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L'ADN humain est composé de 3,3 milliards de paires de bases, qui programment les instructions pour synthétiser les molécules qui forment chaque cellule, tissu ou organe humains. | AFP/HO
Au delà des gènes eux-mêmes, d'autres éléments de l'ADN, hâtivement qualifiés dans le passé d'"ADN poubelle", jouent un rôle essentiel dans la régulation de l'activité des gènes et dans l'apparition de certaines pathologies, selon les travaux d'une équipe internationale publiés mercredi dans plusieurs revues scientifiques dont Nature (et aussi http://www.nature.com/encode/#/threads) et Science.

Originaires de 32 laboratoires au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Espagne, en Suisse, à Singapour et au Japon, les 442 scientifiques (biologistes, généticiens, mathématiciens et informaticiens) qui participent au projet ENCODE lancé en 2003 pour réaliser une gigantesque encyclopédie de l'ADN, ont produit et analysé une quantité impressionnante de données brutes qui sont désormais intégralement dans le domaine public.

La grande majorité de l'ADN non codant (ou "ADN poubelle") "serait en fait une vaste table de contrôle avec des millions d'interrupteurs régulant l'activité de nos gènes. Sans ces interrupteurs les gènes ne fonctionneraient pas et des mutations dans ces régions pourraient induire des maladies", souligne un résumé de ces travaux.

L'ADN humain est composé de 3,3 milliards de paires de bases, qui programment les instructions pour synthétiser les molécules qui forment chaque cellule, tissu ou organe humains. Mais seulement 2 à 3 % de ce matériel est codant, c'est-à-dire utilisé pour la synthèse des protéines de l'organisme, soit une très faible fraction du génome humain.

Le séquençage du génome humain avait permis au début des années 2000 d'identifier quelque 22 000 gènes dans le cadre du Human Genome Project.
Le reste du génome, soit 3,25 milliards de paires de base avait été qualifiée au départ "l'ADN poubelle" parce qu'on l'avait jugé inutile.

Pierre Tambourin, le directeur général du Génopole à Evry, qualifie cette découverte de "très importante car elle montre que l'ADN non codant est essentiel à la vie". "C'est presque aussi important que la publication de la séquence du génome de l'homme" estime-t-il.

En décryptant les séquences non codantes, l'équipe du projet ENCODE a identifié 4 millions d'"interrupteurs" génétiques. "Notre génome est en vie grâce à ces millions d'interrupteurs qui déterminent si un gène doit être "allumé" ou "éteint"" explique Ewan Birney du Laboratoire européen de biologie moléculaire et de bio-informatique (LEBM-IEB), coordonnateur en chef de l'analyse.

Les travaux d'ENCODE ont montré que 80 % du génome avait une fonction active, avec un grand nombre d'interrupteurs spécifiques à l'homme ou aux primates, précise pour sa part Alexandre Reymond, professeur de génétique à l'Université de Lausanne qui participe au projet ENCODE. Il reconnaît qu'on ne sait pas pour l'instant à quoi servent les 20 % restant du génome. Quant aux "interrupteurs" (ou éléments régulateurs) beaucoup reste à faire car on ne sait pas encore comment ils interviennent.

"Dans la plupart des cas nous savons quels gènes jouent un rôle dans une maladie, mais pas quels interrupteurs sont impliqués" indique pour sa part Iam Durham, un chercheur au LEBM-IEB qui souligne qu'ENCODE fournit des "pistes prometteuses pour la découverte de mécanismes-clés dans les maladies".