La France connaît depuis plusieurs semaines un temps maussade persistant, marqué par un déficit d'ensoleillement, des températures inférieures à la moyenne saisonnière et d'abondantes précipitations, selon Météo France. Après un épisode de douceur à la mi-avril 2013, la majeure partie de la France connaît depuis le 10 mai un temps frais et maussade. Les trois premières semaines du mois, le déficit d'ensoleillement est inférieur de 20 % en moyenne sur la France et de 30 % à 40 % dans le nord-est du pays. Cette situation peut être qualifiée d'exceptionnelle.

Neige et froid en France, fin mai 2013
© InconnuL'hiver jusqu'à début juin au moins...
Quant aux températures, elles se situent localement de 5°C à 6°C sous les niveaux de saison, avec des planchers à près de 8°C en dessous de la normale, dans l'est. Il faut remonter à 1991 pour retrouver un mois de mai aussi frais.

La situation actuelle est le résultat d'un 'régime de dorsale', dans lequel l'anticyclone des Açores est installé au milieu du bassin atlantique. Ce qui permet à de l'air polaire de descendre sur l'Europe de l'Ouest. Ce type de régime ne s'installe généralement que pour quelques jours, mais cette fois l'anticyclone est bloqué dans cette configuration depuis environ trois semaines.

Enfin, plusieurs régions du pays connaissent des pluies abondantes et persistantes. A titre d'exemple, il est tombé à Cannes (sud) autour de samedi 72 millimètres d'eau mètres en 36 heures, l'équivalent des précipitations attendues pour un mois de mai entier. Idem à Biarritz (sud-ouest), où il est tombé l'équivalent de plus d'un mois de pluie (137 mm).

Plus inquiétant, après cet hiver froid et long, il semblerait désormais que le scénario d'une année sans été sur l'Europe de l'Ouest se profile (70% des modèles climatique saisonnier vont das ce sens ce qui est très significatif) y compris sur la France. Ces prévisions saisonnières sont basées notamment sur l'analyse des principaux modèles numériques (européen et américain en particulier), dont les résultats ne sont pas optimistes : certains calculs envisagent la persistance d'une anomalie froide pendant les trois mois de l'été (juin, juillet, août) conjuguée à des précipitations excédentaires. Certes, il s'agit d'une moyenne trimestrielle qui ne permet pas de mettre en évidence quelques pics de chaleur ponctuels - normaux en cette saison -, mais la tendance qui se dégage serait celle d'un été pourri sur notre pays.

Ces données numériques sont également comparées à une analyse statistique afin d'apporter une meilleure fiabilité à ces prévisions : en regardant ce qui s'est passé lors des années où les printemps étaient maussades, on constate qu'à plus de 80%, ils étaient suivis d'été frais et humides. Dans les années 1960 puis à nouveau dans la décennie 2000, aucun printemps « pourri » n'a été suivi d'un réel bel été. Dans les décennies 1970, 80 et 90, on trouve trois exceptions notables : 1975, 1983 et 1995, où les étés furent très chauds mais aussi orageux. Seule l'année 1983 est l'exception qui confirme la règle, avec un mois comparable à celui que nous connaissons, suivi d'un mois de juillet caniculaire.

Outre ces statistiques, qui ne présagent pas forcément du résultat, le contexte climatique actuel conforte néanmoins cette hypothèse d'un été frais sur la France : les températures de l'Atlantique, de la Manche, de la Mer du Nord et de la Méditerranée restent nettement plus froides que les normales, ce qui entretient un potentiel d'air froid autour de l'Europe de l'ouest. Compte-tenu de l'ampleur de ce déficit (parfois proche de - 5° pour la Manche et la mer du Nord), il est peu probable que le retard soit rattrapé lors des prochaines semaines, ce qui repousse d'autant plus la possibilité de l'installation de la chaleur. C'est pourquoi la façade occidentale du continent semble la plus mal lotie, y compris la péninsule ibérique, alors que la chaleur aura tendance à remonter davantage vers l'Europe de l'est et la Russie.

Autre facteur limitatif de la chaleur durable : l'humidité. De nombreuses études climatiques ont démontré qu'une forte humidité des sols du pourtour méditerranéen annihilait le risque de canicule sur l'Europe ; en effet, la survenance d'une vague de chaleur aboutirait alors à une forte évaporation, et donc à la formation d'orages qui mettraient rapidement fin à cette vague de chaleur. On peut donc s'attendre à quelques pics de chaleur (quelques vagues de chaleur ponctuelles sont possibles), tournant rapidement à l'orage. Là aussi, on note quelques exceptions : en 2006 et en 2009, la France a connu des épisodes caniculaires (surtout dans le sud) alors que les précipitations hivernales et printanières avaient été soutenues sur les pays riverains de la Méditerranée.
Vers une année sans été en Europe de l'Ouest ?

Les prévisions saisonnières ne sont pas optimistes pour les mois à venir. Cette configuration météorologique n'est pas inédite : le climat connaît des variations cycliques, et des paramètres externes peuvent aussi avoir des répercussions notables, tels que les volcans.

Faut-il donc s'attendre à une année sans été ? Le terme est sans doute un peu fort : il fait référence à la fameuse année 1816 où l'Europe avait connu des conditions météorologiques exceptionnellement rigoureuses : après un hiver très rude, l'été ne s'est pas installé avec un déficit thermique de - 1° à - 3° en particulier sur la France. La fraîcheur, la pluie et la neige ont persisté tout l'été, anéantissant les récoltes et les vignes, suscitant la colère du Peuple déjà éprouvé après des années de guerre napoléonienne.

Mais les causes de cette « année sans été » étaient bien identifiées : la faute à une gigantesque éruption volcanique en 1815 - le volcan Tambora en Indonésie - qui propulsa dans la haute atmosphère une énorme quantité de poussières, de cendres et de suies. Ce panache s'est répandu dans le monde entier et a agi comme un filtre contre les rayons du soleil, provoquant une sorte de « petit âge glaciaire » qui a duré plusieurs années, pendant environ 40 mois en tout.

Ce phénomène est bien connu : plus près de nous, en avril 1991, l'éruption du volcan Pinatubo aux Philippines avait provoqué une baisse de plus d'un degré de la température moyenne de la Terre ; le printemps et l'été de cette année-là furent maussades en France. Le 18 mai 1980, l'éruption du Mont Saint Helens aux Etats-Unis entraîna deux années froides avec des étés pourris en France (la neige tombait en juillet sur les Monts d'Auvergne) : il fallu attendre l'été 1982 pour retrouver de la chaleur sur notre pays.

Au 20e siècle, les volcans ont donc parfois provoqué une baisse planétaire des températures, pouvant aller jusqu'à près de 2°C, ce qui est énorme. Mais ces baisses n'ont pas remis en cause la tendance au réchauffement climatique observé jusqu'à la décennie 2000. Cependant, dans l'histoire des temps géologiques, de grandes éruptions à répétition ont pu amorcer des ères glaciaires, un peu à l'image des astéroïdes qui, en percutant la Terre, projettent tellement de poussières dans l'atmosphère qu'ils assombrissent la lumière du soleil... Cette année, l'activité volcanique a certes repris un peu d'intensité cette année, mais sans atteindre le paroxysme des éruptions historiques mentionnées ci-dessus : l'impact sur le climat n'est pas mesurable.