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Une coupe de la célèbre météorite d'Allende, une chondrite carbonée. © Shiny Things, Wikipédia
Le débat concernant l'origine de l'eau des océans sur Terre ne sera probablement tranché que lorsque l'on aura visité un certain nombre de comètes et d'astéroïdes. En attendant, de nouvelles analyses isotopiques font à nouveau pencher la balance en faveur d'un apport essentiellement sous forme de météorites.

La vie est née dans les océans. Certains spéculent même sur une origine aquatique des ancêtres de l'Homme qui auraient temporairement tenté de se réadapter à l'eau en suivant la même voie que les dauphins. Cette théorie a eu des sympathisants comme Jacques Mayol. Si la conquête des océans nous fascine beaucoup, quand nous vibrons aux exploits de l'équipe Cousteau ou d'un William Trubridge, c'est peut-être parce que nous nous souvenons d'une certaine façon avec nostalgie de nos origines aquatiques...

Plus sérieusement, nous cherchons à comprendre notre origine dans l'univers en déterminant quelles ont été les étapes qui l'ont fait passer du Big Bang au vivant. L'apparition de l'eau liquide sur Terre revêt donc une importance toute particulière. C'est pourquoi nous fouillons les archives cosmiques pour découvrir sa genèse, à travers les comètes, les astéroïdes, les météorites... et les océans eux-mêmes.

Le deutérium, un traceur cosmochimique

Une fraction de l'eau sur Terre est constituée de molécules contenant du deutérium (D) au lieu d'un atome d'hydrogène (H). On peut ainsi définir un rapport isotopique D/H qui est un traceur de l'origine de l'eau des océans en cosmochimie.

En comparant ce rapport avec celui trouvé dans des météorites et des comètes, il est donc possible de déterminer quels ont été les parents de l'eau des océans. Depuis des années, la thèse d'une origine de cette eau par dégazage volcanique de la jeune Terre a été abandonnée et le balancier n'a cessé de pencher alternativement soit du coté des comètes, soit du coté des météorites. Dernièrement, les analyses isotopiques de la comète Hartley 2 avaient redonné aux astres chevelus une part non négligeable de la paternité des océans terrestres.

Sans surprise, une équipe de chercheurs vient de publier dans Science un article remettant en cause non seulement le rôle des comètes mais aussi l'origine des chondrites carbonées, comme la célèbre Allende. Selon eux, il faut aussi revoir la copie de la formation des océans terrestres et du Système solaire.

Pour comprendre leur argument, il faut rappeler que le rapport D/H change dans les glaces prises dans des comètes ou des astéroïdes en fonction de la température de leurs lieux de formation. En mesurant ce rapport, fût-il enregistré dans des minéraux hydratés comme des argiles retrouvés dans des météorites, il est possible de déterminer une température et ainsi une distance au Soleil.

Une remise en cause des modèles de formation des planètes internes

Jusqu'à présent, on pensait que les comètes observées et les chondrites carbonées tombées sur Terre s'étaient toutes formées à grande distance du Soleil. Mais en analysant les minéraux hydratés dans 85 chondrites, les chercheurs auraient établi que le rapport D/H était finalement trop faible pour provenir de régions du Système solaire au-delà de l'orbite de Jupiter. Ces météorites, particulièrement riches en eau et en molécules organiques, importantes pour l'apparition de la vie sur la Terre primitive, proviendraient finalement de la région entre Mars et Jupiter où existe la fameuse ceinture d'astéroïdes.

Ce n'est pas tout. Selon les chercheurs, l'ensemble des nouvelles études effectuées ne laisse pas seulement entendre que l'eau des océans ne vient pas des comètes. Ces travaux remettent aussi en cause les modèles dynamiques de la formation des planètes et de l'évolution de leurs orbites. De plus, on ne pourrait plus expliquer l'écart entre la composition isotopique de l'oxygène solaire et celle des planètes internes par un apport d'eau en provenance des régions externes du Système solaire.

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