux Palestiniens.

A la fin du mois dernier, après la protestation explicite du dirigeant de l'Association Médicale Israélienne et de groupes de défense des droits de l'homme luttant contre la torture, Israël a édicté le texte du gouvernement, de "Loi pour empêcher les préjudices dus aux grèves de la faim". La loi autorise l'alimentation forcée des prisonniers, même si le prisonnier refuse, si la vie du gréviste est estimée être en danger.

Le Ministre de la Sécurité Publique de Netanyahu Gilad Erdan, qui a poussé fort pour que la loi soit adoptée, a qualifié les grèves de la faim des prisonniers palestiniens de sécurité emprisonnés pendant des mois sans inculpation ni jugement de " nouveau type d'attaque-suicide terroriste par laquelle ils menaceront l'État d'Israël".

Il n'y a que dans un système aussi perverti que l'apartheid, qu'un gouvernement a vraiment besoin d'étiqueter et de considérer la non-violence comme du terrorisme.

Il y a des années, dans l'Afrique du Sud de l'apartheid, des Juifs qui aimaient leur pays et haïssaient ses politiques, ont pris la responsabilité courageuse de renverser par la non-violence un régime de racisme et de refus des droits de l'homme.

Puissions-nous en Israël suivre leur exemple.