Histoire Secrète
Au sein des grandes démocraties occidentales, mais aussi de certains pays de l'Est, l'année 1968 coïncide avec une effervescence de la jeunesse et des mouvements de contestation. Aux Etats-Unis, le mouvement hippie fait parler de lui, les étudiants manifestent contre le Vietnam tandis que la lutte pour les droits civiques des noirs connaît des épisodes tragiques, notamment avec l'assassinat de Martin Luther King en avril 1968. L'Italie, l'Allemagne et dans une moindre mesure l'Angleterre connaissent des troubles étudiants parfois violents. Le Zengakuren (une ligue étudiante) lance également des mouvements très suivis au Japon. Grèce et Espagne connaissent des mouvements radicaux contre les régimes dictatoriaux en place. Enfin, la Tchécoslovaquie connaît le Printemps de Prague, qui termine dans la répression. En France, les étudiants sont les premiers à manifester leur mécontentement au printemps 68 et ils le diffusent dans une bonne partie de l'opinion.
Plus de vingt ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'heure est donc à la contestation au cœur d'une jeunesse à la fois fruit du Baby boom et des Trente glorieuses. A l'heure de la pilule contraceptive, la morale traditionnelle est contestée, comme le montrent aussi bien les apologies de l'amour libre dans les rues en mai 68, que l'ambiance « détendue » de Woodstock un an plus tard. Le modèle capitaliste et la consommation de masse concentrent également les attaques : tandis que les beatniks fondent des communautés sans argent, l'extrême gauche française, des maoïstes aux situationnistes, fustige la consommation et les Mass Medias. D'ailleurs, une partie de la jeunesse « gauchiste » européenne, et notamment française, voit dans la Révolution Culturelle chinoise un formidable encouragement à prendre le pouvoir contre les « conservateurs » et « réactionnaires ».
De la crise universitaire à la crise sociale
Or, au sein des universités françaises, cette jeunesse est particulièrement active et avance sur un terrain favorable : au-delà d'une surcharge très problématique des universités, le système éducatif peine à se réformer et à dépasser son modèle traditionnel. Nanterre, symbole de la croissance de la population estudiantine (elle fut créée en 1964 pour désengorger la Sorbonne), devient le foyer de cette agitation gauchiste. En 1968, il s'y crée le « Mouvement du 22 mars », dont la revendication initiale était l'accès pour les étudiants aux bâtiments des étudiantes, mais qui prend des positions plus politiques après l'arrestation d'étudiants manifestant contre la guerre du Vietnam. Composé essentiellement d'anarchistes et mené par Cohn-Bendit, le mouvement occupe la salle du conseil de la faculté de lettres. Avec la multiplication des arrestations, le conflit tend vers un durcissement. Face à cette situation, l'académie décide de fermer la faculté de Nanterre le 2 mai 1968.
Le face-à-face avec les forces de l'ordre s'avère alors très tendu. Depuis le Moyen Âge, les forces de police ne pouvaient traditionnellement intervenir dans les universités. Or, cet interdit a déjà été rompu dans les mois précédents. L'évacuation de la faculté provoque le 3 mai des actions de solidarité à la Sorbonne. En quelques heures, les troubles gagnent le Quartier latin et tournent à l'émeute. Les forces de l'ordre sont sans concession : près de 600 personnes sont arrêtées.
A l'appel de l'UNEF et de la SNESup, la grève est décrétée dans les universités parisiennes et le mouvement fait tâche d'huile en province. Quelques jours plus tard, dans la nuit du 10 au 11 mai, les affrontements franchissent un nouveau cap : en une nuit, les barricades fleurissent tandis que l'on recense 1000 blessés.
La répression policière joue contre le régime : en signe de protestation, les syndicats ouvriers provoquent une grève générale le 13 mai. Celle-ci s'accompagne d'une manifestation imposante dans les rues parisiennes puis de l'occupation des usines. La crise a pris une tournure sociale, mais aussi politique : les grands noms de l'opposition, tels que Mendès-France ou Mitterrand, défilent en tête du cortège. Dans les jours qui suivent, les occupations d'entreprises se multiplient, paralysant le pays.
Résistant difficilement à une motion de censure déposée par le PCF et la FGDS (Fédération de la gauche démocrate et socialiste), le gouvernement Pompidou garde le soutien du général de Gaulle. Après avoir affirmé « la réforme oui, la chienlit, non ! » le 19 mai, celui-ci propose le 24 mai un référendum sur la participation et la réforme des universités, promettant de partir si le non l'emportait. Mais cette allocution n'a qu'un faible écho. Le pouvoir semble vaciller. De son côté, Pompidou engage des négociations dès le 25 mai. Deux jours plus tard, il signe avec le patronat et les syndicats les accords de Grenelle : le SMIG est augmenté de 25% et les salaires de près de 10%, la durée de travail est réduite pour certains métiers et le droit syndical renforcé. Mais la base ne cède pas et manifeste le soir même.
La fragile victoire du gaullismeAprès plus de dix jours de paralysie du pays, le mouvement risque pourtant l'essoufflement, d'autant plus qu'avec l'obtention des accords de Grenelle, il perd une part de légitimité aux yeux de la population. En effet, étudiants et ouvriers ont bénéficié du soutien indirect du reste des Français, ou tout du moins d'une certaine sympathie face à un pouvoir vieillissant et à une société verrouillée. Mais, après les accords syndicaux, la situation prend une tournure véritablement politique. La rue et l'opposition attendent que le général se retire.
Le 29 mai, De Gaulle disparaît soudainement, sans même prévenir son Premier ministre. Il s'est envolé en Allemagne, dans la base militaire française de Baden-Baden. Pendant qu'il s'entretient avec le général Massu, certainement pour s'assurer du soutien de l'armée, la France ressent avec angoisse la possibilité d'une vacance du pouvoir. Revenu, il prononce le lendemain vers 16 heures une allocution courte mais ferme : il dissout l'Assemblée nationale, mais il ne se retirera pas. Refusant de céder, il demande aux Français de lui exprimer leur soutien et leur attachement au régime. A 17h30, une grande manifestation débute à Paris, rivalisant de par son ampleur à celle du 13 mai.
Les législatives sont fixées au 23 et 30 juin. Poursuivant sur le registre du risque de chaos politique et de la menace communiste, De Gaulle débaptise son parti pour lui donner le nom « d'Union pour la défense de la République ». La sympathie de l'opinion pour les manifestants a tourné à la lassitude et à l'angoisse. Les Français expriment alors dans les urnes leur attachement au régime et à leur président : l'UDR sort renforcée et obtient une majorité écrasante. Les événements de Mai 68 sont terminés.
De fait, cette victoire de De Gaulle est de courte durée. Dès le 10 juillet, il remplace Pompidou à la tête du gouvernement par Couve de Murville, lui reprochant indirectement son efficacité lors des Accords de Grenelle. Soucieux de renforcer la légitimité de son pouvoir, De Gaulle propose l'année suivante une réforme sur le statut du Sénat et sur la régionalisation. Optant pour le référendum, il fait de ce scrutin un véritable plébiscite : si son projet est rejeté, il quittera la tête du pays. Le 27 avril 1969, le non l'emporte avec 52% des suffrages. De Gaulle assume alors ses engagements et se retire.
La Cinquième République garde longtemps en mémoire les événements de mai 68, perçus comme le catalyseur de mutations profondes de la société française. Si le pouvoir sort temporairement renforcé par les législatives de 1968, De Gaulle est amené à partir un an plus tard. Quant aux ouvriers, ils ont obtenu des résultats probants lors des accords de Grenelle. Les étudiants, à l'origine du mouvement, obtiennent une réforme de l'université. En réalité, leur action a fait sauter de nombreux verrous et entrer la France dans la voie de la modernisation. En effet, des idées et engagements émergent : lutte pour les droits des femmes, modification des valeurs morales, sociales et politiques dominantes. Une société nouvelle éclot. Parmi les changements qu'elle apportera dans les années suivantes, on retient par exemple la libéralisation puis le démantèlement de l'ORTF en 1974, la loi sur l'IVG en 1975, la libéralisation du régime, l'influence décroissante de l'Eglise chrétienne...
Commentaire : Les Français ont-ils changé ? Mai 68 aurait-il été un mouvement populaire manipulé par les politiciens ? Où en sommes-nous, aujourd'hui, dans cette société qui, au lieu de proposer de meilleures conditions de travail, une meilleure qualité de vie et une vraie liberté ne propose au contraire que des injustices et des inégalités toujours plus prononcées ? Le passé se rappelle au présent, pourrait-on dire, en coup de vent, comme les paroles de Aron semblent le signifier, en France.
Commentaires des Lecteurs
Je ne connais pas ton âge, ni ton parcours, mais ta réponse Steph61 est déphasée par rapport à ce que j'ai écrit. Je rajouterai: Mai 68 a été financé par les américains pour détrôné De Gaulle. J’ai côtoyé assez d'hommes politiques d'un âge supérieur au mien, qui m'ont bien expliqué les tenants et les aboutissants du piège tendu. Le but est multiple, il est basé sur la destruction de nos valeurs, de nos cultures et par conséquent de nos familles. Diviser pour mieux régner. Il faut parler aux anciens qui ont vécus avant et vus après.
C'est le soucis lorsqu'on répond en une phrase ou deux, il est presque impossible de ne pas tomber dans des généralités boiteuses. Il y a déjà (au moins) deux points de vue, celui des gens qui espéraient plein de choses, et celui de ceux qui ont essayé de récupérer le mouvement. Un financement us, oui c'est possible et c'est leur style, mais il y avait tellement d'autres acteurs.
Pour ce qu tu dis, les familles détruites, recomposées, là je suis d'accord avec toi, la liberté sexuelle à surement joué dans l'histoire. Les échecs scolaires, boffff ... quel rapport ? Pour les politiciens corrompus, il suffit de voir le qui et le comment dans le financement des campagnes politiques. (ça c'est du capitalisme et ça date de la constitution)
Pour la perte des valeurs traditionnelles et de nos cultures pour l'inculture américaine, il suffit de voir ce qu'il se passe à la télé ou dans les films pour comprendre d'ou cela vient. Sur ce point là, le responsable c'est nos médias. Et c'est une décision politique prise en 1945 pour remercier nos libérateurs américains. A chaque point que tu dénonces, il y aurait moyen de pondre un bouquin.
Tu vois le tournant après mai 68, moi je le vois au lendemain de la guerre 40-45. Les résistants français majoritairement communistes et armés ont raté un objectif très important. Les guerres, dues à chaque fois à des intérêts économiques, ne devaient plus jamais avoir lieu. Pour ce faire, il à été décidé de créer le ministère de la culture, qui devait promouvoir une culture populaire et politique pour que des choses comme la dernière guerre n'arrive plus jamais. [Lien] Pendant que des politiciens se disputaient sur le contenu, nous sommes devenus des consommateurs. Des avancées sociales ont eu lieu, mais cette fameuse culture populaire qui aurait du nous permettre de conserver nos acquis s'est transformé en "art contemporain" et nous sommes à nouveau face à la grande finance qui ne nous veut pas du bien.
Le vrai grand tournant importe peu, il y a eu des centaines de petits coups de volant qui nous ont amené là on on est. Et je n'aime pas du tout la direction que nous avons actuellement.
Merci pour ton commentaire
Et le résultat? Nous l'avons maintenant. Familles détruites, recomposées, échecs scolaires, gouvernements véreux à la solde des USA et des grands lobbies, répressions routières, contrôles permanents des biens privés, augmentation en tout genre d'impôts et de taxes, immigrations incontrôlées, islamisation suite à la lutte menée contre la chrétienté, perte des valeurs traditionnelles et de nos cultures pour l'inculture américaine, respect et civisme perdus au profit d'agressions en tout genre, égoïsme et individualisme devenus monnaie courante au lieu de l'entraide, interdiction de fumer dans les bars, interdictions cachée de boire un verre, gangs et drogues s'appropriant des quartiers et des villes entières, eaux polluées, des millions d'espèces disparues, les abeilles menacées d'extinction, le silure détruisant presque toutes les espèces de poissons de nos rivières, les semences naturelles interdites, et j'en oublies.....Je ne met pas tout sur mai 68, mais il a contribué directement et indirectement à tous ce que je viens de décrire. A partir de 1968, ils n'ont plus mis de limite parce que ils ont voulu supprimer les règles. Ils ont dépassé le bon sens au profit de la bêtise, de la connerie. Nous la génération post-68, nous payons aujourd'hui la folie de nos parents...Merci!