Au champ, la chrysomèle des racines du maïs (Diabrotica virgifera virgifera) développe, après trois années de culture, des résistances à la protéine insecticide Bt Cry3Bb1, présente dans des maïs génétiquement modifiés [1]. C'est la conclusion d'un article publié en juillet 2011 par Aaron J. Grassmann et ses collègues de l'université d'Iowa [2].

Les chercheurs sont partis de témoignages d'agriculteurs ayant subi des attaques de chrysomèles sur leurs champs de maïs génétiquement modifié (GM). Les analyses conduites en laboratoire ont montré que les chrysomèles de ces champs résistaient à la protéine transgénique Cry3Bb1, pourtant censée les tuer [3]. Les scientifiques ont par ailleurs établi une corrélation directe entre la capacité des chrysomèles à survivre et le nombre d'années de culture sans rotation (avec un minimum de trois années) de tels maïs transgéniques. Enfin, ils ont démontré que la génération suivante de chrysomèles hérite de cette capacité de résistance. Ces résultats font donc écho aux travaux publiés en 2006 par P.L. Clark et T.M. Nowatzki [4] qui, sur base d'analyses en laboratoire, concluaient que les larves des chrysomèles des racines du maïs pouvaient, au moins temporairement, s'adapter à la présence de protéine Cry3Bb1. A l'époque, chaque chercheur avançait son hypothèse : a) une capacité des larves à détecter dans la plante des différences de quantité de protéines Cry3Bb1 et donc de consommer les parties n'en contenant pas ou peu ; b) un manque « d'efficacité » de la protéine Cry3Bb1 dont l'ingestion n'affecterait pas systématiquement la durée de vie des chrysomèles.

Mais la principale conclusion de l'article scientifique concerne la mise en place des zones refuge (zones de culture autour d'un champ de PGM ensemencée avec des plantes non GM) qui doit être renforcée, selon A. J. Grassmann. Sur cette question des zones refuge, Monsanto - qui explique discuter actuellement avec le Dr Grassmann de ses données - indique attendre actuellement un feu vert de l'administration états-unienne pour commercialiser ce qu'elle appelle le « refuge en un seul sac ». Comme son nom l'indique, Monsanto propose de vendre aux agriculteurs un seul sac contenant les semences de maïs GM et des semences de maïs non GM. Ces dernières, une fois l'ensemencement du champ effectué, constitueront la zone refuge [7]. Le système proposé implique donc que les plantes non GM seront présentes dans le champ non par blocs mais réparties au milieu des plantes. Selon Denis Bourguet de l'Inra [8], cette stratégie n'est pas envisageable dans le cadre de la lutte contre la pyrale, les larves étant mobiles entre les plantes, se nourrissant alors alternativement sur des plantes non GM puis GM (et inversement) et pouvant donc développer des résistances. Mais cela pourrait fonctionner pour la chrysomèle car les larves ne passent pas suffisamment d'une plante à une autre pour que cela rende inopérante la présence dans le champ de plantes « refuge ».

A ce stade donc, la rotation des cultures apparaît comme la seule solution durable à la gestion de l'infestation par ces parasites. En effet, la mise en place de zones refuge efficaces suppose la présence des chrysomèles dans ces zones et donc la pérennisation de l'infestation. L'apparition de résistances pour les Cry3 par ces coléoptères étant inéluctable, même avec les zones refuge - qui ne font que la retarder - ce type d'OGM ne peut constituer une réponse durable à ce grave problème agronomique.

[1] La protéine Cry3Bb1 est présente dans de nombreuses plantes transgéniques, comme par exemple les maïs contenant l'évènement Mon863 ou l'évènement 88017

[2] Gassman J. A. & al., « Field-Evolved Resistance to Bt Maize by Western Corn Rootworm », PLoS ONE, 2011, 6(7):e22629. Aaron J. Grassmann déclare avoir reçu par le passé des subventions d'entreprises comme Dow, Monsanto, Syngenta... mais pas sur ce travail précis.

[3] Beaucoup d'autres plantes Bt contiennent des protéines insecticides de la famille des Cry1, pour lutter contre la sésamie et de la pyrale. Il est à noter qu'un tel phénomène d'apparition de résistance aux champs n'est pas encore démontré pour ces insectes.

[4] Meunier, E., « Réaction des larves aux maïs Bt », Inf'OGM n°79, octobre 2006

[5] http://www.monsanto.com/newsviews/P...

[6] maïs 89034*1507*Mon88017*59122, dossier réf CZ/2008/62

[7] http://www.monsanto.com/newsviews/P...

[8] Source Inf'OGM