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Nous savons aujourd'hui que le Traité de libre échange entre l'Union européenne et les États Unis (le désormais fameux TAFTA) va dérouler le tapis rouge aux entreprises multinationales des deux côtés de l'Atlantique, remettant en cause les droits sociaux et environnementaux de l'ensemble des citoyens européens et américains. Mais si un certain nombre d'aspects du Traité transatlantique ont été jusqu'à présent abordés grâce à la mobilisation de l'opinion publique, très peu de choses ont été dites sur l'impact que le TAFTA aura sur les animaux d'élevage. Or c'est une question écologique très importante pour notre santé, notre environnement et pour la condition animale.

Tout d'abord, le TAFTA, en cherchant à supprimer les barrières commerciales non-tarifaires entre l'Union européenne et les États-Unis, représente un risque de révision à la baisse des normes régulant les conditions d'élevage des animaux. La situation européenne en la matière, certes non idéale, est plus avancée que dans les autres pays. L'UE régule la protection des animaux « de la ferme à l'assiette », c'est à dire sur l'ensemble des étapes de la production (élevage, transport et abattage). Elle interdit les hormones de croissance et est nettement moins tolérante avec les aliments génétiquement modifiés et les antibiotiques que les États-Unis. De plus, depuis 2013, l'UE interdit l'expérimentation animale pour les produits cosmétiques, ainsi que l'importation de produits qui ont été testés sur les animaux.
Alors que l'Europe a inscrit le bien-être animal dans ses principes fondamentaux (Traité de Lisbonne de l'Union Européenne, 2009), la législation fédérale étasunienne n'en a clairement rien à faire : il existe une seule régulation fédérale qui inclut quelques aspects de protection des animaux uniquement lors de l'abattage, centrée sur le produit final. Mais, à l'exception de quelques États, elle n'interdit pas le confinement extrême, elle soutient, aux côtés des multinationales, l'utilisation des produits transgéniques pour la consommation humaine et animale, elle admet le clonage animal pour la consommation humaine, elle accepte l'expérimentation animale pour les produits cosmétiques et d'hygiène, elle n'inclut pas dans sa loi sur le bien-être animal les oiseaux, les poissons, les rats et les souris, qui sont les espèces les plus utilisées en laboratoire, etc. Quant à sa législation sur le transport d'animaux, elle date de 1873 !
De son côté, le lobby agro-industriel américain de la viande a un objectif clair : les négociations du TAFTA doivent servir à contrer les normes européennes. Par exemple, le Conseil National des Producteurs de Porcs des États-Unis déclare, en s'appuyant sur les accords de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), que le TAFTA ne devrait permettre aucune restriction des importations européennes basée sur le bien-être animal. Il souhaite notamment la fin de toutes les barrières non-tarifaires, dont les restrictions sanitaires et phytosanitaires. Par exemple, les producteurs de porc américains exigent l'autorisation de la ractopamine (additif alimentaire utilisé aux États-Unis pour accélérer la croissance des porcs), qui est pourtant interdite dans l'UE et dans plus de 150 pays pour ses effets secondaires sur les animaux et sur la santé humaine.

Étant donnée la position dominante des multinationales qui a primé au cours des négociations précédentes, tout semble indiquer que :

Dans le cas d'une convergence normative au sein du TAFTA, celle-ci se fera en tirant vers le bas les normes sur le bien-être animal en vigueur en Europe (puisqu'il est difficile d'imaginer que les États-Unis alignent les leurs sur celles de l'UE). De plus, la position de négociatrice initiale de l'Union européenne (publiée le 8 janvier 2015) n'est pas réjouissante : alors qu'elle souhaite « préserver le droit de chaque partie à protéger la vie humaine, animale ou végétale sur son territoire », elle ajoute au point suivant que « les mesures sanitaires et phytosanitaires ne devront pas créer de barrières inutiles au commerce ». Par ailleurs, les précédents en la matière ne sont pas rassurants : le traité de libre échange actuellement négocié entre le Canada et l'UE, appelé CETA et véritable cheval de Troie du TAFTA, ne fait qu'une seule mention, insignifiante et non obligatoire, au « bien-être animal ».

En cas d'approbation du TAFTA sans convergence, nous risquons d'assister en matière de protection animale à un véritable dumping, avec des multinationales tentant de baisser leurs coûts par le déménagement de leur production vers les lieux les moins contraignants. Les différences de législations entre les deux rives de l'Atlantique placeront de plus les fermiers européens dans une situation économique difficile. Nous avons bien connu cela avec l'importation d'œufs du Brésil.

L'objectif de ce traité est limpide : augmenter le commerce et les investissements entre l'UE et les États-Unis, grâce notamment à la baisse du coût de production des produits d'élevage (principalement viande, œufs et lait). Une réalité clairement insoutenable tant d'un point de vue éthique que vis-à-vis de la qualité des produits et des dégâts causés sur l'environnement. Mieux vaudrait privilégier la réduction de notre consommation de produits animaux pour en privilégier la qualité, tant pour notre santé que pour lutter contre le dérèglement climatique et pour améliorer la condition animale, plutôt que de continuer dans cette course au toujours plus, mortifère pour l'homme, son environnement et l'ensemble des autres espèces.
Aujourd'hui, les conditions d'élevage dans tous les ateliers industriels hors sols sont déplorables, que ce soit aux États-Unis où dans certaines régions européennes comme la Bretagne, la Catalogne ou encore le nord de l'Allemagne. Elles offrent aux agriculteurs s'étant pliés à ce modèle des avantages économiques tandis que les éleveurs qui respectent leurs animaux (élevage en plein air de poules, vaches, cochons, etc. ), notamment dans les zones de montagne, sont étouffés par cette concurrence déloyale qui tirent les prix toujours vers le bas. Les fermes usines transforment les paysans en ouvriers précaires et les animaux en machines, au seul bénéfice des financiers et de quelques industriels qui sont en train de mettre la main sur l'agriculture et l'alimentation. Ce modèle d'ores et déjà insoutenable risque bien d'être renforcé avec l'entrée en vigeur du Traité transatlantique.
En d'autres termes, le TAFTA signifie une vraie progression en Europe de la marchandisation de la vie en générale et de celle des animaux en particulier. Une raison supplémentaire de dire non au Traité transatlantique.