Commentaire : Qu'on se le dise : on pouvait rire tout seul dans la rue, jusqu'à présent : on vous prenait juste pour un cinglé, et on vous évitait. On pouvait rire à deux, en déclenchant des regards paranoïaques et suspicieux, mais bon, ça passait. Mais rire en groupe, ça non. Matraque et car de CRS à l'appui, il faut disperser le rire, des fois qu'il troublerait l'ordre public et qu'il donnerait aux gens l'envie de ne pas marcher tête baissée, le sourcil froncé, écrasé par l'idée que nous vivons une époque de tous les dangers.


interdit de rire
© Lorène Lavocat/Reporterre
Une opération de « thérapie par le rire », moquant le décalage entre les discours écolos des entreprises et leurs actes, a été interrompue par la police, jeudi, à Paris. Des clowns et des comédiens ont été parqués pendant plus d'une heure. Un reportage à écouter - et qui prête à rire, ou à pleurer.

Sur le fronton de l'édifice, avenue George V, l'inscription « Chambre d'agriculture » met la puce à l'oreille. À quel nouvel événement va-t-on assister ? Bientôt, une jeune dame s'avance, tailleur bleu marine et grand sourire. Sur sa veste, une étiquette indique « Monsanto ». Le présentateur, cheveux soigneusement peignés, l'interroge : « Que faites-vous pour le développement durable ? » La dame énumère les bonnes pratiques de l'entreprise, mais, très vite, des rires tonitruants couvrent ses propos.

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© Lorène Lavocat/Reporterre


L'opération « Thérapie par le rire », lancée par une poignée d'activistes écolos, vise à mettre en lumière le décalage entre les discours et les actes des entreprises. L'idée est simple : « Nous lisons les vrais discours, trouvés sur le site officiel des compagnies, explique Manu, puis on en rit, et ça permet de montrer l'absurdité de leurs dires ! »


Ils sont une trentaine, ce jeudi 10 décembre, à parcourir les rues des quartiers chics de la capitale. Dans leur collimateur impertinent, Monsanto, Carrefour, BNP-Paribas, Vinci. La petite troupe traverse les Champs-Élysées, sous l'œil attentif de l'Armée du Clownistan, venue prêter main forte.



Deuxième arrêt devant l'entrée d'un magasin Carrefour. Mais le discours du porte-parole improvisé est très vite interrompu par des sirènes. Dix, vingt et bientôt une quarantaine de policiers encerclent les militants. « Vous n'avez pas le droit de manifester sur la voie publique dans ce secteur », leur intime l'un des officiers suréquipés. « Nous faisons du théâtre de rue ! » rétorquent les autres.

Contrôles d'identité et arrestations à ciel ouvert commencent et vont se dérouler pendant près d'une heure. Des passants observent, sceptiques : « Autant de policiers pour si peu de contestataires, des joyeux drilles en plus, c'est un peu disproportionné, non ? » Pour passer le temps, les militants redoublent de créativité : chansons, exercices de clown ou discussions avec les forces de l'ordre. « Je leur ai parlé de Monsanto, explique Lisie, ça s'est plutôt bien passé, je pense qu'eux-mêmes ne comprenaient pas bien pourquoi ils étaient là. »