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Un journaliste est parvenu à s'introduire dans l'usine de montage de l'iPhone 5. Il révèle des conditions de travail inhumaines.

Si une grande partie de la planète avait les yeux tournés mercredi soir vers San Francisco, où se déroulait la présentation de l'iPhone 5, beaucoup tentent de détourner leur regard de Taiyuan, capitale de la province du Shanxi en Chine, où se trouve la Foxconn Factory, véritable sanctuaire où sont assemblés quelques 57 millions d'iPhone. Ce qu'il s'y passe mérite pourtant toute l'attention après qu'un journaliste de l'agence de presse Shanghai Evening Post s'est immergé dans cette fabrique où règne des conditions de travail inhumaines.

Pendant dix jours, ce journaliste, qui préfère garder son identité secrète, s'est introduit dans la Foxconn Factory et a travaillé trois jours à l'assemblage du boîtier noir de l'iPhone 5. Une durée pendant laquelle il a tenu un journal de bord dans lequel il décrit, dans le détail, son expérience que le Daily Mail a retranscrit ligne par ligne.

Dortoirs nauséabonds et grillagés

Visiblement, il est facile de se faire engager en tant qu'ouvrier à Foxonn où seuls une carte de citoyen chinois et un bon carnet de santé sont réclamés. Après un test d'aptitude mentale et un entretien destiné à s'assure qu'il dispose d'une santé mentale conforme, il fut engagé. À Foxonn, comme pratiquement partout en Chine, les travailleurs dorment sur leur lieu de travail. "Un cauchemar", écrit-il. "Il s'échappait du dortoir un mélange d'odeurs de sueur et d'immondices", provenant notamment des ordures qui s'ammoncelaient à l'extérieur de ce bâtiment aux fenêtres grillagées. "L'armoire censée accueillir mes vêtements était remplie des cafards tandis que j'avais pour seule couverture des draps sales et remplis de cendres".
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De nombreuses manifestations ont par le passé dénoncé les conditions de travail qui règnent à Foxconn et qui ont déjà mené plusieurs travailleurs au suicide. © afp.
Une fois débarrassés de leurs effets personnels et après une séance d'entraînement et une brève formation, les travailleurs sont invités à rejoindre leur poste. À la nuit tombée. "Nous étions autorisés à nous reposer en journée". Pris de fièvre et de maux de tête terrible -il en ignore les raisons-, l'infiltré a été confronté à la carence des services sanitaires et des équipes médicales. "J'ai tenté d'obtenir d'urgence une visite médicale, mais il n'y avait qu'un médecin qui s'occupait de cinq patients en même temps".

Surveillance maximale

Foxconn est en outre un quartier sous haute surveillance. Le panneau à l'entrée de la ligne de production ("Espace sous haute-sécurité") indique les règles strictes auxquelles sont soumis les travailleurs, obligés de passer au détecteur de métal à chaque entrée ou sortie. "Tout objet métallique, quel qu'il soit -boucle de ceinture, boucle d'oreille, appareil photo, téléphone portable, lecteur mp3- y est formellement interdit, sous peine de licenciement immédiat". Un simple câble USB aurait justifié le renvoi d'un ouvrier. Après avoir pénétré dans cet atelier de production d'où s'échappent un bruit assourdissant et une forte odeur de plastique, le journaliste prend ses quartiers qu'il ne pourra quitter, sauf ordre contraire du contre-maître. "Une fois que vous vous asseyez, vous faites ce qu'on vous dit". Enfin, la tâche qui l'attend lui est présentée. "Il s'agit de la nouvelle plaque arrière de l'iPhone 5, vous devez être honorés d'avoir la chance de la produire".
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Comme pour faire amende honorable, Tim Cook, le big boss d'Apple, s'est déplacé en personne à Foxconn pour s'assurer des conditions de travail. L'envers du décor semble bien différent de celui qu'il a pu observer. © reuters.
Cadence infernale

Assigné à un travail minutieux qui consiste notamment à placer les protections en caoutchouc des écouteurs et à marquer les plaques arrières du nouveau téléphone Apple, le jeune apprenti suscite la colère du contre-maître à la fois pour avoir gaspillé la colle et pour un manque d'efficacité. "Notre superviseur a reconnu que notre tâche était normalement dévolue aux femmes, plus agiles, mais en raison d'un nombre trop élevé de démission, il n'avait d'autre choix que de la confier aux travailleurs masculins". Le rythme de travail est effréné. Les gestes se repètent à une cadence infernale, presque toutes les trois secondes. Sans qu'aucune erreur ne soit tolérée. Les douleurs physiques, liées à la répétition des mouvements et à une position identique, sont insupportables.

Dix minutes au coin!

Pas question pour autant de relâcher la pression. "Un travailleur assis face à moi s'est reposé un court instant. Surpris par le superviseur, il a été envoyé au coin (sic) pendant dix minutes. Initialement prévu de minuit à six heures du matin, le temps de travail sera allongé. "La ligne de production ne s'arrête que lorsqu'une sonnerie retentit. Nous avons été sommés de poursuivre le travail, malgré l'épuisement". Après dix heures de travail, près de 3000 plaques arrières de l'iPhone 5 sont passées entre les mains de l'infiltré. Quatre lignes de production se chargent d'effectuer les mêmes tâches. Sur chacune d'elles, douze travailleurs jouent les automates et atteignent des résultats astronomiques en une demi-journée de travail: jusqu'à 36.000 pièces.

Pourtant, le contre-maître encourage les travailleurs à produire plus. "Nous sommes ici pour gagner de l'argent! Nous devons redoubler de travail!". Pourtant, le salaire ne favorise pas le dépassement de soi. Pour deux heures supplémentaires, un travailleur empoche 27 Yuan (3,3 euros). Et ce, pour permettre à Apple de livrer en temps et en heure, les millions de smartphone dans le monde.
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Pour deux heures supplémentaires, un travailleur empoche 3,3 euros. Et ce, pour permettre à Apple de livrer en temps et en heure, les millions de smartphone dans le monde. © reuters.