Traduction : SOTT

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La BBC : la télévision britannique au comble de son cynisme
Ces six dernières semaines, les révélations que Sir Jimmy Savile, depuis longtemps une personnalité et un « nom prestigieux » de la BBC, était en fait un pédophile de longue date ont captivé et horrifié le public britannique.

La grande majorité du public britannique connaissait Jimmy Savile en tant qu'ancien présentateur excentrique, et pourtant très regardé, d'émissions de télévision pour enfants et collecteur de fonds pour des œuvres caritatives. Savile démarra sa carrière en 1958 comme DJ pour Radio Luxembourg. En 1968, il rejoignit la BBC Radio 1 où il présentait Savile's Travels. De 1969 à 1973, il anima Speakeasy, un programme de discussion pour adolescents. En 1964, il commença à présenter Top of the Pops, l'émission télévisée de hit-parade de la BBC. Savile a aussi animé d'autres émissions de télévision de la BBC, dont le plus notoire est l'émission pour enfants Jim'll Fix It, qu'il présenta de 1975 à 1994. À cause de la nature des émissions qu'il a présentées et de sa grande implication caritative, tout au long de sa carrière, Savile fut entouré d'enfants d'âges divers.

Mark Williams-Thomas, ancien inspecteur devenu journaliste, est le premier à avoir dévoilé publiquement que Jimmy Savile était un grand délinquant sexuel, début octobre 2012 lors de l'émission Exposure d'ITV. William-Thomas, qui travaille actuellement sur une seconde émission qui examinera plus avant les agressions de Savile, a récemment déclaré que les preuves qu'il a recueillies suggèrent que Savile a construit toute sa carrière de manière à pouvoir agresser sexuellement des jeunes :
« Dans l'émission précédente, on ne savait pas vraiment ce qui est arrivé en premier », dit-il. « Mais maintenant, je peux vous dire très clairement qu'il a créé ses séries télé comme moyen de perpétrer ses crimes.

Je crois qu'il a conçu ses émissions à la BBC et à Radio Luxembourg pour pouvoir avoir accès aux enfants.

Les exemples typiques sont Top of the Pops, Savile's Travels, Jim'll Fix It - toutes lui ont permis de côtoyer de jeunes enfants. C'est pourquoi il y a autant de victimes. »
Dans les semaines qui suivirent la diffusion de l'émission Exposure, des douzaines de personnes prétendant avoir été agressées d'une manière ou d'une autre par Savile, se sont fait connaître. La police a déclaré que Savile a pu avoir agressé sexuellement jusqu'à trois cents enfants au cours de ses quarante ans de carrière. Les sévices se déroulaient dans un foyer d'accueil pour enfants fréquenté par Savile et d'autres, lors d'émissions à l'extérieur, dans des hôpitaux, etc. De plus, nombre d'enfants (maintenant adultes) agressés ont affirmé qu'ils avaient été attaqués et violés par Savile, et d'autres célébrités de la BBC, dans les locaux de la BBC. D'anciens et actuels présentateurs et employés de la BBC ont déclaré qu'à la grande époque de Savile à la BBC, de nombreuses personnes de l'entreprise savaient que Savile agressait sexuellement des enfants mais c'était balayé par un « Jimmy c'est Jimmy ». Une autre star de la BBC, le chanteur des années 70 Gary Glitter fut condamné au Royaume-Uni en 1997 pour téléchargement de pornographie infantile, et au Vietnam en mars 2006 pour « actes obscènes » avec deux fillettes âgées de onze et douze ans et mis en prison. Glitter revint à Londres en août 2008 après sa sortie de prison. En 2009, Savile défendit Glitter en déclarant : « Si vous aviez demandé à ce flic ce que Gary avait fait de mal. Ben en fait, rien. Il était juste chez lui à regarder des films louches. »

Le statut de Star de Savile, combiné à ses collectes de fonds caritatives universellement admirées (il a collecté quarante millions de livres sterling au fil des ans), l'ont rendu, de son propre aveu, « intouchable ». Cela lui a aussi donné un accès total aux hôpitaux, maisons d'accueil pour enfants et autres institutions bénéficiaires de ses activités caritatives. Par exemple, Savile avait sa propre chambre à l'Hôpital Stoke Mandeville et le libre usage de Leeds General Infirmary. À ce jour, les preuves suggèrent que Savile utilisait son libre accès aux hôpitaux pour abuser les enfants mentalement et physiquement handicapés. Plusieurs médecins étaient aussi impliqués. Le mois dernier, une femme handicapée, Caroline Mooren, a déclaré qu'en 1971, alors qu'elle avait treize ans, Savile avait brutalement « fourré sa langue dans [sa] gorge » alors qu'elle était assise dans son fauteuil roulant à la suite d'une opération ». Une autre femme, June Thornton, dit avoir été témoin d'une grave agression sexuelle sur un autre patient qu'elle pensait atteint de lésions cérébrales.

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Jim Savile sur ses vieux jours
Certains des pires sévices se sont déroulés dans un réseau de foyers pour enfants au pays de Galles où jusqu'à six cent cinquante enfants de quarante foyers furent malmenés sexuellement, physiquement et émotionnellement pendant vingt ans. Savile était un visiteur régulier d'au moins un de ces foyers, Bryn Estyn, ainsi que d'autres individus « bien en vue », dont deux anciens membres du parti Conservateur. Keith Gregory n'avait que onze ans quand il fut placé à Bryn Estyn. L'horreur dont il fut témoin dans cette institution incluait viol collectif, fouilles à nu et coups de bâtons violents. Les enfants étaient tirés de leur lit la nuit et emmenés dans des hôtels où ils étaient violés, parfois en groupe, par des hommes adultes puis ramenés en sanglots dans leur lit. « Une certaine nuit dont je me souviendrai toujours, j'ai été en gros violé, ligoté et malmené par neuf hommes différents », a déclaré l'une des victimes. D'autres victimes des foyers pour enfants ont nommé l'ancien député ex Tory, Sir Peter Morrison - le secrétaire parlementaire particulier de Margaret Thatcher - et au moins un autre grand politicien conservateur, comme étant impliqués dans les sévices. Keith Gregory a déclaré qu'il connaissait au moins douze personnes qui furent agressées à Bryn Estyn et qui se sont suicidées à la suite de cela.

Une enquête gouvernementale (the Waterhouse inquiry) sur les sévices physiques et sexuels à l'encontre d'enfants dans les institutions de Clwyd et Gwynedd, en Galles du Nord, dont le foyer Bryn Estyn de Wrexham, entre 1974 et 1990, fut conduite et publiée en 2000. Le rapport faisait des recommandations pour améliorer le fonctionnement de ces institutions mais tous les noms des individus accusés de sévices furent gardés secrets.

Savile fut aussi lié aux épouvantables sévices sur enfants au foyer Haut de la Garenne à Jersey, dans les îles de la Manche britanniques. Là, les enfants étaient violés et torturés de plusieurs manières des plus horribles. On a découvert des « cachots » contenant des os dans les locaux. Les enfants étaient régulièrement invités sur des « croisières » où des personnages riches et influents les violaient. Savile a tenté de poursuivre le journal The Sun qui l'incrimina dans les sévices de cet établissement, mais il fut plus tard obligé d'admettre qu'il y était allé quand une photo de lui au foyer, et entourée d'enfants, fut publiée.L'établissement Haut de la Garenne fit l'objet d'une enquête policière démarrée en 2007 par Graham Power, alors officier supérieur, mais il fut suspendu après s'être plaint d'ingérence politique. En 2011, Leah McGrath Goodman, une journaliste américaine, prétendit qu'on lui avait interdit de revenir au Royaume-Uni et au bailliage de Jersey pendant deux ans, alors qu'elle était en pleines recherches sur les allégations de sévices.

Savile réussit aussi à avoir son propre jeu de clés de l'hôpital psychiatrique de haute sécurité Broadmoor. Il y avait aussi une chambre et entretenait des rapports amicaux avec le détenu Peter Sutcliffe, le tueur en série surnommé « l'éventreur du Yorkshire » qui fut reconnu coupable du meurtre de treize femmes et de tentative de meurtre sur sept autres entre 1975 et 1980. Pendant l'enquête qui aboutit à l'arrestation de Sutcliffe en 1981, la police avait non seulement interrogé Savile en tant que suspect parce qu'il avait été mentionné par Sutcliffe lors d'un interrogatoire, mais avait aussi pris un moulage de ses dents pour le comparer aux marques de morsure sur les corps des victimes. Par pure coïncidence, deux des victimes de Sutcliffe furent découvertes à quelques centaines de mètres de la maison de Savile.

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Savile avec son ami, l'éventreur du Yorkshire, Peter Sutcliffe
Pendant son règne de terreur, Savile était considéré par tous comme un genre de trésor national. Il reçut une décoration de l'Ordre de l'Empire Britannique et fut finalement fait chevalier par la Reine. Savile était aussi un membre improbable de l'Athenaeum Club de Londres, un asile de nuit pour les fameux bâtisseurs de l'Empire et idiots snobinards de tout poil. Le nom de Savile fut suggéré par l'ancien archevêque de Westminster, Basil Hume. Un membre actuel a déclaré récemment :
« Beaucoup d'entre nous étions d'avis que Savile ne serait pas un habitué naturel d'un club qui a compté Sir Winston Churchill, Lord Palmerston et Lord Curzon dans ses rangs, mais le fait est que nous n'avions pas le choix... »
La raison pour laquelle les autres membres n'eurent pas le choix était parce que l'archevêque Hume menaçait de retirer son adhésion si celle de Savile n'était pas acceptée. Pourquoi un archevêque insisterait-il pour que Savile soit membre d'un club exclusif de gentlemen de Pall Mall ? C'est peut-être lié au fait que le bon archevêque fut impliqué dans « l'étouffement » d'un scandale sexuel au Ampleforth College en 1975. Le Yorkshire Post relatait en 2005 : « les élèves d'une éminente école catholique subirent des décennies de sévices de la part d'au moins six pédophiles à la suite d'une décision de l'ancien abbé Basil Hume de ne pas appeler la police au début du scandale. »

La BBC

La réponse initiale des responsables de la BBC aux allégations contre Savile fut de condamner le « problème de culture » qui permit à Savile d'abuser d'innocents sous la surveillance de la BBC et d'assurer le public qu'une enquête complète ne se ferait pas attendre. Cependant, il a depuis été dévoilé que la BBC avait joué un rôle significatif pour empêcher que la vérité ne soit révélée à propos de Savile. Par conséquent, l'attention portée à Savile et à ses éventuels complices a glissé vers la BBC elle-même. Cela semble avoir été voulu.

En décembre 2011, la BBC avait deux émissions prévues pour leur grille de Noël qui vantaient la vie et les vertus de « Sir » Jimmy Savile. En même temps, un numéro de l'émission d'investigation Newsnight était en cours qui dressait un portrait plus fidèle de la vie et des « goûts » de Savile et révélait qu'il avait déjà fait l'objet d'une enquête judiciaire qui fut mystérieusement abandonnée. C'est un fait établi que les patrons de la BBC prirent la décision de « faire sauter » l'émission « Jimmy le Pédophile » en faveur des deux émissions hommage. Il est plus difficile de déterminer qui prit la décision et pourquoi, principalement parce que tous les réalisateurs ou producteurs de la BBC qui ont quoi que ce soit à voir avec les émissions se défilent.

L'ancien directeur d'antenne de la BBC, Greg Entwistle (il avait pris le poste en septembre de cette année) fut interrogé par un Comité restreint de la Chambre des Communes à propos de ce qu'il savait sur la décision d'abandonner le reportage d'investigation. Entwistle, qui était « responsable de Vision [un département de la BBC - NdT] » à l'époque, déclara que la directrice de l'information, Helen Boaden, lui avait dit qu'une émission de Newsnight enquêtant sur de graves allégations à l'encontre de Savileétait prévue et que, si elle était diffusée, il faudrait naturellement que les deux émissions célébrant la vie de Savile soient annulées, mais c'était TOUT ce qu'il savait car il ne souhaitait pas vraiment connaître les détails parce qu'il ne « voulait pas montrer un intérêt excessif » (!) :


L'explication d'Entwistle n'est pas crédible. Si c'était son travail de décider si la programmation devait être modifiée ou non, il avait assurément absolument besoin de savoir à quel point les allégations à l'encontre de Savile étaient sérieuses pour prendre sa décision. Quelques jours après avoir témoigné, Entwistle tira sa révérence et démissionna de son poste de directeur à la BBC. La souffrance d'Entwistle fut probablement considérablement allégée par les 1,3 millions de livres sterling de retraite et d'indemnités pour ses tracas. Tout ceci sent la volonté d'étouffer l'affaire où Entwistle est la première tête à tomber, et peut-être la seule, dans la tentative d'apaiser (ou de distraire) le public. Mais la raison pour laquelle l'émission de Newsnight « Savile le Pédophile » a sauté, demeure toujours un problème.

Peter Rippon est le réalisateur de Newsnight et, en théorie, il avait le dernier mot quant à la poursuite ou non d'une émission. Le 2 octobre, Rippon expliqua sur son blogue de la BBC qu'il avait décidé d'annuler l'émission à cause du manque de preuves. C'était en dépit du fait qu'il avait auparavant tenu à diffuser l'enquête de Newsnight qui avait recueilli des informations sur les agressions de Savile de la part de femmes qui avaient vécues à l'école pour filles Duncroft dans les années 1970.

Mais entre le 25 et le 30 novembre 2011, Rippon changea subitement d'avis et demanda aux journalistes d'investigation de prouver que le Service des Poursuites Judiciaires de la Couronne avait choisi de ne pas inculper Savile en 2007 parce qu'il était trop vieux, un obstacle que l'équipe de Newsnight trouva insurmontable. Liz MacKean, journaliste de Newsnight, a cru que les patrons de Rippon faisaient pression sur lui, écrivant dans un courriel à un ami le 30 novembre que « PR [Peter Rippon] dit que si les patrons ne sont pas contents... [il] ne peut pas se faire fusiller sur ce coup-là ». Mais Rippon prétend qu'il a toujours abandonné le reportage pour des « raisons éditoriales ». McKean a aussi déclaré que Rippon avait minimisé les méfaits de Savile parce que « ce n'étaient pas les pires infractions d'ordre sexuel ».

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Le réalisateur de Newsnight, Peter Rippon : défenseur des pédophiles ?
Le 22 octobre, la BBC publia un « rectificatif » aux affirmations de Rippon qui démolit plus ou moins son argument d'un manque de preuves. Depuis lors, Entwistle et d'autres ont déclaré que l'émission DEVAIT être poursuivie. Il y a deux points importants ici :

1) Si Rippon a pris la décision d'annuler l'émission sur la base de ce qui revient à un mensonge qu'il a propagé, alors il doit faire l'objet d'une enquête pour relation avec des réseaux pédophiles parce que la seule conclusion est qu'il voulait protéger quelqu'un lié à Savile.

2) Si on a dit à Rippon, directement ou indirectement, d'annuler l'émission, alors il doit être contraint de révéler qui c'était, et cette ou ces personnes doivent faire l'objet d'une enquête pour relation avec un réseau pédophile associé à Savile.

Le fait est que des centaines, si ce n'est des milliers, de gens au Royaume-Uni savaient ou soupçonnaient depuis des décennies que Savile était pédophile. À la lumière des preuves révélées récemment sur l'étendue choquante des prédations de Savile et des relations avec d'autres notables, il n'est pas plausible que l'émission de Newsnight, montée pour être diffusée en décembre 2011, n'ait pas découvert plus qu'assez de preuves pour incriminer Savile dans une affaire à fort « intérêt public ». Pourtant l'émission fut annulée en faveur de deux émissions d'hommage. Savile a travaillé de nombreuses années à la BBC où il a agressé de manière flagrante des douzaines d'enfants. Cela place la BBC, ou des individus au sein de cette institution, au cœur de ce qui semble être une tentative pour étouffer l'affaire.

En réponse au scandale, le dimanche 28 octobre, la BBC commissionna puis sortit à la hâte un reportage d'investigation portant sur les allégations à la fois à son encontre et contre Savile. L'émission fut réalisée par Angus Stickler, ancien journaliste de la BBC maintenant au Bureau of Investigative Journalism - une organisation à but non lucratif - qui l'offrit à Newsnight. Cela fut diffusé le vendredi 2 novembre. Une grande partie de l'émission concernait l'allégation d'un ancien pensionnaire du foyer pour enfants gallois Bryn Estyn - Steven Messham - d'avoir été violé par « un politicien important des années Thatcher » et ce grand Tory l'aurait menacé de mort s'il le racontait à la police. L'émission ne citait pas le nom de l'homme mais sur Twitter, certaines personnes furent moins circonspectes à propos de l'identité de l'homme. Chose intéressante, ces individus étaient George Monbiot, chroniqueur pour le Guardian, qui tweeta : « J'ai tapé Lord McAlpine sur Internet. Des choses des plus étranges en sont ressorties. », et la femme du président de la Chambre des Communes, Sally Bercow, qui tweeta : « Pourquoi Lord McAlpine est-il tendance ? *visage innocent* »

Il s'avéra que Messham avait identifié à tort Lord McAlpine, vice-président du parti Conservateur sous Thatcher de 1979-83, comme étant son agresseur car la police lui avait montré une photo de l'homme qu'il savait être son agresseur mais qu'il avait confondu avec McAlpine. Il semble que le résultat durable de l'émission précipitée de Newsnight sera de faire courir le risque d'être taxé de se tromper ou de se leurrer à quiconque accusera à l'avenir des figures publiques de haut rang de pédophilie. Pourquoi est-ce voulu ainsi ? Scruter le « problème de culture » de la BBC dans les années 70/80 éclipsera ou servira-t-il de distraction adéquate quant à une réelle enquête sur la déclaration du député travailliste Tom Watson à la Chambre des Communes qu'un « puissant réseau pédophile ait pu être lié à un ancien premier ministre, au 10 Downing Street et au parlement » ?

Dans tout ceci, on doit se souvenir que la BBC est une institution publique financée par l'argent des contribuables. La BBC est donc, au final, une organisation sous contrôle gouvernemental. Ce fait fut clairement mis en lumière dans la période qui précéda l'invasion de l'Irak en 2003 quand Tony Blair et Alastair Campbell décidèrent de répondre aux protestations générales contre l'invasion en rendant plus « attirants » les arguments en faveur de la guerre en prétendant faussement que l'Irak pourrait frapper le Royaume-Uni avec des ADM en 45 minutes. La BBC joua un rôle clé dans la bataille pour dévoiler les mensonges de Blair sur les « ADM » de l'Irak, et elle, et d'autres, en paya lourdement le prix.

« Suicider » David Kelly

En mai 2003, une source irréprochable confia à Andrew Gilligan, journaliste à la BBC, que les affirmations du gouvernement de Blair à propos de l'Irak étaient des mensonges prouvables. Gilligan en dit autant le 29 mai 2003 à l'émission Today de BBC Radio 4. Gilligan déclara aussi que c'était Alastair Campbell, spin-doctor et psychopathe en chef de Blair (officiellement « Directeur de la communication »), qui avait introduit l'affirmation des « 45 minutes ». Campbell enragea et demanda que la BBC et Gilligan retirent leurs allégations. La BBC refusa et soutint Gilligan et l'authenticité et la fiabilité de sa source, qu'elle refusa de nommer pour sa propre protection.

Le lendemain, le 30 mai 2003, le Ministère de la Défense prétendit qu'un de ses responsables avait admis de lui-même avoir discuté de la question des armes de l'Irak avec Gilligan le 22 mai. Six semaines plus tard, le Ministère, sur les ordres du gouvernement Blair, révéla que le Dr David Kelly, expert britannique en guerre biologique, employé par le Ministère britannique de la Défense et ancien inspecteur en armement de l'ONU en Irak, était la source. Le 15 juillet, Kelly fut convoqué devant le comité restreint parlementaire des affaires étrangères pour être cuisiné sur la question. Deux jours plus tard, on retrouva le corps sans vie de Kelly dans une zone boisée près de son domicile.

Plutôt que d'ordonner un rapport du coroner, le gouvernement de Blair mit en place l'Enquête Hutton, théoriquement « publique », menée par James Brian Edward Hutton ou « Baron Hutton », sur les circonstances entourant la mort de Kelly. Hutton était l'ancien Président de la Haute Cour de Justice de l'Irlande du Nord où il utilisa les procès de membres de l'IRA accusés et les enquêtes sur les assassinats de catholiques innocents de l'armée britannique pour perfectionner l'art du blanchiment. C'était un choix naturel pour le boulot.

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Le Dr David Kelly devant le comité parlementaire restreint des affaires étrangères en juillet 2003
Malgré le fait que le Dr Kelly ne présentait aucun signe de dépression ni de comportement suicidaire et que ni la coupure à son poignet ni la faible quantité d'antidouleurs qu'il avait ingérés n'auraient pu le tuer, le rapport d'Hutton, publié en janvier 2004, conclut que Kelly s'était donné la mort et que la BBC et Gilligan étaient en faute.

Le 15 octobre 2007, une demande en vertu de la Liberté de l'Information révéla que le couteau que Kelly était censé avoir utilisé pour se couper les poignets, la bouteille d'eau qu'il est censé avoir bue tout en avalant les cachets et les plaquettes de comprimés elles-mêmes étaient dénuées d'empreintes. Hutton avait aussi ignoré le fait qu'on avait retrouvé Kelly avec des électrodes sur la poitrine.

Pendant l'enquête initiale avant le meurtre de Kelly, un responsable du Bureau des Affaires Étrangères, David Broucher, relata une conversation avec Kelly lors d'une réunion à Genève en février 2003. Broucher raconta que Kelly avait dit qu'il avait assuré à ses sources irakiennes qu'il n'y aurait pas de guerre s'ils coopéraient et qu'une guerre le mettrait dans une position morale « ambiguë ». Broucher avait demandé à Kelly ce qui arriverait si l'Irak était envahi et Kelly avait répondu : « on me retrouvera probablement mort dans les bois ».

Le blanchiment d'Hutton stipulait aussi que les preuves liées à la mort, y compris le rapport post-mortem et les photos du corps, devaient rester confidentiels pendant 70 ans.

Voici Tony Blair, peu de temps après l'assassinat de Kelly, à qui l'on pose une question embarrassante (notez sa réponse) :


Le scandale du dossier Irak « enrobé » et de l'assassinat du Dr Kelly ont clairement fait comprendre aux va-t-en-guerre psychopathiques du gouvernement Blair que s'ils devaient pouvoir continuer à mentir au public au sujet de leurs projets impériaux, il fallait faire quelque chose à propos de la BBC. Quand le rapport Hutton blanchi fut publié, il exonéra le gouvernement Blair de toute tromperie ou d'« enrobage » du dossier Irak et condamna l'accusation originale de Gilligan comme étant « infondée » et les processus éditoriaux et managériaux de la BBC comme étant « défectueux ». C'était, en essence, le message fort.

Dans les jours qui suivirent la publication du rapport Hutton, Gilligan, le Directeur Général Greg Dyke et le Président Gavyn Davies n'eurent pas d'autre option que la démission. Des groupes d'employés se mirent en grève au siège de la BBC à Londres et dans de nombreux autres bureaux de la BBC à travers tout le pays. Le personnel acheta une pleine page de pub dans le Telegraph qui disait (en partie) : « Greg Dyke, à la BBC, était synonyme de journalisme courageux, indépendant et rigoureux qui ne reculait pas dans sa quête de la vérité. Nous sommes inébranlables sur le fait que la BBC ne devrait pas revenir sur sa détermination à enquêter sur les faits à la poursuite de la vérité. »

Avant l'affaire David Kelly, la BBC conservait encore un certain espace de divergence par rapport à la ligne officielle gouvernementale sur les grandes questions. Cependant, avec le départ de Dyke, la BBC ne devint rapidement rien de plus qu'un porte-parole du gouvernement, et durant les huit années qui se sont écoulées depuis, elle a consolidé sa position de premier organe de presse du Royaume-Uni en ce qui concerne la propagande et les mensonges du gouvernement. Dyke fut remplacé en 2004 par Mark Thompson, un « combattant d'Israël » invétéré, qui semble avoir répandu son idéologie malveillante dans toute l'institution. Thompson était encore à la tête de la BBC quand l'émission de Newsnight « Savile le pédophile » a sauté. Heureusement pour Thompson, il a réussi à éviter de trop nombreuses questions gênantes sur le scandale Savile (par exemple pourquoi il n'a pas agi alors qu'il en avait été alerté deux fois cette année) en s'enfuyant du pays pour démarrer une nouvelle carrière de PDG au New York Times.

La pédophilie et l'enfance maltraitée sont, et apparemment depuis de nombreuses années, un problème répandu et sérieux dans notre société occidentale technologiquement avancée et pourtant moralement délabrée. Plus que n'importe quel autre marqueur social, la façon dont sont traités les faibles et les innocents définit le caractère d'une civilisation ou d'un peuple. La triste réalité est qu'il existe des preuves qui suggèrent que ce qu'on sait publiquement des sévices sexuels et émotionnels faits aux enfants par « l'élite » de notre monde est très loin d'être toute l'histoire. Si toute l'histoire se savait, cela horrifierait tellement les gens normaux de ce monde que la société ne s'en remettrait pas sans un nouveau départ, précédé par une révolution totale. Aussi nous avons le choix ; nous pouvons continuer à ignorer les preuves que notre monde semble contrôlé par des individus de nature tellement dépravée et inhumaine qu'on ne peut réellement pas les qualifier d'êtres humains, et attendre le résultat inévitable auquel nous mènera le fait de confier nos vies et celles de nos enfants à de tels animaux ; ou nous pouvons ouvrir les yeux sur la réalité que nous avons permis à ces « élites » de créer pour nous, pester contre, et ce faisant, commencer à vivre et façonner une nouvelle réalité, un nouveau monde, fondé sur des valeurs vraiment humaines.