Traduit par Mondialisation.ca

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L'affaire Petraeus a démontré une fois de plus comment un scandale sexuel peut alimenter les médias étasuniens à la fois dans le but de contribuer à un « assassinat politique » et faire figure d'arbre cachant la forêt.

Bien que ce qui se cache derrière l'écran de fumée salace fasse toujours l'objet de spéculations, la plupart d'entre elles sont bien plus crédibles qu'une simple affaire extraconjugale.

L'une des explications possibles du départ du directeur de la CIA, David Petraeus, est sa position à l'égard d'Israël, qu'il voyait comme un handicap pour les intérêts des États-Unis au Moyen-Orient :
« Les hostilités constantes entre Israël et certains de ses voisins posent des défis spécifiques à la progression de nos intérêts dans l'AOR [zone d'opération]. Les tensions israélo-palestiniennes donnent souvent lieu à des flambées de violence et des confrontations armées de grande envergure. Ce conflit fomente un sentiment anti-étasunien puisque l'on perçoit un favoritisme des États-Unis envers Israël. La colère arabe à propos de la question palestinienne limite la force et la solidité des partenariats des États-Unis avec les gouvernements et les populations de la zone d'opération et affaiblit la légitimité des régimes modérés dans le monde arabe. Entre-temps Al-Qaïda et d'autres groupes militants exploitent cette colère afin de mobiliser des appuis. Le conflit permet également à l'Iran d'influencer le monde arabe par le biais de ses clients, le Hezbollah libanais et le Hamas. » (Ali Abunimah, « When Former CIA Chief David Petraeus Enraged the Israel Lobby », Electronic Intifada, 12 novembre 2012.)
Comme le fait remarquer Stephen Lendman, les scandales sexuels ne mènent pas nécessairement à des démissions, sauf si des secrets d'État sont en jeu :
Oubliez le non-sens d'une démission en raison de rapports extraconjugaux, à moins que des secrets d'État n'aient été compromis. Bien des élus et représentants officiels à Washington ont eu des aventures. Ils sont probablement nombreux à en avoir en ce moment. En général, les démissions ne s'ensuivent pas. Newt Gingrich a survécu à des scandales d'ordres éthique et sexuel. Il a démissionné de son poste de président de la Chambre des représentants à la suite de la mauvaise intégration des républicains durant l'année présidentielle sans élections de 1998 [...]

On ferme les yeux sur les opérations secrètes de la CIA à Benghazi. Elles impliquent l'envoi d'armes lourdes à des combattants syriens de l'opposition. Petraeus est parti peu de jours avant son témoignage prévu au Congrès [...] L'opération de Benghazi est appelée à tort un consulat étasunien. Il s'agit d'un « lieu de réunion pour coordonner l'aide aux insurrections menées par les rebelles au Moyen-Orient ».

Les tâches comprennent « la collaboration avec des pays arabes pour le recrutement de combattants - incluant des djihadistes - visant le régime de Bachar Al-Assad en Syrie ». L'appellation « consulat » sert de couverture et Barack Obama et Hillary Clinton appellent ce poste une « mission étasunienne ». Le département d'État n'a pas inscrit Benghazi sur sa liste de consulats. (Stephen Lendman, « Petraeus: Resignation or Sacking? », Global Research, 12 novembre 2012.)
Lorsque l'on connaît l'histoire ténébreuse de la CIA, l'explication la plus plausible du départ de Petraeus semble être le camouflage d'une opération secrète appuyant des terroristes servant de guerriers par procuration et utilisés pour renverser un gouvernement étranger. Washington's Blog explique :
Peu importe l'ampleur de l'opération de la CIA à Benghazi et peu importe les véritables raisons de sa démission de la direction de la CIA, la clé réside dans notre politique étrangère d'hier et d'aujourd'hui.

Depuis des décennies, les États-Unis appuient des terroristes à des fins géopolitiques.

Le gouvernement étasunien a planifié à maintes reprises depuis 20 ans un changement de régime en Syrie et en Libye et rêve depuis 50 ans au changement de régime, en employant le terrorisme sous faux pavillon.

Obama présente simplement la « guerre au terrorisme » de Bush et des néoconservateurs sous un nouveau jour, comme une série de guerres humanitaires.

Les États-Unis et leurs alliés feront tout pour faire tomber l'Iran [...] et tentent systématiquement de s'en prendre aux alliés de l'Iran dans le but de l'isoler et de l'affaiblir. (« Why Did CIA Director Petraeus Resign? Why Was the U.S. Ambassador to Libya Murdered? », Washington's Blog, 10 novembre 2012.)
Le changement de régime par le biais du terrorisme n'est pas la seule vocation de la CIA. Au fil des ans l'Agence s'est révélée très efficace dans le blanchiment d'argent, le trafic d'armes et de drogue. Le commerce de la drogue et des armes appelé l'« Entreprise » au cœur de l'affaire Iran-Contra était-il un méfait isolé ? Plusieurs témoignages d'anciens représentants de la CIA, de la Drug Enforcement Agency (DEA, Agence de lutte antidrogue) et de policiers, sans compter les nombreux livres, articles et documentaires sur la CIA indiquent qu'il s'agissait simplement d'une habitude, business as usual.

Lors d'une assemblée publique le 15 novembre 1996, l'ancien détective de la section des stupéfiants du Los Angeles Police Department (LAPD) Michael Ruppert a dit sans ménagement à John Deutch, alors directeur de la CIA : « Je vais vous dire directeur Deutch qu'en tant qu'ancien détective de la section des stupéfiants du Los Angeles Police Department que l'Agence fait du trafic de drogue dans ce pays depuis longtemps. » Cela mis la foule en liesse. Une épidémie de crack ravageait les quartiers défavorisés de L.A. depuis le début des années 1980 et avait eu des effets dévastateurs sur la communauté noire. (Voir la vidéo en anglais : « Former LA Police Officer Mike Ruppert Confronts CIA Director John Deutch on Drug Trafficking »)

Michael Ruppert a été recruté pour protéger les opérations de drogue de l'Agence aux États-Unis. Il avait les preuves pour le démontrer. Cela lui a valu d'être la cible de tirs et le LAPD l'a remercié.

Plus tôt la même année, le journaliste Gary Webb du San Jose Mercury News a publié une série d'articles sur l'explosion de crack à L.A. intitulée : « The Dark Alliance: The story behind the crack explosion » (L'alliance des ténèbres : les origines de l'explosion de crack)
Durant près d'une décennie un réseau de trafiquants de drogue de la région de San Francisco a vendu des tonnes de cocaïne aux gangs de rue de Los Angeles, les Crips et les Bloods, et a acheminé des millions de dollars de profits tirés de ce trafic à une guérilla latino-américaine dirigée par la Central Intelligence Agency des États-Unis. C'est ce qu'a conclu une nouvelle enquête du Mercury News. Ce réseau de trafiquants a ouvert la première voie reliant les cartels colombiens de la cocaïne et les quartiers noirs de Los Angeles, une ville maintenant reconnue comme la capitale mondiale du crack. (« The Dark Alliance: The story behind the crack explosion », San Jose Mercury News.)
Alors qu'il travaillait pour la Drug Enforcement Agency (DEA), Michael Levine a été témoin de la façon dont la CIA ET le département d'État protégeaient le commerce de la drogue :
L'usine de Chang Mai que la CIA m'a empêchée de détruire était à l'origine de quantités massives d'héroïne introduites clandestinement aux États-Unis dans les corps et les housses mortuaires de soldats tués au Vietnam. (p. 165)

Mon unité, le Hard Narcotics Smuggling Squad, était chargée d'enquêter sur toute la contrebande d'héroïne et de cocaïne passant par le port de New York. Nous avons fini par être impliqués dans l'enquête de toutes les grandes opérations de contrebande connues de la police. Nous n'avons pas pu ignorer le fait que la CIA protégeait d'importants trafiquants de drogue. Pas une seule source importante en Asie du Sud-Est n'a été accusée par les forces de l'ordre des États-Unis. Ce n'était pas accidentel. Les affaires étaient neutralisées l'une après l'autre par des interventions de la CIA et du département d'État et l'on ne pouvait absolument rien y faire. Des compagnies aériennes comme Air America appartenant à la CIA étaient utilisées pour transporter de la drogue à travers l'Asie du Sud-Est, supposément pour appuyer nos « alliés », et les opérations bancaires de la CIA étaient employées pour blanchir de l'argent. (pp. 165, 166) (Michael Levine, « America's "War on Drugs": CIA- Recruited Mercenaries and Drug-Traffickers », wanttoknow.info, 13 janvier 2011.)
Le Shower Posse jamaïcain est une autre organisation criminelle ayant prospéré à l'aide de la CIA et du gouvernement des États-Unis :
En raison de la récente flambée de violence en Jamaïque et de la controverse entourant le présumé baron de la drogue Christopher "Dudus" Coke, bien des gens parlent du tristement célèbre Shower Posse jamaïcain et du quartier de Tivoli Gardens d'où ils mènent leurs opérations. Les médias ignorent largement le rôle tenu par le gouvernement étasunien et la CIA dans l'entraînement, l'armement et le pouvoir donné au Shower Posse.

Il est intéressant de voir que les États-Unis accusent Christopher "Dudus" Coke, l'actuel chef du Shower Posse, de trafic d'armes et de drogue, puisque la CIA a elle-même été accusée d'avoir fait de la contrebande d'armes et du trafic de drogue en Jamaïque et d'avoir facilité le commerce de la cocaïne entre la Jamaïque et les États-Unis dans les années 1970 et 1980. À maints égards, Dudus ne faisait que perpétuer une tradition de violence, de corruption politique, de trafic de drogue et d'armes mise en place avec l'aide de la CIA [...].

L'ancien agent de la CIA, Philip Agee, a dit que « la CIA se servait du JLP [Jamaican Labor Party] comme instrument dans la campagne contre le gouvernement de Michael Manley. Je dirais que la violence provenait en grande partie du JPL et la CIA était derrière eux, leur fournissant des armes et de l'argent ». (Casey Gane-McCalla, « Jamaica's Shower Posse: How The CIA Created "The Most Notorious Criminal Organization" », Newsone, 3 juin 2010.)
En 1995, Philip Agee avait également prévenu :
En ce qui a trait à la communauté du renseignement, d'autres cibles qui font l'objet de discussions sont les États voyous, les soi-disant États voyous : l'Irak, la Libye, l'Iran, la Corée du Nord et, pour certains, la Syrie. (Vidéo: Philip Agee - « Inside the CIA (the Intelligence Community)(1995)(1-9)(MODERN GOVERNMENT series »))
On a réglé le cas de l'Irak et de la Libye. La Syrie est l'actuelle victime et l'Iran et la Corée du Nord sont régulièrement menacés par les États-Unis. Oubliez les armes de destruction massive et le printemps arabe, ce ne sont que des écrans de fumée et de la poudre aux yeux, tout comme l'affaire Petraeus.

Et surtout, oubliez la « guerre au terrorisme » et la « guerre de la drogue ».

Pratiquement éradiquée sous les talibans, la production d'opium en Afghanistan est florissante depuis le début de l'occupation des États-Unis et les troupes étasuniennes ont admis qu'elles protégeaient les champs de pavot. (« Are American Troops Protecting Afghan Opium? », Washington's Blog, 28 octobre 2012.)

La CIA, l'armée étasunienne et d'autres agences gouvernementales seraient par ailleurs liées à la guerre de la drogue au Mexique et leur but serait loin de celui affiché :
[Jesus Vicente Zambada-Niebla], un agent haut placé d'un cartel mexicain de la drogue actuellement détenu aux États-Unis, a fait d'étonnantes allégations voulant que « Fast and Furious », l'opération fédérale ratée [qui consistait à introduire des armes au Mexique], ne soit pas ce que l'on croit.

Il ne s'agissait pas de suivre la trace d'armes, mais de les fournir, tout cela faisant partie d'un accord élaboré entre le gouvernement étasunien et le puissant cartel mexicain Sinaloa visant à démanteler des cartels rivaux [...]

Zambada-Niebla affirme qu'en vertu d'une stratégie « diviser pour régner », les États-Unis ont aidé à financer et armer le cartel de Sinaloa par l'opération Fast and Furious en échange d'informations permettant à la DEA, à l'Immigration and Customs Enforcement (ICE, immigration et douanes) et à d'autres agences fédérales d'éliminer des cartels rivaux. Le cartel de Sinaloa aurait eu la permission de faire passer clandestinement des quantités massives de drogue aux États-Unis de 2004 à 2009 - à la fois durant Fast and Furious et les opérations de trafic d'armes de l'ère Bush - tant qu'il donnait des renseignements en retour. (Jason Howerton, « Mexican Drug Cartel was working alongside the US Government », The Blaze 9 août 2012.)
Comparée à tous ces crimes, une affaire extraconjugale est complètement insignifiante.