Caricature de la Statue de la Liberté, à New York, dans un état désespéré
Oui, en effet, nous aimions l'Amérique. Je me rappelle très bien que nous aimions l'Amérique. Quand, au début des années 1990, nous sommes entrés dans la vie adulte, la plupart de mes amis du même âge, nous ne nous posions même pas la question de savoir quelle attitude adopter envers la civilisation occidentale. Nous l'acceptions bien. Mais comment voulez-vous que nous nous comportions désormais ?À la différence de nos grands-pères et même de nos pères, nous n'avons pas considéré le
plus grand accident géopolitique du XXe siècle [la fin de l'URSS, NdT] comme si c'était un accident. Pour nous, c'était le début d'une nouvelle et grande voie. Enfin, nous sortions de notre coquille soviétique, pour aller vers le grand monde, le monde fort et vrai. Enfin nous allions apaiser notre faim sensorielle. Nous pensions que si nous n'étions peut-être pas nés à l'endroit le plus juste, au moins nous étions nés au moment le plus juste. Aujourd'hui, il devient difficile de croire à cela. À l'époque, même l'Église, libérée de la surveillance communiste, était perçue dans la même lignée sémantique de la fête des valeurs occidentales. La célébration du 1000ème anniversaire du Baptême de la Russie et le premier concert des
Scorpions [1] avec leur
Wind of Change, étaient pour nous des événements d'une même nature.