Fermez les yeux et imaginez-vous parcourir une forêt, les pieds dans la mousse végétale encore fraîche de la rosée du matin. Je suppose que la première chose qui vous vient à l'esprit, ce sont des rangées d'arbres s'étendant à l'infini. Immenses, avec un côté presque mystique émanant d'eux. Les plantes et les arbres sont vivants : ils naissent, respirent et meurent. Mais ils parlent aussi, échangent les uns avec les autres, comme le révèle une série d'études et d'ouvrages publiés ces dernières années.
arbres
© InconnuIls parlent entre eux, les arbres
Les arbres ont l'air si silencieux et immuables qu'il semble impossible de penser qu'ils communiquent. C'est pourtant le sujet de nombreux travaux, notamment l'ouvrage « La vie secrète des arbres », publié en janvier 2017 en France par Peter Wohlleben, un forestier allemand. Les arbres, dont les racines s'étendent profondément dans le sol, s'échangent de manière souterraine des informations, « grâce à une association symbiotique entre les racines des arbres et les mycorhizes, des champignons microscopiques », comme le note Le Temps dans un excellent article.

Les arbres sont connectés entre eux grâce à un réseau souterrain

Ensemble, les arbres savent qu'ils seront plus forts face aux fluctuations de la météo ou aux attaques d'insectes. Ainsi, lorsqu'un arbre se sent menacé par une bande de petites bestioles, il va dégager un gaz précis pour les repousser. Ses congénères, sentant ce flux à travers leurs racines, vont également en libérer.
Un système défensif commun qui induit des capacités en matière de communication.
Le « Wood wide web »

« Une forêt est un système coopératif », explique Suzanne Simard, professeur d'écologie à l'université de Colombie-Britannique, au Canada. « Pour moi, le champ lexical de la 'communication' fait sens parce nous ne cherchons pas seulement comment ils se transfèrent des ressources, mais également des choses comme des signalements de défense ou des systèmes de reconnaissance entre mêmes espèces », note la chercheuse dans un entretien avec le magazine Yale Environnment 360.

En 1997, Suzanne Simard et une équipe de chercheurs furent les premiers à découvrir que les arbres sont connectés entre eux grâce à un réseau souterrain, notamment à l'aide des champignons mycorhizes. Ce qui leur permet de communiquer en se transférant du carbone, des nutriments, du sucre ou de l'eau.

Elle a également identifié ce qu'elle nomme les « arbres mères », c'est-à-dire les plus vieux et les plus grands de la forêt, qui agissent comme des noyaux et des plaques tournantes pour ces ressources en fournissant aux jeunes pousses de quoi se nourrir et grandir. La forêt fonctionne ainsi avec une sorte de cerveau. Dans un documentaire commun, « Intelligent Trees », Peter Wohlleben et Suzanne Simmard décrivent ce réseau racinaire complexe et le nomme « Wood wide web » (la grande toile de bois).

Intelligent Trees from Dorcon Film on Vimeo.
Pour comprendre ce reportage en anglais, cliquer sur « Sous-titre » puis sur « Paramètres » puis « choisissez la langue désirée »

Un vif débat agite la communauté scientifique concernant la capacité des plantes à réfléchir et à communiquer. Cette nouvelle branche existant depuis une dizaine d'année est appelée « neurobiologie végétale » et réunit évidemment des opposants et des partisans. Lors d'un entretien avec Le Monde, Stefano Mancuso, fondateur du Laboratoire international de neurobiologie végétale, explique que les études « les plus récentes du monde végétal ont démontré que les plantes sont sensibles (et donc sont douées de sens), qu'elles communiquent (entre elles et avec les animaux), dorment, se souviennent et peuvent même manipuler d'autres ­espèces. Elles peuvent être décrites ­comme intelligentes. »
D'autres, comme le professeur en biologie végétale de l'université de Lausanne Ted Farme, affirment que les arbres sont dotés d'un « haut degré de sophistication » mais que l'intelligence à proprement parler est limitée aux cerveaux animaux. Mais finalement, qu'est-ce que l'intelligence ? Notre conception est forcément anthropocentrique, pourtant nous n'hésitons pas à parler de l'intelligence artificielle, de téléphones intelligents ou de robots capables de communiquer. Pourquoi les arbres ne pourraient-ils pas être véritablement munis d'un système comparable ?