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Fahd Jassem al-Freij, le nouveau ministre de la Défense : on peut penser que sa résolution d’en finir avec les terroristes est plus forte que jamais
L'ASL et un groupe islamiste, Liwa al Islam, ont revendiqué l'attentat qui a décimé ce matin à Damas le gouvernement syrien. Un communiqué de l'ASL salue en effet le « succès d'une opération remarquable (...) qui a tué plusieurs piliers de la bande d'Assad« . Mais l'ASL ne joue-t-elle pas les « coucous » - ou les vautours - en s'appropriant une opération qui ne sort pas de ses rangs ? La question mérite d'être posée.

Un kamikaze infiltré ?

Se pose la question du mode opératoire : on a parlé de voiture piégée, mais une source gouvernementale évoque à présent un kamikaze présent à la réunion du conseil sécuritaire et qui « a fait exploser sa ceinture d'explosifs« . De fait, la possibilité de garer une voiture piégé dans le périmètre ultra-surveillé du siège de la Sécurité nationale est peu crédible. Si le kamikaze a pu actionner sa ceinture piégée, soit dans la salle de réunion, soit dans un autre endroit du bâtiment, c'est qu'il y occupait une fonction officielle, même subalterne. Des sources proches du pouvoir parlent d'un « garde du corps« . L'identifiera-t-on un jour ? D'autres sources parlent cependant d'une bombe déposée.

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En tuant Assef Chawkat, autre homme-clef de la direction militaire syrienne – et beau-frère et ami du président – les terrorises ont frappé Bachar au moins deux fois
Des nouvelles contradictoires ont circulé sur le sort du ministre de l'Intérieur Mohammad al Chaar, mais il semble qu'il soit toujours vivant. La chaîne libanaise pro-Hezbollah al-Manar donnait son état comme « stable » en début d'après-midi. Autre victime : le général Hassan Turkmani, chef de la cellule de crise sur la situation sécuritaire.

Le coup n'a pas frappé Bachar al-Assad sur le seul plan politique et militaire : le général et vice-ministre de la Défense Assef Chawkat, décédé à 62 ans dans l'attentat, n'était pas seulement le beau-frère du président syrien, mais un très proche, et de longue date. Et lui aussi une figure centrale du dispositif militaire et sécuritaire syrien.

Bachar al-Assad a désigné un successeur au général Daoud Rajah au ministère de la Défense : le général Fahd Jassem al-Freij. Dans le même temps, un communiqué officiel diffusé par tous les médias syriens donnait une indication de l'état d'esprit de la direction syrienne : « Cet acte terroriste renforce la détermination de nos forces armées à nettoyer la patrie des restes des bandes terroristes« .

Et les affrontements ont continué dans certains quartiers de Damas ce mercredi matin pour la troisième journée consécutive : dans les communiqués invérifiables de l'OSDH les noms des quartiers de Midane (au sud de la ville) et de Kafar Soussé (à l'ouest) reviennent toujours.

Les terroristes, quels qu'ils soient, et quels que soient leurs commanditaires, ont porté un coup sévère au gouvernement syrien. Mais, même si le général Daoud Rajah était l'homme-clef du dispositif sécuritaire - armée et renseignements -, les hommes se remplacent. Et ceux qui les remplacent sont sur la ligne « vaincre ou mourir ».

Ces dernières semaines, l'ASL et ses concurrents activistes ont reçu de rudes oups aux quatre coins du pays. Et nous maintenons que l'offensive ASL de Damas n'est, militairement, que de la poudre aux yeux, les quelques centaines de combattants étant bien incapables de subjuguer la capitale syrienne. Ce qui n'est pas atteignable par les armes, les ennemis objectifs et quasi-déclarés de la Syrie indépendante espèrent l'obtenir par les bombes. Et aussi la désinformation : elle se déverse à un débit plus élevé que jamais ces derniers jours en France et ailleurs. On peut considérer que ce déchaînement est le dernier effort d'une vaste coalition ne voulant pas avouer son échec.

Nouveau barrage russe au Conseil de sécurité

On attend une réaction de la Russie et de la Chine adaptée à la gravité de l'heure. Sergueï Lavrov - était-ce peu avant la nouvelle de l'attentat ? - a mis en garde l'Occident : « Si une politique basée sur le soutien à l'opposition continue - c'est une politique vouée à l'échec puisque Bachar al-Assad ne partira pas de lui-même -, et tous ces appels rituels à sa démission sont enracinés dans le désespoir« . Le chef de la diplomatie russe a précisé que son pays ne laissera pas adopter par le Conseil de sécurité un résolution qui signifierait le soutien à une révolution. « Des combats décisifs sont en cours en Syrie. Et l'adoption de la résolution (occidentale) serait un soutien direct à un mouvement révolutionnaire. L'ONU n'a aucun rapport avec ça » a martelé Lavrov.

Plus exactement, l'ONU ne devrait avoir en principe aucun rapport avec cette ligne d'ingérence et d'agression. Mais on sait - Poutine et Lavrov les premiers - ce qu'il en a été en Libye l'année dernière.

L'allusion du ministre russe des Affaires étrangères aux « combats décisifs » en cours nous parait littéralement « remarquable » : à notre sens, cette expression traduit le sentiment russe, certainement basé sur des rapports précis, que l'armée syrienne est, depuis plusieurs semaines, en train de porter des coups décisifs à l'ASL et aux bandes. Sinon, un haut-responsable d'un pays premier allié de la Syrie n'aurait certainement pas employé cette expression si la situation lui paraissait tourner à l'avantage de la rébellion. Apparemment, si nous avons raison, la direction russe n'est pas impressionnées par l'offensive finale sur Damas de l'ASL, et certainement la considère d'un point de vue militairement comme une diversion.

Mais encore une fois attendons la réaction de Moscou à l'attentat de Damas. Quant au Quai d'Orsay fabiusien, il a déjà réagi, sans aucun mot de condamnation. Ces messieurs ont-ils accordé moralement toutes les « licences to kill » aux James Bond islamistes ?