Traduit par Mireille Delamarre pour Planète non Violence

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Alors que Dominique Strauss Kahn directeur de l'institution financière la plus puissante au monde le Fond Monétaire International (FMI) a passé quelques nuits à la prison de Rikers Island en attendant d'être entendu le monde apprend plein de choses sur son traitement passé des femmes comme objets sexuels. Strauss Kahn a été inculpé de viol et séquestration d'une femme de chambre guinéenne de 32 ans d'un hôtel de luxe à 3000$ la nuit à New York.

Alors que les médias décortiquent la tentative de viol d'une jeune femme africaine et commencent à faire émerger plus d'informations sur les frasques passées de Strauss Kahn on ne peut s'empêcher de scruter cette situation sous un angle féministe du «ce qui est personnel est politique ».

Pour beaucoup dans le monde en développement le FMI et ses politiques draconiennes d'ajustements structurels ont systématiquement « violé » la Terre et les pauvres et violé les droits humains des femmes. Il semble que le mépris personnel et le manque de respect des femmes manifestés aux plus hauts niveaux de la direction dans cette institution est tout à fait cohérent avec la tendance sexiste que l'on retrouve dans les politiques institutionnelles du FMI et ses pratiques.

Violation systématique des droits humains des femmes

Le FMI et la Banque Mondiale ont été établis après la Seconde Guerre Mondiale pour promouvoir le commerce international et la coopération monétaire en fournissant des prêts aux gouvernements lors de crises budgétaires sévères. Bien que 184 pays soient membres du FMI seulement 5 d'entre eux - la France, l'Allemagne, le Japon, la Grande Bretagne et les US - contrôlent 50% des votes qui sont alloués en fonction de la contribution de chaque pays.

C'est dans les pays du Sud que le FMI a acquis une infâme réputation car en échange de prêts les gouvernements doivent accepter toute une série de mesures d'austérité connues sous le nom de programmes d'ajustement structurel (PAS)

L'ensemble type de mesures du FMI encourage la promotion de l'exportation au détriment de la production locale et de la consommation locale. Il pousse aussi à baisser les prix et à des coupes dans les programmes gouvernementaux tels que la sécurité sociale et l'éducation. Au lieu de réduire la pauvreté les mille milliards de $ de prêts fournis parle FMI ont accru la pauvreté spécialement chez les femmes qui constituent 70% des pauvres au niveau mondial.

Les coupes gouvernementales demandées par le FMI en matière de dépenses de sécurité sociale ont souvent été réalisées en réduisant les emplois du secteur public avec un impact disproportionné sur les femmes. Les femmes occupent la plupart des emplois de bas niveau dans le secteur public et ce sont ceux-ci qui sont les premiers à disparaître. De même les programmes sociaux comme les prestations de soins aux personnes sont réduits on attend des femmes qu'elles prennent en charge des responsabilités domestiques en plus qui limitent encore plus leur accès à l'éducation ou à d'autres emplois.

En échange d'un prêt de 5.8 milliards de $ du FMI et de la Banque Mondiale la Tanzanie a accepté d'imposer des redevances sur les services de santé ce qui a conduit à une diminution des femmes allant accoucher à l'hôpital ou bénéficiant de soins post natals et naturellement des taux plus élevés de mortalité maternelle. En Zambie l'imposition des PAS a conduit à une chute significative de la fréquentation des écoles chez les filles et un pic dans le « sexe pour la survie ou la subsistance » comme moyen pour des jeunes femmes de continuer leur éducation.

Mais les mesures d'austérité du FMI ne s'appliquent pas seulement aux pauvres pays d'Afrique. En 1997 la Corée du Sud a reçu 57 milliards de $ en prêts en échange d'accepter les conditions du FMI qui a obligé le gouvernement à introduire la « flexibilité de la main d'œuvre » impliquant des compressions de salaires par le gouvernement le licenciement des « travailleurs en surplus » et des coupes dans les dépenses gouvernementales sur des programmes et de s infrastructures. Lors de la crise financière 7 femmes coréennes ont été licenciées pour 1 homme. Dans une action tordue le gouvernement Coréen à lancé une campagne « donner de l'énergie à votre mari » encourageant les femmes à soutenir leurs partenaires masculins déprimés en cuisinant faisant le ménage et prenant soin de tous.

Prés de 15 ans plus tard la situation est sombre pour les travailleurs sud coréens en particulier pour les femmes. De tous les pays de l'OCDE les Coréens travaillent le plus d'heures : 90% des hommes et 77% des femmes travaillent plus de 40 h par semaine. Selon l'économiste Martin Hart- Landsberg, en 2000 40% des travailleurs coréens étaient des travailleurs occasionnels ; en 2008 60% travaillaient dans l'économie informelle. L'Académie du Travail des Femmes Coréennes rapporte qu'actuellement 70% des travailleuses coréennes occupent des emplois temporaires.

Vendre la Terre Mère

Les politiques du FMI ont également violé la Terre en imposant aux gouvernements de privatiser les ressources naturelles dont dépendent la plupart des peuples pour leur survie : l'eau, la terre, les forêts, et les produits de la pêche. Les PAS ont également obligé les pays en développement de stopper les cultures de produits alimentaires de première nécessité pour la consommation domestique et à la place de se concentrer sur les cultures de rapport comme les fleurs coupées et le café pour l'exportation vers des marchés mondiaux volatiles. Ces politiques ont détruit les moyens de subsistance des petits fermiers dont la majorité sont des femmes.

« Les programmes d'ajustements structurels du FMI ont obligé des pays pauvres à abandonner des politiques protégeant leurs fermiers et leur production agricole et marchés » dit Henk Hobbelink de GRAIN une organisation internationale qui promeut l'agriculture durable et la bio diversité. » Résultat, de nombreux pays deviennent dépendants d'importations de nourriture car les fermiers locaux ne sont pas compétitifs avec les produits subventionnés du Nord. C'est l'un des principaux facteurs de l'actuelle crise alimentaire pour laquelle le FMI doit être directement blâmé ».

Dans la République Démocratique du Congo ( RDC) les prêts du FMI ont pavé la voie à la privatisation des mines du pays tombées aux mains des multinationales et des élites locales ce qui a provoqué le déplacement forçé de milliers de Congolais dans un contexte obscène où les femmes et jeunes filles font l'expérience de l'esclavage sexuel à des niveaux très élevés et de viol dans les provinces de l'est. Selon le Gender Action la Banque Mondiale et le FMI ont accordé des prêts à la RDC pour restructurer le secteur minier ce qui s'est traduit par le licenciement de dizaine de milliers de travailleurs dont des femmes et de s jeunes filles qui dépendaient des activités minières pour leur subsistance. De plus comme la terre a été privatisée et exploitée pour les mines des femmes et jeunes filles responsables du transport de l'eau et de la collecte de bois doivent marcher encore plus loin les exposant encore plus à des crimes violents.

Nous en avons marre

Les défenseurs des droits des femmes partout dans le monde sont constamment éberlués par le fait que de telles violations des corps des femmes soient par routine rejetées comme des transgressions mineures. Strauss Kahn l'un des politiciens les plus puissants dans le monde dont les décisions ont affectés des millions partout dans le monde est connu pour être un « homme à femmes » qui s'est souvent imposé par la force à des femmes plus jeunes dans des positions de subordination où elles étaient vulnérables face à son pouvoir plus grand son influence et son bras long. Pourtant aucun de ses collègues ou membres du Parti Socialiste n'ont pris cela au sérieux en collusion au sein d'un consensus partagé même par sa femme comme quoi la violation de l'intégrité corporelle des femmes n'est pas du tout une véritable violation des droits humains.

Pourquoi le monde tolère- t-il les sinistres informations que toutes les heures 48 femmes congolaises sont violées et reste inactif ? Eve Ensler parle pour nous tous quand elle écrit :

« J'en veux à ce monde qui a autorisé et continue d'autoriser le viol de 400 000 femmes, 3000 femmes ou seulement une seule femme n'importe où n'importe quand n'importe quel jour au Congo. Les femmes du Congo aussi ».

On vit dans un monde où des millions de femmes n'expriment pas leur vérité ne racontent pas leurs histoires sombres ne révèlent pas l'horreur qu'elles vivent chaque jour juste parce qu'elles sont nées femmes. Elles ne le font pas pour les mêmes raisons que les femmes du Congo ne s'expriment pas - elles en ont marre de ne pas être entendues. Elles en ont marre d'hommes comme Strauss Kahn des puissants en costumes qui croient qu'ils peuvent violer une femme noire dans leur suite d'hôtel juste parce qu'ils en ont envie. Elles en ont marre de la police qui ne les croit pas ou qui les arrêtent comme travailleuses du sexe. Elles en ont marre des hôpitaux qui n'ont pas de kits de viol. Elles en ont marre de rapporter un viol et d'être accusée d'adultère en Iran, au Pakistan en Arabie Saoudite.

Riposter

Pour chacune d'entre elles et pour celles d'entre nous qui ont passé de nombreuses années à s'investir avec ténacité dans les mouvements de femmes partout dans le monde le courage et l'initiative de la jeune guinéenne immigrée brille comme la torche tenue par la statue de la Liberté. Cette jeune femme vous invite à croire que vous pouvez changer la réalité. Elle a refus é d'être intimidée. Elle a tenu tête pour elle-même. Elle s'est battue pour se libérer- deux fois - de l'assaut violent de l'homme qui l'attaquait. Elle n'en avait rien à faire de qui il était - elle savait qu'on l'avait violée et elle l'a rapporté directement au personnel de l'hôtel qui ont prévenu l a police de New York qui est allée directement à l'aéroport JFK pour extirper de sa place de 1ere classe d'un avion d'Air France Strauss Kahn.

Dans un monde où on sent souvent que la richesse et le pouvoir peuvent acheter tout le courage de cette jeune femme et des gens qui se sont tenus à ses côtés nous a coupé le souffle. Ces actes obstinés de personnes de la classe ouvrière de la ville de New York nous ont rappelé que les femmes ont le droit de dire « NON ». Cela nous a rappelé que ce « NON » ne veut pas dire « OUI » comme la fraternité de ceux de Yale voudrait que l'on croit et le plus important c'est que personne quelque soit sa position ou son sexe peut être au dessus de la loi. Une femme juge sage a en plus réaffirmé l'importance du respect du corps des femmes quand elle a refusé de libérer Strauss Kahn sous caution citant son long passé d'abus des femmes.

Strauss Kahn s'est retrouvé dans sa cellule de Rikers Island. Ce serait une grande chose si ce procès réussissait à mettre fin à la tolérance du monde pour ceux qui font de la discrimination et abusent des femmes. Nous ne pouvons pas l e tolérer une minute de plus. Nous ne pouvons pas le tolérer personnellement nous devons refuser de fermer les yeux dans le cadre professionnel et nous devons le contester chaque fois que nous le voyons dans les politiques des institutions mondiales telles le Fond Monétaire International.