Commentaire : Rappelons, en gros, la splendide logique du gouvernement : pour lutter contre le terrorisme, on va durcir... les punitions.

Et oui, on le sait, le vilain terroriste est facilement impressionnable : il se tétanise de savoir qu'il encourt une peine de prison... encore plus longue s'il se fait arrêter ; il s'effraie de réaliser qu'on risque de venir chez lui en pleine nuit pour l'empêcher de conspirer en rond ; il se pétrifie en comprenant que l'on peut intercepter sa correspondance électronique ; il s'horrifie de savoir que, dorénavant, les forces de l'ordre sont doté d'une irresponsabilité pénale qui leur permet de riposter en toute circonstance sans avoir peur d'être puni par leur hiérarchie ; au comble de la terreur, le voilà qu'il s'évanouit car il réalise enfin, lui, terroriste, qu'il lui est interdit de consulter des sites terroristes et que s'il a l'intention de séjourner intentionnellement sur un théâtre étranger d'opérations terroristes, ça va mal se passer pour lui. Heureusement pour lui que la liste ça s'arrête ici : c'est qu'il se serait pendu en apprenant qu'il risquait d'être déchu de sa nationalité française, il y a quelques temps encore.

On le voit, toutes ces mesures extraordinaires vont faire fléchir le terroriste, à n'en pas douter. Quand à la populace, elle peut se rassurer, enfin : la police peut débarquer chez elle, à toute heure du jour ou de la nuit ; si un coup de feu mal parti tue accidentellement quelqu'un par mégarde par la faute à pas d'chance, elle sait qu'il n'y a pas de problème puisqu' il existe une loi qui déresponsabilise le responsable ; elle sait aussi que ses communications peuvent être surveillées constamment, légalement, et c'est normal quand on n'a rien à se reprocher ; elle sait que se réunir en groupe, en comité, entre amis et pourquoi pas en famille, ça peut être douteux, voire dangereux, et que c'est donc normal qu'on commence à légiférer tout ça si on a rien à cacher.


réforme pénale
© afp.com/MARTIN BUREAU Les sénateurs (ici lors de la minute de silence en hommage aux victimes des attentats de Bruxelles, le 22 mars 2016) ont adopté à une large majorité le projet de loi sur la réforme pénale

Les sénateurs ont voté massivement en première lecture, par 299 voix contre 29, le projet de loi sur la réforme pénale qui vise à prendre le relais du régime de l'état d'urgence, en vigueur depuis les attentats du 13 novembre.

Le gouvernement s'en sort mieux avec son projet de réforme pénale qu'avec la réforme constitutionnelle annoncée après les attentats de novembre. Le Sénat a massivement adopté, ce mardi, après l'avoir renforcé, le projet de réforme pénale prévu pour prendre le relais de l'état d'urgence.

Les sénateurs ont voté par 299 voix contre 29 le texte. A l'Assemblée, il avait été adopté par 474 voix contre 32, et 32 abstentions. Les sénateurs communistes, les écologistes, et un RDSE, Pierre-Yves Collombat, ont voté contre. Quatre socialistes, un centriste, un LR et 10 RDSE se sont abstenus.

Les principales dispositions de la réforme pénale

Le projet de loi entend "renforcer" les outils à disposition des autorités pour accroître l'efficacité de la lutte contre le terrorisme. Il intègre plusieurs dispositions de la proposition de loi destinée à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste adoptée au Sénat en février, notamment la possibilité de recourir aux perquisitions de nuit lors des enquêtes préliminaires et la possibilité de condamner les terroristes à la perpétuité réelle.

La commission des lois du Sénat a repris d'autres dispositions de ce texte, comme l'organisation d'un régime plus rigoureux d'exécution des peines pour les détenus terroristes, la création d'une circonstance aggravante permettant de criminaliser certains délits d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, la possibilité de saisie des correspondances électroniques et la création d'une juridiction parisienne spécialisée en matière de cybercriminalité.

En séance, le Sénat a créé de nouveaux délits, comme la consultation habituelle de sites terroristes ainsi que le séjour intentionnel sur un théâtre étranger d'opérations terroristes. Il a aussi encadré les conditions d'exécution et d'aménagement des peines des condamnés pour actes de terrorisme, dont celle de perpétuité réelle.

Les sénateurs ont par ailleurs prévu une irresponsabilité pénale des forces de l'ordre faisant usage de leur arme pour empêcher un ou plusieurs meurtres. Ils ont renforcé la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, notamment en interdisant le paiement par cartes monétaires rechargeables quand elles ne peuvent être rattachées à un utilisateur identifiable.

Vers une commission mixte paritaire

"Le Sénat a contribué à rendre le texte plus sévère et plus efficace dans le respect de l'État de droit", s'est félicité le président du groupe LR Bruno Retailleau. Un positionnement dénoncé par la gauche de la gauche: "Ne tombons pas dans le piège des obscurantistes, c'est la liberté et le combat social qui permettront à la République de triompher", a plaidé Cécile Cukierman (Communiste, républicain et citoyen, CRC). Même rejet des écologistes: "Ce n'est ni par laxisme, ni par naïveté, mais avec la conviction profonde que nombre des dispositions qu'il contient constituent une atteinte grave à nos libertés et à nos droits fondamentaux" a lancé Esther Benbassa.

Le texte doit faire à présent l'objet d'une commission mixte paritaire (7 députés et 7 sénateurs) chargée de trouver une version commune aux deux chambres.