Commentaire : A notre modeste niveau, tentons de rappeler, quotidiennement s'il le faut, que les exhortations politiciennes et les justifications gouvernementales sont là pour masquer, certes à grand-peine, le comportement aberrants des politiciens. Ceux-ci bien évidemment motivés par la perspective d'un pouvoir toujours plus étendu qui leur permettrait d'étouffer toutes les contestations, toutes les contradictions. Heureusement pour nous, il nous est encore possible de comprendre qu'on ne gagne pas la liberté... en la restreignant ; que la sécurité grandit au fur et à mesure que notre conscience et notre connaissance des dangers grandit, et non pas grâce à la multiplication des lois répressives.

dictature
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L'état d'urgence est une parfaite illustration de la façon dont les démocraties finissent : par glissements quotidiens, à coup de dénis et de protestations officielles de bonne foi et de forfaitures ahurissantes. La réaction des pouvoirs publics, aux abois sur un plan politique, face à des manifestations d'opposants, constitue une étape sur ce chemin de la dictature.

L'état d'urgence à Calais

Alors que les pouvoirs publics, obsédés par les problèmes parisiens et totalement indifférents aux difficultés des Français ordinaires, ont laissé s'installer une situation de non-droit à Calais, l'état d'urgence est désormais mobilisé pour mater les oppositions. Le 23 janvier, la préfecture autorisait une manifestation de migrants, qui a dégénéré. Voici ce qu'en disait la maire de Calais :
Le 23 janvier, lors d'une manifestation qui n'aurait jamais dû être autorisée, un groupe important de migrants a pu envahir le port et une partie d'entre eux ont même accédé à un ferry. Cet événement a montré la fragilité du dispositif de sécurisation du port, et démontré que la lande était hors de contrôle. Comme je ne peux accepter qu'une partie du territoire de ma ville ne soit pas sous contrôle, je demande au ministre de l'intérieur qu'on en sorte les gens qui n'ont rien à y faire et qui incitent les migrants à ce type d'action.
La maire faisait évidemment allusion aux militants no-borders qui ont infiltré les camps de réfugiés et y incitent à l'agitation. L'État ne cherche manifestement pas à les contrôler.

Ce week-end, la préfète du département avait en revanche interdit la manifestation de Pegida qui a rassemblé quelques dizaines de manifestants. Le leader du groupe, le général de la Légion Etrangère Piquemal, y a été arrêté et sera jugé en urgence ce lundi.

Il ne s'agit pas ici de défendre Pegida France, mais de pointer du doigt la partialité de l'État dans cette affaire, dont il ne sortira rien de bon.

L'état d'urgence à Marseille

Vendredi, une autre manifestation était interdite. Il s'agissait du rassemblement de l'Action Française sur la tombe de Charles Maurras dans le village de Roquevaire. On le voit : on est loin, ici, des logiques de manifestation dans des zones sensibles. Malgré tout, la préfète locale a invoqué l'état d'urgence pour restreindre la liberté de manifester :
« Ce rassemblement a suscité un appel à la contre- manifestation lancé par plusieurs associations et fédérations locales », précise la préfecture de police dans un communiqué. Elle souligne que la « proximité des deux rassemblements » et une « récente série de heurts et agressions » impliquant des individus se réclamant de l'Action française font courir un « risque avéré de confrontation ».

Cette situation est, selon elle, « de nature à troubler gravement l'ordre public ». « Par ailleurs, la forte mobilisation des forces de l'ordre sur l'ensemble des missions de l'état d'urgence ne permet pas d'encadrer ces rassemblements, ni même de contenir tout débordement », indique-t-elle.
Là encore, il ne s'agit pas de défendre l'Action Française, mais de constater le glissement par lequel l'état d'urgence est désormais invoquer pour justifier de sévères entailles à la liberté de manifester.

L'état d'urgence glisse vers la dictature
Peu à peu, l'état d'urgence révèle donc sa vraie nature. Alors qu'il était mis en avant comme le moyen le plus sûr de lutter contre la menace terroriste, il se transforme peu à peu en arme ordinaire pour contenir les divergences d'opinion dans un contexte où les tensions politiques se durcissent fortement.
La prorogation de l'état d'urgence envoie un signal supplémentaire de cette dangereuse dérive : la règle de droit devient l'exception, et l'exception au droit la règle. Reste à voir quel trouble sera créé par le passage du général Piquemal devant la justice.