Commentaire : Les études biomédicales sont censées contribuer aux progrès de la médecine... A partir de ces études, de ces recherches, de ces travaux, faits par des personnes dont le cursus universitaire est exemplaire, on invente tout un tas de choses : des médicaments « efficaces », des nouveaux protocoles thérapeutiques « prometteurs », du matériel médical « révolutionnaire ». On élabore tout un tas de discours aussi. Celui de l'honnête commercial justement rémunéré par les grands laboratoires pharmaceutiques œuvrant pour le bien de l'humanité. Et qui propose leurs nouvelles molécules à un docteur en médecine à la conscience éclairée. Qui saura choisir les mots justes pour rassurer son patient et prescrire un remède efficace et sans danger.

On enchante aussi les discours politiques. Ceux qui se basent en toute impartialité sur l'objectivité inattaquable de la science, et qui permettent d'offrir à la population, pour son plus grand bien, comme le feraient de vrais parents responsables, des mesures vaccinales obligatoires, hygiéniques, salvatrices.

On stimule les vocations, car il faut bien que le système, qui n'est que progrès et constante évolution, se perpétue de lui-même, pour notre plus grand bien.

Voilà donc aussi ce que permettent nos merveilleuses études biomédicales, publiées par les pointures de l'édition scientifique mondiale. Une garantie de qualité, de probité et de fiabilité que seules des conclusions objectives issues des recherches les plus récentes et les plus avancées pouvaient nous donner. Qu'on se le dise.


fraude medicale
© ARCHIVES APDes milliards de dollars seraient gaspillés annuellement pour des études dont on ne peut pas reproduire les résultats
Deux groupes de chercheurs ont porté un coup à la crédibilité d'un grand nombre d'études biomédicales qui selon eux fournissent rarement les données et la transparence nécessaires pour vérifier les résultats ou les reproduire indépendamment.

Les deux analyses sont publiées lundi dans la revue scientifique américaine PLOS Biology.

La première menée par Shareen Iqbal de l'Université Emory et John Ioannidis de Stanford, a porté sur 441 études publiées entre 2000 et 2014 dans de grandes revues scientifiques. Elle visait à déterminer les données clés fournies pour pouvoir évaluer et reproduire les résultats ainsi que l'accès aux protocoles de ces travaux et la fréquence des études reproduisant leurs conclusions.

Les auteurs ont été surpris de constater que seule une de ces 441 études proposait sa méthodologie complète et aucune n'a rendu accessible la totalité des données collectées. De plus, la majorité des travaux ne précisaient pas comment ils avaient été financés ou si les auteurs avaient des conflits d'intérêt.

« Nous espérons que notre analyse va davantage sensibiliser les chercheurs, ceux qui financent la recherche ainsi que les revues scientifiques qui publient ces travaux, à la nécessité d'améliorer la transparence et l'accès à toutes les données », soulignent les auteurs.

La seconde analyse menée par Ulrich Dirnagl, chercheur à la Charité-Universitätsmedizin, un grand hôpital universitaire de Berlin, a passé en revue des centaines d'études pré-cliniques menées avec des souris et des rats qui portaient sur le cancer et des accidents vasculaires cérébraux.

Conclusion : la vaste majorité des études analysées ne contenaient pas suffisamment d'informations sur le nombre d'animaux utilisés. Dans un grand nombre de ces études, des animaux «disparaissaient» sans explication dans le courant des études. Utilisant un modèle informatique, ces chercheurs allemands ont pu simuler les effets de ces pertes d'animaux de laboratoire sur la validité des résultats des expériences.

Des milliards de dollars gaspillés

Ils ont ainsi conclu que plus le nombre des animaux perdus ou retirés était grand, moins solides étaient les conclusions des études.

« Nous avons commencé notre analyse avec l'idée d'examiner la solidité des résultats d'un groupe d'études pré-cliniques mais le grand nombre d'animaux manquant nous a forcé à couper court à notre évaluation », explique Constance Holman, de la Charité-Universitätsmedizin, principal co-auteur.

En médecine humaine, on ne peut pas imaginer de publier des essais cliniques sans données sur le nombre de patients ou de ceux qui ont arrêté d'y participer ou sont décédés dans le courant de l'étude, souligne-t-elle. Mais personne ne s'est apparemment soucié de vérifier rigoureusement si le nombre d'animaux utilisés, perdus ou retiré était indiqué dans ces études fondamentales, déplore la chercheuse.

Pour les auteurs de ces deux études, des milliards de dollars sont gaspillés annuellement pour des études dont on ne peut pas reproduire les résultats. Cette incapacité à pouvoir vérifier les conclusions de ces travaux scientifiques a entraîné une crise de confiance dans la validité des résultats. Les conclusions de ces deux études s'ajoutent à une longue liste d'interrogations suscitées par les défaillances dans la manière de publier les résultats de la recherche fondamentale.

Pour encourager à une plus grande transparence et potentiellement donner les moyens de rendre les conclusions des travaux dans le secteur biomédical plus aisément reproductibles, PLOS Biology a créé une nouvelle section dédiée à la recherche sur les autres recherches.

« Notre objectif est de montrer que la recherche sur la recherche est une partie importante de la science », écrit dans un éditorial Stavroula Kousta, une des responsables de la rédaction de PLOS Biology.

« En créant un forum dans ce champ ce domaine, PLOS Biology va contribuer aux efforts en cours pour améliorer les critères de la recherche scientifique dans la bio-science et au-delà», conclut-elle.