Serval mission soldiers North Mali
© Eric Feferberg/AFP/Getty Images

La France a fait passer à 1 400 le nombre de soldats déployés au Mali au milieu d'une recrudescence des combats contre les rebelles menés par les Islamistes qui contrôlent le Nord-Mali et une crise des otages au complexe algérien de gaz naturel qui a été saisi en représailles à la guerre de la France contre le Mali.

L'armée algérienne a attaqué hier, 17 janvier, à l'aide de chars et d'hélicoptères le complexe de traitement de gaz stratégique à In Imenas près de la frontière libyenne. Des militants armés de la brigade des « Signataires par le sang » qui ont des liens avec al Qaïda ont déclaré avoir pris en otage 41 étrangers. Selon le gouvernement algérien, une trentaine d'otages et 11 militants islamistes ont été tués durant l'opération. Le rendement de l'installation à In Imenas est évalué à 4 milliards de dollars par an et correspond à 12 pour cent de la production algérienne de gaz naturel, représentant au moins 18 pour cent de ses exportations cruciales de gaz naturel. Alors que l'Italie a fait état d'une baisse de 17 pour cent de ses importations de gaz de l'Algérie, des analystes de l'industrie énergétique ont dit que les combats inciteraient l'Europe à recourir davantage aux exportations russes de gaz naturel.

Washington aurait fait survoler le site par un drone de reconnaissance pour suivre les combats.

Paris a utilisé l'attaque comme un prétexte pour défendre sa décision d'envahir le Mali qui, affirme le gouvernement français, fait partie d'une guerre contre le terrorisme islamiste. Le président français, François Hollande, a dit, « Ce qui se passe en Algérie justifie encore davantage la décision que j'ai prise au nom de la France de venir en aide au Mali. »

La France a lancé vendredi la guerre au Mali pour défendre la junte militaire impopulaire du capitaine Amadou Sanogo qui contrôle encore le Sud du Mali après que des rebelles ont capturé la ville stratégique de Konna. Ils peinent toutefois à stopper la progression des rebelles vers le Sud. La France prévoit de déployer finalement 2.500 soldats et de poursuivre le bombardement aérien de son ancienne colonie d'Afrique de l'Ouest.

Les combats entre les troupes françaises et maliennes et les forces rebelles se sont poursuivis jeudi à Diabaly qui est situé à seulement 400 km au Nord de la capitale, Bamako, tandis que les forces aériennes françaises continuaient de bombarder la ville.

Cependant, malgré les frappes aériennes et les attaques terrestres françaises, la ville est restée sous le contrôle des rebelles. L'agence Associated Press a cité un habitant de Niono disant : « Il y a eu des bombardements la nuit dernière à Diabaly et les civils continuent de venir ici à Niono, ce matin j'ai vu des gens qui venaient de Diabaly et les Islamistes occupent toujours la ville. »

Alors que des forces ont été déployées dans le Nord, des forces islamistes ont été aperçues dans la ville de Banamba à à peine 140 kilomètres de Bamako, soulignant ainsi l'incapacité de l'armée malienne à stopper l'avancée des rebelles. Les soldats des pays de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) qui ont promis d'envoyer 3.300 hommes pour soutenir la guerre de la France, devraient arriver en renfort dans ces régions.

L'agence Reuters a cité une influente source de l'armée malienne : « Banamba est en état d'alerte. Des renforts ont été envoyés. Les troupes nigérianes qui doivent arriver aujourd'hui à Bamako pourraient y être déployées pour sécuriser la zone. »

Rien n'a été rapporté sur les victimes civiles qui ont trouvé la mort suite aux dernières frappes aériennes françaises alors même que ces bombardements entraîneront de toute évidence une hausse importante des décès. Les premiers rapports sur les frappes aériennes françaises sur les villes de Goa et de Konna en début de semaine avaient porté le nombre de tués à 60 et 100 respectivement dont des civils déchiquetés par les bombes et des enfants qui s'étaient noyés dans une rivière en tentant d'échapper aux explosions.

Des responsables français ont cyniquement affirmé qu'ils tenteraient d'éviter de blesser des civils. L'amiral Edouard Guillaud a dit au micro de RTL, « Nous refusons de faire prendre des risques à la population. Dans le doute, nous ne tirons pas. »

Les ministres européens des Affaires étrangères se sont réunis hier jeudi à Bruxelles pour discuter de la crise malienne en soutenant la guerre française et en autorisant une mission d'entraînement pour aider l'armée malienne.

La guerre française au Mali n'a pour objectif ni la lutte contre le terrorisme ni la mise en place de la démocratie. Hollande mène une guerre réactionnaire pour soutenir à Bamako un régime qui est dominé par la junte de Sanogo et pour faire respecter son autorité au Nord-Mali à l'encontre des forces islamistes et des groupes séparatistes du Nord-Mali. Son but ultime est de défendre les considérables intérêts industriels et militaires de l'impérialisme français au Mali et dans ses autres anciennes colonies d'Afrique occidentale.

Ce faisant, l'intervention de Paris a lieu au mépris de l'hostilité bien connue de la population malienne à l'égard du régime corrompu de Bamako. Cette politique de présenter la guerre comme une guerre pour la démocratie et contre le terrorisme est profondément cynique alors que Paris et les autres puissances de l'OTAN sont en train de collaborer simultanément avec des forces liées à al Qaïda dans leur guerre contre la Syrie.

Le Nord-Mali, une région désertique et montagneuse, a longtemps été une région quasi autonome dominée par les Touaregs et les ethnies arabes hostiles au gouvernement central de Bamako et qui a été formé après la décolonisation en 1960 de l'Afrique occidentale française. Dans les années 1970 et 1980, il y eut de multiples insurrections et protestations au Nord-Mali contre Bamako, notamment par les Touaregs.

Après une révolte des Touaregs au début des années 1990, le régime de Kadhafi avait offert aux Touaregs des postes de haut rang dans l'armée libyenne. En 2012, dans une interview accordée par Amadou Toumani Touré au magazine français l'Express, il avait dit : « S'agissant des rébellions arabo-touarègues locales, Kadhafi s'est engagé dans les médiations, le désarmement et la réinsertion. Sa chute laisse un vide... Très tôt, nous avons alerté l'OTAN et d'autres sur les effets collatéraux de la crise libyenne. Sans être entendus. »

Le régime libyen avait aussi aidé financièrement le gouvernement malien après la privatisation et la politique d'austérité désastreuses menées par ce dernier dans les années 1980 et qui avait permis au capital français d'acquérir des parts importantes au Mali. Comme Touré l'a dit dans l'Express : « La Libye a consenti chez nous des investissements substantiels dans l'hôtellerie, le tourisme, l'agriculture et la banque, contribuant à notre développement. »
La crise malienne a explosé après la guerre de l'OTAN en Libye. Les Touaregs, qui avaient combattu aux côtés des troupes de Kadhafi et qui furent persécutés dans des conditions où les « rebelles » soutenus par l'OTAN traquaient les personnes à la peau noire, étaient rentrés au Mali au début de 2012, un grand nombre d'entre eux lourdement armés. Ils ont aidé les groupes rebelles au Nord-Mali à vaincre l'armée malienne. Les groupes islamistes militants - dont al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), le Mouvement pour l'unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), Ansar Dine (Défenseur de l'islam) et le groupe Boko Haram au Nigéria - ont également joué un rôle important, imposant la loi islamique de la charia à une population devenant de plus en plus hostile.

Sanogo a destitué le président Touré avant les élections présidentielles d'avril dernier alors que des officiers de l'armée reprochaient à Touré de ne pas s'occuper efficacement de la rébellion touareg. Après avoir d'abord tenté d'organiser un blocus économique pour renverser la junte Sanogo, la France, la Cédéao et les puissances impérialistes ont finalement décidé de la soutenir à l'encontre les rebelles au Nord-Mali.
L'impérialisme français craint qu'un effondrement du régime de Bamako ne sape son influence auprès des régimes de la région. La France a d'importants intérêts industriels en Afrique occidentale, allant de ressources énergétiques et minières à une main-d'œuvre bon marché pour l'industrie française. Elle compte sur la force militaire pour protéger ses intérêts à l'encontre de rivaux présents dans la région, notamment la Chine. Elle utilisera ces forces surtout pour réprimer l'opposition de la classe ouvrière à la domination impérialiste française dans la région.