PARIS - Certains fondent en larmes dès leur première bouchée de religieuse. Allergiques au gluten, ces clients d'une pâtisserie parisienne, l'une des rares à leur être entièrement consacrée, retrouvent des goûts qui leur sont interdits depuis bien longtemps.

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© afp.com/-Une religieuse au chocolat
Marie Tagliaferro, 30 ans, est sans doute la première pâtissière en France - où pains et gâteaux à base de farine de blé contenant du gluten sont omniprésents et où l'intolérance à cette protéine est restée longtemps en sourdine - à n'offrir que des douceurs 100% sans risque.

Quand des gourmands allergiques, alertés par le buzz sur internet, appellent la petite pâtisserie d'un quartier branché de la capitale, ou passent le pas de la porte, ils vérifient toujours : "Ils me disent: c'est vraiment sans gluten ' Oui promis, c'est sans gluten", raconte son mari François, qui gère la boutique.

"Et là ils sont très émus. Ils commencent à manger les pâtisseries et certains sont émus aux larmes parce que ça fait 15 ans qu'ils n'ont pas mangé une religieuse, ou une tarte citron meringuée", ajoute-t-il.

Le couple s'est rencontré à l'école hôtelière. Marie travaille chez Lenôtre, puis dans un restaurant étoilé de la région parisienne. C'est à cette époque que son allergie est détectée et la pâtissière doit quitter son poste. Le fait de devoir goûter ses préparations "et même l'environnement me posaient problème", se souvient-elle dans un entretien à l'AFP.

A l'époque, elle pense devoir changer de métier. Le couple part à Londres et travaille quatre ans dans la restauration. En salle, pas en cuisine. Le temps de constater qu'en Grande-Bretagne l'offre alimentaire "sans gluten" est bien plus importante qu'en France.

Une personne sur cent

"Je me suis dit qu'il y avait quelque chose à faire", dit la jeune femme énergique, veste noire et chevelure blonde rangée sous une large casquette.

"J'ai fait des tests. J'ai commencé par appliquer exactement les recettes apprises en pâtisserie traditionnelle, et après j'ai adapté en fonction des résultats", dit-elle, remplaçant la fariné de blé par toutes sortes de farines sans gluten (sarrazin, châtaigne, riz...).

Par exemple, pour la pâte à choux, on passe normalement les dents d'une fourchette sur chaque dôme de pâte pour qu'il lève au four de façon harmonieuse. "Avec le sans gluten, je ne le fais pas sinon ça part dans tous les sens. Mais si on ne le sait pas, au début on le fait et ça ne marche pas".

L'intolérance au gluten, connue sous le nom de "maladie coéliaque" et qui se manifeste notamment par diarrhées et vomissements, touche une personne sur cent.

Dans de nombreux pays occidentaux, le régime alimentaire imposé aux allergiques est connu et identifié dans les supermarchés comme en restauration. Mais en France, où la farine de blé est omniprésente dans l'alimentation, cette maladie reste largement sous-diagnostiquée et peu connue.

Pour Brigitte Jolivet, présidente de l'Association Française Des Intolérants Au Gluten (AFDIAG), les allergiques en France sont bien mal lotis: "Il y a 20 ou 30 ans, les médecins apprenaient que la maladie coeliaque touchait les enfants et disparaissait à l'adolescence, que ça n'existait pas chez l'adulte", dit-elle.

"C'est vrai aussi que la baguette est l'un des symboles de la France. Le pain est très, très présent chez nous, donc supprimer le pain, ce n'est pas facile", ajoute-t-elle.