Les physiciens de l'expérience MINERνA, aux Etats-Unis, ont montré qu'il est possible de transmettre un message avec des neutrinos.

« Ça va couper, je passe dans un tunnel » est une expression courante chez les utilisateurs de téléphone portable. Ces appareils de communication transmettent et reçoivent des messages grâce aux ondes électromagnétiques, mais celles-ci ont un inconvénient : elles interagissent beaucoup avec la matière et sont donc absorbées par les roches. Une solution, comme c'est le cas dans le métro, est d'installer un système de relais. Une autre approche - déjà imaginée en 1972 - serait d'utiliser des faisceaux de particules qui interagissent peu avec la matière, qui peuvent ainsi traverser une montagne, ou même la Terre entière sans être arrêtés. Les physiciens de l'expérience MINERνA ont montré que cela était possible en utilisant un faisceau de neutrinos.

Possible ? Oui, mais nous sommes bien loin d'une application quotidienne. En effet, les physiciens de l'expérience américaine ont transmis le message « neutrino » en utilisant l'accélérateur de particules NuMI au Fermilab près de Chicago, qui produit un faisceau intense de neutrinos de haute énergie, et le détecteur MINERνA, placé à 200 mètres et qui pèse 170 tonnes !

Au Fermilab, le Tevatron est arrêté depuis septembre 2011, mais d'autres accélérateurs sont encore utilisés en particulier pour alimenter des expériences de neutrinos. Des protons regroupés en paquets - chacun contenant 20 000 milliards de particules - sont accélérés à une énergie de 120 gigaélectronvolts avant de percuter une cible en carbone. La collision produit des particules instables, qui se désintègrent rapidement en neutrinos, entre autres. Après un parcours de 200 mètres dans de la roche, les neutrinos atteignent le détecteur MINERνA. Quelques-uns interagissent dans le dispositif en produisant un muon, dont l'observation traduit l'arrivée du neutrino. Pour transmettre un message, celui-ci est codé en binaire, une succession de bits, des 0 et des 1, représentés par une absence ou une présence d'un signal dans le détecteur. Le message n'est cependant pas envoyé ainsi, il est transformé selon une procédure utilisée par la NASA lors de ses missions d'exploration spatiale pour limiter les erreurs de décodage. Le système fonctionne au rythme de 0,1 bit par seconde, pour coder le message « neutrino » avec un taux d'erreur de un pour cent.

L'équipe de l'expérience MINERνA a ainsi démontré la faisabilité d'une transmission d'information par un faisceau de neutrinos et prouvé que les technologies sont suffisamment fiables pour détecter les particules et décoder le message.

Pour en savoir plus

D. D. Stancil et al., Demonstration of communication using neutrinos, Modern Physics Letters A, à paraître, 2012. disponible sur arXiv)

T. Lasserre et D. Vignaud, La mystérieuse identité des neutrinos, Dossier Pour la Science n° 62, janvier - mars 2009.

G. Gelmini et al., Des neutrinos pour mieux voir, Pour la Science n° 394, août 2010.