Les incidents contre les musulmans ont, depuis les attentats de Paris, atteint «un niveau sans précédent» aux Etats-Unis, nourris par les virulents discours de certains républicains comme Donald Trump en pleine campagne présidentielle, selon la principale association américaine de défense des droits civiques des musulmans.
Trump
© KENA BETANCUR. AFPLe milliardaire américain candidat républicain à la présidentielle le 3 novembre 2015 à New York
« C'est du jamais vu sur une période aussi courte », explique à l'AFP Ibrahim Hooper, porte-parole du Council on American-Islamic Relations (CAIR). Y compris, selon lui, après le 11-Septembre.

Depuis le 13 novembre, des dizaines d'incidents anti-musulmans ont été signalés dans tout le pays: coups de feu contre une mosquée de Meriden dans le Connecticut (nord-est), où le FBI participe à l'enquête; vandalisme contre un centre islamique de Pflugerville au Texas dont la porte a été couverte d'excréments, un acte que la police a qualifié de « crime de haine »; un graffiti d'une tour Eiffel en signe de la paix - symbole des attentats de Paris - a également été peint sur un centre islamique d'Omaha dans le Nebraska (centre).

Au Texas, où une demi-douzaine d'incidents ont été signalés, les lumières extérieures et la porte de verre d'une mosquée à Lubbock ont été brisées. A Corpus Christi, le centre islamique a reçu des menaces demandant à ses fidèles «de se convertir au christianisme avant qu'il ne soit trop tard», selon CAIR. A Irving, une manifestation devant un centre islamique a dénoncé « l'islamisation de l'Amérique ». Et un homme en treillis a également été arrêté à San Antonio, selon la police, après être rentré dans une mosquée, insultant les fidèles qui priaient.

CAIR évoque aussi des coups de feu contre la maison d'un couple musulman à Orlando (Floride), une femme voilée traitée de « terroriste », et un chauffeur de taxi éthiopien chrétien, pris pour un musulman, apparemment frappé et menacé par un passager se disant armé à Charlotte (Caroline du Nord).


Commentaire : D'après cet autre article (en anglais), un passager a tiré plusieurs fois sur un chauffeur de taxi musulman à Pittsburg, en l'accusant d'appartenir à l'ISIS, alors que le chauffeur avait bien précisé qu'il ne soutenait pas du tout les terroristes, et s'est montré sensible à la mort de victimes innocentes en mains de l'État Islamique. Il a été hospitalisé.


«Nous avons déjà eu des poussées de crimes haineux contre les musulmans, mais sur des périodes plus longues», explique M. Hooper.

«Il y en a eu beaucoup après le 11-Septembre, mais à l'époque, il y avait aussi beaucoup de soutien pour la communauté musulmane. On ne voit plus ça», ajoute-t-il.

Banalisation

Selon lui, la rhétorique anti-musulmans déjà constatée après l'attentat contre Charlie Hebdo s'est aggravée, nourrie par le discours politique extrême de certains candidats républicains à la Maison Blanche.

« Nous voyons la banalisation de la haine anti-musulmans par des gens comme Donald Trump ou Ben Carson. Cela donne un faux sens de légitimité à ceux qui voudraient perpétrer des crimes de haine », explique M. Hooper.

Et les dirigeants politiques « ne répondent pas, ne réagissent pas à cette poussée de haine anti-musulmans ».

Le milliardaire Donald Trump, en tête des sondages dans le camp républicain, a récemment affirmé avoir vu les images de « milliers » de musulmans applaudissant l'effondrement des tours du World Trade Center le 11-Septembre, depuis l'Etat voisin du New Jersey. Il a ajouté qu'il envisagerait le fichage des musulmans, voire l'imposition d'une carte d'identité spéciale. Il s'est aussi dit hostile à l'accueil de réfugiés syriens, tout comme 30 gouverneurs des 50 Etats américains.


Commentaire : Trump semble souffrir de troubles de la mémoire. Les images ayant circulé à l'époque des attentats du 11 septembre contenaient des jeunes israéliens en train de manifester leur joie suite à l'effondrement des tours du World Trade Center.


Le républicain Ben Carson a lui comparé les réfugiés syriens à des « chiens enragés ».

Dans le contexte de la campagne présidentielle, « les attentats à Paris ont eu un impact très négatif sur la communauté musulmane », estime aussi l'imam du centre islamique de Jamaica dans le Queens à New York, Shamsi Ali.

« Les musulmans sont inquiets », dit-il à l'AFP. Il ne déplore pas d'incident, mais la mosquée a néanmoins demandé à la police de participer à la sécurité. L'imam se dit « très content » de la réponse.

« Cette rhétorique n'est pas américaine », dit-il. « Ce pays respecte les droits de chacun de vivre et pratiquer sa religion. Ce pays accueille les immigrants. Et les quelque 7 à 10 millions de musulmans « font partie intégrante des Etats-Unis. Notre loyauté à ce pays », insiste-t-il, « n'est pas inférieure à celle des autres ».