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Le parti travailliste britannique a un nouveau patron depuis aujourd'hui. Jeremy Corbyn a recueilli 59,5% des voix des membres du parti et succède ainsi à Ed Milliband, battu lors des dernières législatives du mois de mai.

«Je voudrais remercier tous ceux qui ont pris part à ces élections démocratiques», a déclaré Jeremy Corbyn dans son discours de victoire. Cette élection «a montré que notre parti et notre mouvement, passionné, démocrate, varié, était uni et résolument déterminé dans notre quête d'une société meilleure et juste pour tous», a-t-il poursuivi.

Jeremy Corbyn s'est imposé devant trois autres prétendants avec 59,5% des voix. Les trois autres candidats se sont retrouvés loin derrière : 19% pour Andy Burnham, 17% pour Yvette Cooper et seulement 4,5% pour Liz Kendall.

Le nouveau chef des travaillistes bénéficie d'une expérience parlementaire de 32 années. Il était entré à la chambre des Communes en tant que député d'arrière ban mais aujourd'hui il est devenu le fer de lance de l'opposition face aux Conservateurs de David Cameron.

Mais selon certains observateurs, il devra avant tout remettre de l'ordre dans son parti avant de pouvoir influer sur la politique du gouvernement britannique car, depuis la démission d'Ed Milliband en mai dernier après la défaite du parti lors des législatives anticipées, les travaillistes britanniques étaient dépourvus de meneur.


Un leader dont la politique contredit celle du gouvernement en exercice

D'après le plan de Jeremy Corbyn, il essayera d'infléchir les mesures d'austérité budgétaire du gouvernement et renationalisera les chemins de fer, augmentera l'impôt sur les sociétés, de même que les investissements de l'Etat dans les infrastructures et les logements sociaux.

Depuis plusieurs années, Jeremy Corbyn représente également l'extrême-gauche du parti en s'opposant aux mesures d'austérité et notamment aux différents conflits dans lesquels l'armée britannique est impliquée. Il critique aussi la politique menée par les Etats-Unis au Moyen-Orient, ce qui contredit la ligne du gouvernement britannique en exercice.

En novembre 2014, Jeremy Corbyn avait déclaré que les frappes des Etats-Unis en Syrie étaient illégales. «Je suis très préoccupé par l'augmentation des bombardements américains en Syrie, autant que je le sache, sans base légale, comme ce fut le cas lors de l'intervention en Irak», avait-il déclaré.

Maintenant qu'il est à la tête du parti, ses adhérents croient qu'il pourra empêcher à David Cameron de poursuivre les bombardements en Syrie. «Je suis persuadé que Cameron essayera d'utiliser la crise migratoire pour convaincre les gens que le Royaume-Uni doit bombarder la Syrie. Et cela sera un défi pour Jeremy Corbyn. Je suis sûre qu'il s'y opposera comme il l'avait déjà fait auparavant», a déclaré Lindsey German de la coalition Arrêtez la Guerre dans une interview avec RT.

En septembre 2012, Jeremy Corbyn avait encore critiqué l'occupation de la Cisjordanie par l'Etat hébreu. «Israël s'empare de terres appartenant aux Palestiniens depuis 1948. Au mépris du droit international, la colonisation et l'occupation continues d'Israël sont illégales», avait-il déploré.

En juillet 2011, il avait mis en évidence que c'était l'OTAN qui avait provoqué la chaos en Libye. «Ce que nous avons fait, c'est ce que nous nous sommes laissés entraîner dans la guerre civile entre le gouvernement de transition et le régime de Kadhafi à Tripoli. Je pense que cela va durer très longtemps, devenir affreux et sanglant», avait-il annoncé.

Enfin, en janvier 2011, celui qui allait devenir le patron des travaillistes britanniques avait laissé entendre que les Etats-Unis avaient fait une faute grave en envahissant l'Irak. «Le monde est-il devenu plus sûr ? Non ! La menace terroriste a-t-elle diminué ? Non ! Cela offre-t-il de bonnes perspectives pour le développement du droit international ? Non !», avait-il encore regretté lors d'une interview accordée à RT.

Personnage détonnant, il a même promis de s'excuser devant le peuple britannique pour les erreurs commises par son parti s'il en devenait le patron. «Il est grand temps que le Labour présente ses excuses au peuple britannique pour les avoir entraînés dans la guerre en Irak sur la base d'une tromperie et au peuple irakien pour les souffrances que nous avons contribué à causer», avait encore déclaré Jeremy Corbyn.

Une popularité inattendue

Il y a quelques mois encore, les bookmakers ne pariaient qu'à 100 contre 1 sur une victoire de Jeremy Corbyn lors de l'élection du leader des travaillistes britanniques. Mais en août, la courbe s'est inversée et il est soudainement devenu le principal favori de la campagne.

Un récent sondage, lui prêtait même plus de 53% des intentions de vote auprès des adhérents du parti travailliste. Outre-Manche, on parle même d'une «Corbynmania» qui dispose de son propre hashtag : #CORBYNMANIA. Sur les réseaux sociaux, Jeremy Corbyn est en outre devenu un superhéros qui se précipite au secours du Royaume-Uni, assimilé à Superman ou à un chevalier Jedi.

Malgré sa popularité au sein du parti, il a dû faire face à des critiques aiguës de responsables politiques britanniques et notamment de Tony Blair. «Si Jeremy Corbyn l'emporte, cela ne signifiera pas une défaite comme en 1983 ou 2015. Cela entraînera une déroute, peut-être même une annihilation du parti. Le parti travailliste est en train de marcher les yeux fermés et les bras ouverts au bord du précipice», a déclaré l'ancien Premier ministre britannique

Alastair Campbell a, pour sa part, comparé la victoire de Jeremy Corbyn à «un accident de voiture» sur son blog.

Reste qu'on ne saura que dans cinq ans si le nouveau patron des travaillistes aura été capable de hisser son parti au pouvoir.