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Photo fournie par les services américains d'Abou Zoubaydah, date et lieu inconnu.AP
L'organisation Amnesty International, qui affirme détenir de nouvelles preuves dans l'affaire du Palestinien Abou Zoubaydah, a appelé Vilnius, jeudi 29 septembre, à rouvrir l'enquête sur des prisons secrètes de la CIA pour les suspects d'Al-Qaida en Lituanie. Les procureurs doivent "reprendre d'urgence l'enquête", a déclaré Julia Hall, experte d'Amnesty. "Elle doit être complète, efficace, impartiale, indépendante et écouter les victimes présumées."

Selon Amnesty et l'ONG de lutte contre la peine de mort Reprieve, le Palestinien Abu Zoubaydah serait arrivé en Lituanie en 2005 à bord d'un vol en provenance du Maroc et aurait été emprisonné dans un site secret. Abou Zoubaydah avait été arrêté au Pakistan en 2002. Il est considéré par les Etats-Unis comme le numéro trois d'Al-Qaida. Selon ses avocats, il a été détenu en Thaïlande, en Pologne, au Maroc et en Lituanie, avant d'être transféré à la base américaine de Guantanamo, en septembre 2006.

Accepter des prisons secrètes américaine sur son territoire pourrait avoir été, pour la Lituanie, une façon de remercier le président américain George W. Bush pour son soutien à l'entrée de cette ex-république soviétique dans l'OTAN et l'UE en 2004, estiment certains.

"FAITS CONCRETS"

Plus tôt dans la journée, les procureurs lituaniens se sont déclarés prêts à rouvrir l'enquête, mais ont souligné qu'il fallait des preuves solides. "Il nous faut des faits concrets concernant l'existence possible de centres de détention illégaux en Lituanie", a déclaré Darius Raulusaitis, vice-procureur général.

En janvier dernier, le parquet lituanien avait annoncé avoir classé une enquête visant trois anciens chefs des services secrets de ce pays balte, soupçonnés d'abus de pouvoir dans une affaire concernant l'installation de prisons secrètes de la CIA en Lituanie. Les procureurs avaient alors invoqué l'insuffisance de preuves et la prescription des faits.

Une commission parlementaire lituanienne avait conclu en décembre 2009 que la présence de ces prisons entre 2003 et 2006 était "possible". Mais elle avait noté que si deux vols liés à la CIA avaient bien été enregistrés à Vilnius en 2003 et en 2005 et trois autres à Palanga, dans l'Ouest, en 2005 et 2006, il était impossible de dire si des détenus étaient à bord. Cependant, aucun de ces vols ne provenait du Maroc.

UN VOL DE RABAT

Amnesty et Reprieve évoquent un vol en provenance de Rabat à destination de Vilnius via la Jordanie le 17 février 2005. "L'horaire de ce vol en février 2005 correspond d'après nous à un déplacement en dehors du Maroc de Abou Zoubaydah vers un lieu de détention secret en Europe", a indiqué Julia Hall.

Crofton Black, chercheur de l'ONG Reprieve, assure que le vol avait été organisé par la société américaine d'ingéniérie informatique Computer Sciences Corporation, qui travaillait avec le gouvernement américain sur le transport des prisonniers. "Ma question est combien d'autres ont eu lieu ? Combien d'avions ? Cela demande une explication plus approfondie", a-t-il ajouté.

Début septembre, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg, a sommé la Lituanie ainsi que la Pologne et la Roumanie de s'expliquer sur l'utilisation sur leur territoire de "sites noirs" par la CIA. Selon le commissaire, l'agence américaine a utilisé de tels centres de détention de haute sécurité pour y procéder à des "interrogatoires renforcés" contre des terroristes présumés.