Traduit par Résistance 71

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A mes amis qui vivent en dehors de Turquie:

J'écris ceci pour vous faire savoir ce qu'il se passe à Istanbul ces cinq derniers jours. Je dois personnelleemt écrire ceci parce que la grande majorité des sources médiatiques est coupée par le gouvernement et le bouche à oreille et l'internet sont les seules façons de nous expliquer et d'appeler à l'aide et au soutien.

Il y a quatre jours, un groupe de personnes dont les membres n'appartenaient à aucune organisation politique ou idéologie particulière s'est rassemblé au parc Gezi d'Istanboul. Parmi eux se trouvaient un bon nombre de mes amis et élèves. Leur raison de se rassembler était très simple: Protester et empêcher la démolition à venir d'un parc du centre de la ville pour la seule raison de construire une galerie marchande de plus. Il y a beaucoup de galeries marchandes à Istanboul, au moins une dans chaque voisinage ! L'arrachage des arbres était supposé commencer le Jeudi matin. Les gens sont allés au parc avec leurs couvertures, des livres, leurs enfants. Ils ont mis leur tente et ont passé la nuit sous les arbres. Tôt le matin, quand les bulldozers commencèrent à arracher les arbres, les gens se sont dressés afin de stopper cette opération.

Ils n'ont rien fait d'autre que de se mettre devant les machines.

Il n'y avait aucun journal ou aucun média de télévision pour rapporter cette manifestation. Ce fut un total boycott de la part des médias.

Mais la police est arrivée avec des canons à eau et du gaz lacrymogène. Les policiers ont chassé la foule du parc.

Le soir, le nombre des manifestants s'est multiplié, ainsi que le nombre des policiers autour du parc. Dans le même temps, le gouvernement local de la ville d'Istanboul a fermé tous les moyens d'accès menant à la place Taksim où est situé le par Gezi. Le métro fut fermé, les ferries annulés, les rues furent barrées.

Mais de plus en plus de gens se sont déplacés vers le centre de la ville à pied.

Ils sont venus de tous les coins d'Istanbul, de tous horizons sociaux, de différentes idéologies, de différentes religions. Ils se sont tous rassemblés pour empêcher la démolition de quelque chose de bien plus grand que le parc: Le droit de vivre en tant que citoyens honorables de ce pays.

Ils se sont rassemblés et ont marché. La police les a chassé à coup de gaz lacrymogène et de gaz au poivre et elle a chargé avec ses véhicules blindés sur les gens qui lui offrait de la nourriture en retour. Deux jeunes gens ont été écrasés par les panzers et tués. Une autre jeune femme, une de mes amies, a été touchée à la tête par une cartouche de gaz lacrymogène tirée par la police. La police tirait en tirs tendus dans la foule. Après une intervention chirurgicale de plus de trois heures, elle est toujours en reanimation à l'hôpital et sa condition est jugée critique. Alors que j'écris ces lignes, nous ne savons pas encore si elle survivra. Ce blog lui est dédié.

Ces gens sont mes amis. Ils sont mes élèves, mes parents. Ils n'ont aucun "agenda caché" comme l'Etat aime à le dire. Leur agenda est dehors, c'est très clair. Tout le pays est en train d'être vendu à un cartel d'entreprises par notre gouvernement, pour la constructions de galeries marchandes, de condominiums de luxe, d'autoroutes privées, de barrages et de centrales nucléaires. Le gouvernement cherche toute excuse pour attaquer la Syrie contre la volonté du peuple et créera une excuse si besoin est à cet effet.

De plus, le contrôle du gouvernement sur ses citoyens est devenu insupportable dernièrement. L'Etat, soumis à son agenda conservateur a fait passé beaucoup de lois et de règlementations concernant l'avortement, la naissance par césarienne, la vente et l'utilisation des boissons alcoolisées et même la couleur des rouges à lèvres portés par les hôtesses de l'air.

Les gens qui manifestent dans le centre d'Istanbul demandent leur droit de vivre librement et de recevoir justice, protection et respect de la part de l'état. Ils demandent à être impliqués dans les processus de prises de décisions au sujet de la ville dans laquelle ils vivent.

Tout ce qu'ils ont reçu en retour au lieu de cela n'est que répression, force extrême et une quantité industrielle de gaz lacrymogène tirée directement dans leur visage. Trois personnes ont perdu la vue.

Et pourtant ils continuent à marcher. Des centaines de milliers les ont rejoint. Plusieurs milliers ont passé le pont du Bosphore à pied pour soutenir les gens de la place Taksim.

Aucun journal ou chaîne de télévision turcs n'étaient là pour rapporter les évènements. Ils étaient bien trop occupés à diffuser des nouvelles de Miss Turquie et du "chat le plus bizarre du monde".

La police a continué à chasser les manifestants et à les asperger de gaz avec une telle fureur que les chats et les chiens des rues ont été empoisonnés et en sont morts.

Les écoles, les hôpitaux et même des hôtels 5 étoiles autour de la place Taksim ont ouvert leurs portes pour accueillir les blessés. Les médecins ont rempli les salles de classe et les chambres d'hôtels afin de donner les premiers soins. Quelques policiers ont refusé d'asperger les manifestants de gaz et ont quitté leur travail. Autour de la place, les autorités ont placé des brouilleurs afin d'empêcher toute connexion internet et les réseaux 3G ont été bloqués. Les résidents et les commerçants de la zone ont fourni leur réseau sans fil aux manifestants de la rue, les restaurants ont offert nourriture et eau gratuitement.

Les gens à Ankara et à Izmir se sont rassemblés dans les rues afin de soutenir la résistance d'Istanboul.

Les médias de masse ont continué à montrer Miss Turquie et le "chat le plus bizarre du monde".

***

J'écris cette lettre afin que vous sachiez ce qui se passe à Istanbul. Les médias de masse ne vous diront rien de tout ceci, du moins pas ceux de mon pays. Merci de poster autant d'articles que possible sur l'internet et que la nouvelle se propage.

Alors que je postais ces articles expliquant ce qui se passe à Istanbul sur ma page Facebook la nuit dernière, quelqu'un m'a posé la question suivante:
Qu'est-ce que vous espérer gagner à vous plaindre de notre pays à des étrangers ?
Ce blog est ma réponse à cette personne.

En me soi-disant "plaignant" de mon pays, j'espère gagner:

La liberté d'expression et de parole

Le respect des droits humains

Le contrôle au sujet des décisions que je fais concernant mon propre corps

Le droit de pouvoir légalement me rassembler avec mes pairs dans n'importe quelle partie de la ville sans être considéré comme étant un terroriste

Mais surtout, en diffusant ceci à vous mes amis qui vivez dans d'autres parties du monde, j'espère obtenir votre attention, votre soutien et votre aide !

Merci de diffuser et de partager ce blog !

Cet article a été originellement publié sur İnsanlik Hali.