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Samedi 26 juillet, des citoyens ont souhaité dénoncer l'agression israélienne à travers un spectacle de rue. 8 femmes et 4 hommes se sont donnés rendez-vous devant un grand cinéma de Paris Montparnasse afin de jouer une pièce de théâtre intitulée « Check-Point ». Une initiative artistique montrant des soldats de l'armée d'occupation israélienne empêchant les Palestiniens de circuler en Palestine et les brutalisant.

Quelques minutes après le début du spectacle, la police débarque et interpelle les acteurs. Placés en garde à vue, ils seront relâchés 24 heures plus tard. Outre le scandale autour de la censure, les discussions avec les policiers ont permis de comprendre que l'ordre d'arrêter les acteurs de la pièce de théâtre venaient d'en haut. AJIB.fr a pu recueillir le témoignage d'un frère qui faisait parti des gardés à vue, ce qui s'est passé est scandaleux ; ça ne se passe pas en Russie, en Chine ou en Corée du Nord mais bel et bien en France, pays des droits de l'homme et de la liberté d'expression.
« Samedi 26 juillet après-midi, nous nous sommes retrouvés à un petit groupe en face d'un grand cinéma de Montparnasse pour jouer un petit spectacle de rue, « Check-Point », montrant des soldats de l'armée d'occupation israélienne empêchant les Palestiniens de circuler en Palestine et les brutalisant.

Le public était réceptif et enthousiaste, les gens prenaient des photos. La police est arrivée et nous a demandé de quitter les lieux, ce que l'on a fait. Nous avons ramassé nos affaires et sommes descendus dans la bouche de métro. C'est alors que les policiers sont revenus et nous ont demandé de ne plus bouger et de nous mettre contre le mur. Une policière m'a alors dit : « On voulait vous laisser partir mais on a eu un ordre venu d'en haut« . Nous avons alors attendu dans la bouche de métro, jusqu'à l'arrivée d'un car, les policiers nous ont alors dit qu'on allait être embarqués pour contrôle d'identité.

Nous avons été emmenés en car, sirène, et 6 motards nous escortant jusque dans un commissariat du 18ème. Nous étions 8 femmes et 4 hommes. Le public qui nous voyait à travers les vitres, nous faisait des coucous, et des V de victoire.

Au commissariat de la rue de l'Evangile, nous avons appris que nous étions placés en garde à vue pour « attroupement non armé ». Les officiers de police nous ont pris toutes nos affaires (lunettes, montre, papiers etc), et ont coupé les cordes de nos vêtements.

En partant, j'ai dit à 1 officier « Je fais ça pour les enfants massacrés à Gaza ». Il m'a répondu « Je comprends complètement, je suis papa aussi, j'ai moi aussi des enfants ». Il m'a aussi dit « bon courage, vous allez être transféré dans un autre commissariat, puis vous serez relâché juste après, normalement ».

J'ai été transféré au commissariat du 15ème arrondissement menotté (par 1 policière un peu zélée). J'ai été étonné du manque de moyens de la police française, en constatant alors qu'ils ne savaient pas trouver le commissariat, n'avaient pas de GPS, pas de chargeur de téléphone etc ...

Arrivé au commissariat, ils nous ont dit que, vu qu'on était 12, ils seraient obligés de nous mettre en cellule.

J'ai alors pu vivre ma première garde à vue en cellule glauque de 9m2. Nous étions 4 hommes dans ma cellule, il faisait très chaud. Le bouton d'appel ne marchait pas, il fallait taper sur les vitres pour avoir un verre d'eau du robinet, et espérer tomber sur un policier bien luné. Un de mes compagnons de cellule était américain. Il disait : « Mais quelles sont les charges retenues contre nous, la France c'est la Chine ou quoi ? »

Deux jeunes femmes de notre groupe ont été placées en « cellules de dégrisement », isolées chacune, sans aucune raison, de manière arbitraire, (sans doute par manque de place, à moins que les policiers aient estimé qu'elles « chantaient trop »). Parmi nous se trouvait une femme enceinte, dégoutée des odeurs du seul toilette (turc) qu'on pouvait utiliser, et dont la chasse d'eau était en panne, ainsi qu'une femme âgée de 76 ans, qui gardait toujours le sourire malgré les conditions pénibles de détention.

Nous avons, un par un, été présentés à un officier de police judiciaire. Le mien était très compréhensif, m'a dit directement : « Vous êtes là pour des faits ridicules, nous le savons, c'est une décision ministérielle, ça vous fait perdre votre temps, et le notre, car pendant ce temps, on ne s'occupe pas des vrais voyoux. La gestion de ces affaires prend un tournant grave aussi bien pour vous (pro-palestiniens) que pour nous officiers de police, obligés d'executer des ordres absurdes ». il m'a aussi annoncé que je ne pourrais pas sortir le soir même, mais seulement le lendemain. J'ai dû rompre mon jeûne avec un infâme plat de pates à la tomate sous plastique. Et jeûner le lendemain sans rien avaler (ne sachant pas l'heure qu'il était, puisque nos montres nous avaient été retirées).

Les heures passaient très lentement, nous avons dû dormir à même le sol, mais ce qui me faisait prendre patience c'est que tout ça c'est ridicule comparé à l'horreur vécue par les Palestiniens sous occupation depuis des années. J'ai aussi pensé à Nelson Mandela, Marwan Barghouti ou Said Kotb, des gens privés de leur liberté parce qu'ils ont décidé de résister plutot que de collaborer.

J'ai imaginé Monsieur Valls, éternellement attaché à l'état d'Israel, tranquillement invité à la mosquée d'Evry la veille, et qui m'a fait incarcéré parce que j'ai participé à une pièce de théatre. J'ai repensé aux membres de la LDJ, rue de la Roquette, se baladant en attroupement armé avec la bénédiction de M. Valls, et dont le nombre de gardés à vue a atteint le chiffre zéro.

Nous avons été relâchés au bout de 24 heures, et les faits ont été classés sans suite.

J'ai bien reçu le message de M. Valls, qu'on pourrait résumer à « 15 minutes de théâtre de rue = 24 heures de garde à vue« , et ça m'a renforcé dans la conviction qu'il faut choisir entre baisser la tête, courber l'échine, ou bien se battre pour ses idées, être plus nombreux à le faire la prochaine fois, boycotter les produits israéliens, jusqu'à la fin de l'apartheid. »