Image
Préambule

Ce texte de Mike Whitney date du 18 août, soit il y a trois semaines, mais il n'a pas perdu de son intérêt. Il est à mettre en relation avec deux articles qu'il cite, et que nous avons déjà publiés : La Pravda américaine : qui a abattu le vol MH17 en Ukraine ?, de Ron Unz, et L'Ukraine, le journalisme corrompu et la foi atlantiste, de Karel van Wolferen.

The French Saker

- - - - - - - - -

Le jeudi 14 août 2014, le parlement ukrainien a adopté une loi qui autorisera les investisseurs étrangers à louer jusqu'à 49 % des gazoducs de transit et des installations de stockage de gaz souterraines de l'Ukraine. Le projet de loi, qui avait été rejeté quelques semaines plus tôt, a été approuvé par une majorité de deux voix seulement, ce qui laisse croire à de la coercition ou de la corruption en coulisse. La nouvelle loi est une victoire pour l'administration Obama et les élites occidentales qui veulent contrôler le flux de gaz provenant de la Russie à destination de l'Union européenne, fixer les prix et s'assurer que les transactions continuent d'être libellées en dollars. Reuters donne plus de détails :
« Le parlement ukrainien a approuvé, ce jeudi, une loi qui autorise la location des installations de transit du gaz naturel dans le cadre d'une coentreprise avec la participation de sociétés de l'Union européenne et des États-Unis (...). Le gouvernement a affirmé que la coentreprise favorisera l'investissement et rendra inutile le gazoduc South Stream, que la société russe Gazprom est en train de construire pour acheminer le gaz naturel dans le sud-est de l'Europe en passant sous la mer Noire, contournant ainsi l'Ukraine.

« Si le projet South Stream se concrétise, il menace de priver le budget extrêmement fragilisé de l'Ukraine des tarifs du transit qu'il perçoit actuellement de la Russie pour le gaz acheminé vers l'Europe.

« L'UE comble 30 % de ses besoins en gaz naturel par la Russie. La moitié de ce gaz transite par l'Ukraine, bien qu'une partie ait déjà été détournée vers le gazoduc Nord Stream, qui passe sous la mer Baltique. » [1]
On constate que le conflit fratricide sanglant en cours en Ukraine n'a rien à voir avec la démocratie, la souveraineté ou même le « méchant » Poutine. C'est essentiellement une question de gaz et de gazoducs. Tout cela fait partie du grand plan de Washington qui consiste à semer la discorde entre la Russie et l'Union européenne, à contrôler le flux des ressources vitales et à établir des bases de l'Otan sur le flanc ouest de la Russie. Le fait que l'article fait référence au projet South Stream est particulièrement révélateur. L'administration Obama fait tout en son pouvoir pour saboter le projet South Stream, de façon que la Russie ne puisse contourner l'élément perturbateur ukrainien et vendre directement son gaz naturel à différents pays d'Europe (voir la carte du projet South Stream indiquée en note [2]).

Washington ne veut pas de libre échange entre voisins. Washington veut que chaque goutte du gaz russe passe par son poste de péage, afin de poursuivre sa mainmise sur l'économie de l'Europe et les recettes de Moscou. Bloomberg donne plus de détails sur le projet South Stream :
« South Stream, un projet de 46 milliards de dollars mené par la société par actions ouvertes Gazprom, est en suspens et va probablement le rester encore des années, tant que la Russie continuera de fomenter un conflit armé dans l'est de l'Ukraine et que l'UE ripostera par des sanctions, selon le Eurasia Group.

« Ce qui signifie que le pays ravagé par la guerre va demeurer un point de transit stratégique pour environ la moitié des livraisons de Gazprom vers l'Europe, selon le Groupe de recherche sur le risque, basé à New York. Jusque-là, les pays membres de l'Union européenne étaient mitigés par rapport au projet South Stream. Mais avec les troupes russes massées près de la frontière ukrainienne, ils n'avaient guère le choix que de se rallier dans leur opposition.

« « Il est hors de question que l'Europe reprenne les négociations à propos de South Stream pour le moment, étant donné le contexte géopolitique suscité par la crise ukrainienne », a indiqué Emily Stromquist, analyste du Eurasia Group à Londres, lors d'une interview.

« Le gazoduc proposé, d'une longueur 2 446 kilomètres (1 520 miles), passerait sous la mer Noire et arriverait dans l'Union européenne par la Bulgarie, ce qui mettrait fin à la dépendance de Gazprom au système de transit gazier ukrainien. » [3]
Comme vous pouvez le constater, les États-Unis ont plus d'un tour dans leur sac pour empêcher la Russie de vendre son gaz naturel à l'UE.

Mais pourquoi donc ?

Parce que les États-Unis sont laissés pour compte, voilà la raison. Washington ne veut rien entendre de ce qui convient le mieux pour l'Union européenne et la Russie. Washington veut ce qui convient le mieux à Washington. Ce que les États-Unis désirent, c'est un pivot vers l'Asie, en opposant Moscou à Bruxelles, créant ainsi un prétexte pour déployer la grosse patte de l'Otan en Ukraine pour qu'elle puisse pointer ses missiles vers la capitale russe et intimider tout le monde dans la région. Voilà pour le plan.

Soit dit en passant, l'affirmation selon laquelle la « Russie masse des troupes le long de la frontière ukrainienne » est absurde. Une équipe d'inspecteurs internationaux déployée en Russie pour vérifier sur place en est arrivée à cette conclusion :
« Les inspecteurs n'ont constaté aucun cas de violation par la Russie le long de la frontière ukrainienne, a rapporté le ministère. Ces quatre derniers mois, on a procédé à 18 inspections différentes le long de la frontière ukrainienne avec la Fédération de Russie, le tout conformément au traité Ciel ouvert de Vienne et à la Convention de Vienne de 2011. » (RT)
Vous voyez ? C'est de la bouillie pour les chats, tout comme d'ailleurs à peu près tout ce que vous lisez dans les médias occidentaux au sujet de l'Ukraine. En fait, il y a eu un certain nombre d'excellents articles écrits sur le sujet récemment, notamment par Ron Unz et Karel Van Woldferen. Après avoir fait des recherches exhaustives sur le sujet, l'homme d'affaires et activiste politique Ron Unz n'en revient pas de ce qu'il appelle « la corruption absolue et [le] manque total de fiabilité des médias de masse américains », en ajoutant que « les événements des douze dernières années devraient avoir réduit en miettes toute foi que nous avions envers notre gouvernement ou les médias ». [4]

Dans le même ordre d'idées, le journaliste néerlandais et professeur retraité de l'Université d'Amsterdam Karel Van Wolferen, vise à la fois les médias et l'État, mais sa salve la plus dévastatrice, il la réserve pour Washington :
« L'histoire américaine, depuis la disparition de l'Union soviétique, est pratiquement déconsidérée, les mensonges vraiment époustouflants : Panama, Afghanistan, Irak, Syrie, Venezuela, Libye, Corée du Nord ; le nombre de gouvernements renversés, les opérations secrètes et les coups montés ; l'encasernement furtif de la planète avec un millier de bases militaires (...). Ce qui pourrait bien déterminer le destin de l'Europe est que aussi, (...) des Européens décents se portent eux-mêmes à croire dans le dysfonctionnement et la responsabilité absolue de l'État américain. »
Ces deux articles, que nous avons déjà publiés en français (voir notes [3] et [4]), valent la peine d'être lus au complet.

Dans tous les cas, les lecteurs auraient intérêt à se méfier de tout ce qu'ils lisent dans les médias à propos de l'Ukraine, car ce n'est que de la foutaise. Comme l'article ridicule qui s'est retrouvé dans The Guardian la semaine dernière (qui devait déclencher la Troisième Guerre mondiale) est de la foutaise. Voici la primeur : jeudi dernier [14 août], des journalistes du Guardian et du Telegraph ont rapporté qu'un convoi de camions militaires et de véhicules blindés russes avait franchi la frontière et se trouvaient en Ukraine. Voici un extrait de l'article du Guardian :
« The Guardian a vu un convoi composé de 23 véhicules blindés de transport de troupes, épaulés par des camions-citernes et d'autres véhicules de soutien logistique avec plaques d'immatriculation militaires russes, qui se dirigeaient vers la frontière près de la ville russe de Donetsk, à environ 200 km de Donetsk, en Ukraine.

« Après avoir fait une pause sur le bord de la route jusqu'à la nuit tombée, le convoi est passé en territoire ukrainien en empruntant un chemin de terre accidenté, puis en traversant par un trou pratiqué dans le barbelé qui délimite la frontière. Des hommes armés étaient visibles dans le noir, lorsque le convoi est entré en Ukraine. Kiev a perdu le contrôle de son côté de la frontière, dans ce secteur.

« Les camions sont loin de constituer officiellement une invasion russe à grande échelle et il n'était pas clair jusqu'où ils comptaient se rendre en territoire ukrainien et pour combien de temps. Cela n'en demeure pas moins une preuve irréfutable de ce que l'Ukraine prétend depuis longtemps, à savoir que des troupes russes s'activent à l'intérieur de ses frontières. » [5]
Une « preuve irréfutable », vous dites ? Aucune photo, aucune image satellite, rien. On nous demande de croire que deux journalistes professionnels ne disposaient pas d'un téléphone cellulaire en état de fonctionner avec lequel ils auraient pu prendre une photo. Vous appelez cela une preuve irréfutable ?

Peu après l'incident allégué, le président de l'Ukraine, Petro Porochenko, a publié une déclaration indiquant que les forces armées de son pays avaient détruit une partie d'un convoi armé que le journaliste du Guardian avait vu passer par un trou pratiqué dans la clôture marquant la frontière jeudi soir.

Vous avez pigé ? Ils ont non seulement VU le convoi fantôme, mais ils l'ont également détruit. Comme journée de travail, on peut difficilement faire mieux.

C'est bien beau tout ça, mais où sont les prisonniers ? Où sont les carcasses des véhicules blindés qui ont explosé ? Où sont les victimes ? Où sont les déclarations des premiers témoins arrivés sur les lieux ? Où sont les preuves photographiques des satellites étatsuniens qui passaient le secteur au peigne fin à ce moment-là ? Il y a sûrement quelque chose pour justifier une affirmation aussi grave, qui pourrait mener à une déclaration de guerre contre la Russie.

Rien. Absolument rien. Pas l'ombre d'une preuve. Que du vent.

C'est comme ces tristement célèbres allégations mensongères à propos de « laboratoires d'armement mobiles » et de « tubes d'aluminium » qui ont servi de prétexte pour déclencher la guerre en Irak. De la même façon, tous les médias se sont rangés derrière, en répétant le même récit dénué de preuve. Voici le baratin du New York Times :
« Le gouvernement de l'Ukraine, qui tente de repousser les rebelles pro-russes de leurs dernières enclaves dans l'Est tout en jetant un regard inquiet vers un convoi d'aide humanitaire russe toujours bloqué, a affirmé ce vendredi que ses forces armées avaient détruit un certain nombre de véhicules militaires russes qui auraient traversé la frontière ukrainienne en fin de soirée jeudi à partir d'un secteur frontalier sous contrôle des séparatistes. » (NYT)
Puis celui du Telegraph :
« L'inquiétude s'est intensifiée à l'égard de la crise ukrainienne vendredi soir après que Kiev eut affirmé avoir détruit en partie un convoi de véhicules militaires russes, l'Otan ayant accusé Moscou de lancer une « incursion ». Le président ukrainien, Petro Porochenko, a dit au premier ministre David Cameron que l'artillerie du gouvernement avait détruit une « bonne partie » d'un petit convoi militaire qui était entré au pays. » (Telegraph)
Puis celui du Kyiv Post :
« L'Ukraine affirme avoir détruit des véhicules militaires russes dans l'est du pays, une journée après qu'un convoi a été vu en train de traverser la frontière. Le président ukrainien, Petro Porochenko, a dit à David Cameron au téléphone que les forces armées de son pays avaient détruit une partie du convoi armé qu'un journaliste du Guardian avait vu entrer par un trou pratiqué dans la clôture marquant la frontière jeudi soir. » (Kyiv Post)
Saupoudrez de propagande. Rincez. Répétez.

Le ministère de la Défense de la Russie a ridiculisé les allégations en les qualifiant de mensonges à visées politiques, en employant ces termes :
« « Il n'y a jamais eu de convoi militaire russe qui a prétendument traversé la frontière entre la Russie et l'Ukraine le soir ou pendant la journée (...). Pareilles allégations, qui reposent sur des fantaisies, ou des suppositions de journalistes pour être plus précis, ne devraient pas faire l'objet de discussion sérieuse par les dirigeants de quelque pays que ce soit », a affirmé le major général Igor Konashenkov. » (RT)
Je vous invite donc, chers lecteurs, à vous poser la question suivante : Si la Russie avait fait traverser des véhicules blindés de transport de troupes en Ukraine, croyez-vous vraiment qu'elle aurait procédé le jour même qu'elle cherchait à obtenir le feu vert pour faire passer son convoi humanitaire ? Et si elle l'avait fait, croyez-vous vraiment que Porochenko aurait donné son aval au passage de son convoi humanitaire ?

Bien sûr que non. Il aurait été trop occupé à déclarer la guerre à la Russie. Mais il n'a pas déclaré la guerre à la Russie, ni stoppé le convoi humanitaire.

Pourquoi ? Parce qu'il sait que toute cette histoire n'est que de la frime. Son comportement est la preuve qu'il ne s'agit que d'un mensonge.

LA QUESTION DES GAZODUCS

Si vous suivez la question des gazoducs, il y a eu du nouveau dernièrement qui a de quoi faire dresser les cheveux sur la tête. En gros, l'Iran s'est reniée et a rejoint le côté obscur. Vous ne me croyez pas ? Lisez ceci tiré du World Bulletin :
« Au moment même ou la Russie et l'Europe ont maille à partir à propos de la crise en Ukraine, qui fait en sorte que l'Europe n'a d'autre choix que de rechercher d'autres sources de gaz naturel, l'Iran pourrait fort bien répondre à sa demande. Le sous-ministre iranien du Pétrole, Ali Majidi, a indiqué que le projet Nabucco, qui était présenté comme une alternative au gaz russe en mesure de répondre à une bonne partie des besoins de l'Europe avant d'être mis au rancart l'an dernier, est dorénavant remis sur les rails.

« Prenant la parole devant la presse russe, M. Majidi a confirmé que deux délégations distinctes ont été dépêchées en Europe. « Avec Nabucco, l'Iran peut approvisionner l'Europe en gaz. Nous sommes la meilleure alternative à la Russie, » a-t-il déclaré. M. Majidi a ajouté qu'un certain nombre de routes pour acheminer le gaz en Europe étaient envisagées, mais que la Turquie se trouvait à la « bonne adresse. »

« Le projet Nabucco, présenté pour la première fois en 2002, prévoit acheminer du gaz en Europe via la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et l'Autriche. Le projet transportera aussi 31 milliards de mètres cubes de gaz naturel azerbaïdjanais et irakien vers l'Europe. » [6]
Wow. En plein dans les dents. C'est un dur coup non seulement pour M. Poutine, mais pour tous ceux qui souhaitent la création d'un monde multipolaire dirigé par des pays souverains qui croient à l'État de droit.

Que s'est-il passé au juste ? Pourquoi l'Iran se glisse-t-elle dans le lit du Grand Satan au lieu de préconiser son plan initial qui était de construire un gazoduc Iran-Irak-Syrie ? Se peut-il que l'Oncle Sam va tout faire pour que ce gazoduc ne soit jamais construit ? Est-ce la raison pour laquelle Washington laisse quelques milliers de maniaques homicides (l'État islamique) parcourir la Syrie et l'Irak dans tous les sens en décapitant à qui mieux mieux et en faisant des ravages ? Pour que la pose de tuyaux et le transit du gaz s'avèrent impossibles ?

On le dirait bien, mais il y a plus encore. Lisez cet extrait d'un article de William Engdahl :
« En 2009, l'émir du Qatar s'est rendu à Damas pour négocier avec le président Bachar al-Assad un projet de gazoduc qui acheminerait le gaz provenant de l'énorme gisement offshore de North Dome, au Qatar, limitrophe au gisement de South Pars, en Iran, et qui se trouvent tous les deux dans les eaux du golfe Persique que se divisent les deux pays. Le gisement de South Pars/North Dome que se partagent l'Iran et le Qatar est le plus gros au monde (...). La proposition du Qatar était de construire un gazoduc qui acheminerait le gaz qatari à travers la Syrie jusqu'à la Turquie, un proche allié de l'émirat. M. Assad a refusé, en citant les relations énergétiques étroites entre la Syrie et la Russie.

« En mars 2011, M. Assad a signé un autre contrat de gazoduc, cette fois avec l'Iran, ennemie jurée du Qatar. Le Qatar est un pays fondamentaliste sunnite qui abrite le groupe radical des Frères musulmans. L'Iran est un pays fondamentaliste chiite et l'Irak est dirigée par un premier ministre chiite. L'Iran et l'Irak appuient toutes deux M. Assad dans la guerre en cours pour le contrôle de la Syrie. Le gazoduc iranien partirait du gisement dans le golfe Persique et passerait par l'Irak et la Syrie. L'encre de l'accord de gazoduc Iran-Irak-Syrie n'était pas encore sèche qu'une guerre de terreur totale, financée par le Qatar à coups de milliards de dollars, a embrasé toute la Syrie.

« La Russie est depuis entrée en scène, après l'échec du Qatar, de l'Arabie saoudite et de la Turquie à faire renverser le régime d'Assad pour le remplacer soit par un régime fondamentaliste wahhabite saoudien, soit par un régime fondamentaliste des Frères musulmans salafistes, qui aurait fait affaires avec ces pays plutôt qu'avec la Russie. » [7]
Autrement dit, si vous ne faites pas ce qu'on vous dit de faire et que vous apposez votre signature au bas d'un contrat, vous aurez une guerre terroriste sur le dos et n'obtiendrez rien. N'est-ce pas ce qui se passe en Syrie ?

Absolument. Mais cela n'explique pas pourquoi l'Iran a laissé tomber ses anciens amis. Pour en avoir une idée, il faut remonter avant l'élection du président iranien Hassan Rohani et tout l'énervement des médias occidentaux qui le qualifiaient de « modéré » (le terme modéré est un euphémisme pour désigner généralement les marionnettes pro-étatsuniennes). Tout a commencé en septembre 2013, quand M. Rohani a ouvert un canal de communication avec Obama. Il était dès lors évident que la Maison-Blanche s'était dit qu'il y avait quelqu'un à Téhéran avec qui on « peut travailler ». Voici une petite mise en contexte de l'incident que les experts ont appelé « le coup de fil historique » :
« Le président Barack Obama et le nouveau président iranien Hassan Rohani se sont parlés au téléphone ce vendredi, un contact au plus haut niveau sans précédent depuis trois décennies et qui montre leur volonté de parvenir à un pacte concernant le programme nucléaire iranien (...).

« En sa capacité de président, M. Rohani est le chef du gouvernement, mais ses pouvoirs sont limités. Le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, détient l'autorité ultime en Iran et a le dernier mot sur les affaires intérieures et la politique étrangère, bien que M. Rohani affirme avoir obtenu le plein pouvoir de négocier sur la question nucléaire (...).

« Dans son discours aux 193 États membres de l'Assemblée générale des Nations Unies ce mardi, M. Obama a prudemment accueilli le geste de M. Rohani comme la base de ce qui pourrait devenir un accord sur le nucléaire et l'a mis au défi de démontrer sa sincérité. Cependant, l'incapacité d'amener les deux leaders à se serrer la main ce jour-là, apparemment parce que M. Rohani s'inquiétait de la réaction des partisans de la ligne dure chez lui, montre toute la difficulté à progresser sur le plan diplomatique. » [8]
Une poignée de main était évidemment hors de question, puisqu'ils sont censés être des ennemis mortels. Mais il est clair que M. Rohani a manœuvré en coulisse pour se rapprocher de M. Obama. Ses efforts ont apparemment rapporté, comme on peut le lire dans cette dépêche de l'agence UPI :
« Le président iranien Hassan Rohani s'est adressé aux délégués d'un forum économique tenu dans la capitale iranienne. Il a dit que les pressions liées aux sanctions se sont atténuées à mesure qu'avancent les négociations multilatérales sur le controversé programme nucléaire iranien.

« Dans le cadre d'une entente multilatérale conclue en novembre, l'Iran peut exporter environ un million de barils de pétrole en échange d'une réduction de ses activités de recherche dans le domaine nucléaire. M. Rohani a ajouté que la poursuite des pourparlers sur le nucléaire iranien avec les États-Unis, la Chine, la Russie, la Grande-Bretagne et la France, plus l'Allemagne, devrait avoir des retombées positives sur la communauté internationale.

« « Des pays de l'Orient et de l'Occident nous disent que les sanctions leur ont nui et que leur retrait serait avantageux pour tous », a-t-il poursuivi.

« Le ministère du Pétrole de l'Iran a annoncé jeudi que ses ventes de pétrole pour les quatre premiers mois de l'année ont augmenté de 5 % par rapport à l'an dernier. [9]
Le « programme nucléaire » fictif de l'Iran n'a rien à voir avec l'allégement des sanctions. Tout cela n'est qu'une manœuvre de diversion. Le programme nucléaire n'est que le bâton qu'utilisent les États-Unis pour frapper sur l'Iran lorsqu'ils en ressentent le besoin. Voici ce qui s'est réellement produit. Washington a accepté d'alléger les sanctions si l'Iran cédait à propos du contrat gazier, ce qu'elle a fait. Résultat : le projet de gazoduc Nabucco, appuyé par les États-Unis, est de nouveau sur les rails, tandis que le projet South Stream de la Russie est laissé en plan.

Avouons-le, les États-Unis savent vraiment se montrer inflexibles et cassants lorsqu'il le faut

Un dernier mot : pour que Washington parvienne à un accord avec un ennemi juré comme l'Iran, il faudra que ce soit sur le dos d'un autre pays qu'il déteste encore plus.

Ce pays, c'est la Russie.

Traduit par Daniel

Notes :

[1] Ukrainian parliament backs bill to open gas pipelines to EU, U.S. firms, The Star, 14-08-2014

[2] Carte du projet South Stream, Wikipedia

[3] Putin's Pipeline Bypassing Ukraine Is at Risk Amid Conflict, Bloomberg, 14-08-2014

[3] La Pravda américaine : qui a abattu le vol MH17 en Ukraine ?, Ron Unz, traduit par le Saker français 22-08-2014

[4] L'Ukraine, le journalisme corrompu et la foi atlantiste, Karel van Wolferen, traduit par le Saker français, 24-08-2014

[5] Aid convoy stops short of border as Russian military vehicles enter Ukraine, The Guardian, 15-08-2014

[6] Iran to provide Europe with alternative to Russian gas, World Bulletin, 13-08-2014

[7] Syria attraction : Russia moving into Eastern Mediterranean oil bonanza, Russia Today, 13-01-2014

[8] Obama, Iran's Rouhani hold historic phone call, Reuters, 28-09-2013

[9] Iran : Easing sanctions brings global relief, UPI, 12-08-2014