Le Point.fr ouvre son espace de débat au professeur Didier Raoult, spécialiste des maladies infectieuses tropicales émergentes à la faculté de médecine de Marseille.

Une alerte mondiale est déclenchée actuellement pour essayer d'endiguer l'augmentation croissante de la consommation de sucre, qui a des effets néfastes sur la santé. Cette consommation est associée à une augmentation d'un grand nombre de maladies chroniques : diabète, obésité, pathologies cardio-vasculaires et cancers. Beaucoup des effets du sucre sur les humains sont comparables à ceux de l'alcool, et certains pays sont en train de mettre en place une régulation comparable afin d'en limiter les dégâts.

Jusqu'à un passé récent, les Européens ne consommaient pas de sucres industriels. Les sucres (glucose, fructose et saccharose) provenaient seulement des fruits et du miel. Le développement de la filière de la canne à sucre, puis de la betterave a permis d'ajouter du sucre aux aliments à partir du XVIIe siècle en Europe. Le sucre est désormais ajouté dans de nombreux aliments vendus dans le commerce, les desserts, bien sûr, mais aussi les boissons, et même les produits salés - l'un des exemples les plus courants étant celui des petits pois en boîte.

Cirrhose

La consommation de sucre augmente donc de façon considérable. Elle est d'ailleurs parallèle à l'augmentation du nombre de calories consommées, et de l'obésité. Directement utilisé par le cerveau, le glucose dérégule le centre de la satiété. Il faut d'ailleurs noter que, depuis trente-cinq ans, se développent des régimes pauvres en sucres, que les Américains appellent low carb, qui sont aussi - sinon plus - efficaces que les régimes low cal ou hypocaloriques, pauvres en graisses ! Il semble donc que le ciblage des graisses comme principales suspectes dans l'obésité soit partiellement faux.

Un travail récemment publié dans la revue Nature montre que la consommation chronique d'alcool et de sucre présente beaucoup de risques communs : hypertension, atteinte cardiaque, troubles lipidiques, pancréatite, obésité et même cirrhose ! Actuellement, la première cause de cirrhose aux États-Unis n'est plus liée à l'alcool, mais à l'obésité, en particulier à cause du sucre. Plusieurs ripostes face à la surconsommation de sucre ont commencé à être prises dans le monde, et en France, comme la taxation des boissons sucrées.

Il serait aussi utile d'offrir au consommateur une information plus claire sur la présence de sucres ajoutés dans les boissons et dans les aliments, qui en rappellerait aussi le danger. À l'inverse, l'ajout récemment autorisé de sucre dans l'eau des boissons aromatisées est un recul. On s'habitue à consommer des aliments et des boissons sucrés, et maintenant même de l'eau ! Une généralisation de la présence du sucre dans l'alimentation, dont les conséquences pour notre santé sont, pour l'instant, beaucoup plus importantes que celles des édulcorants artificiels, dont on prétend communément qu'ils ont des effets nocifs sur la santé qui, eux, n'ont jamais été démontrés. Le combat contre le vrai sucre est sans doute le prochain grand enjeu de santé publique.