La peur irrationnelle et généralisée de la pandémie de Covid-19 génère son lot de victimes, à un rythme parfois plus effrené que la maladie elle-même. Une infirmière italienne a récemment rejoint les rangs toujours plus nombreux des suicidés du Covid-19.
Daniela Trezzi, une infirmière travaillant dans une unité de soins intensifs à l'hôpital San Gerardo, en Lombardie - région durement touchée par le virus - s'est suicidée dimanche dernier après avoir été testée positive au Covid-19 début mars. Elle était terrifiée à l'idée d'avoir pu infecter les patients qu'elle tentait désespérément de sauver, a déclaré la Fédération nationale des infirmiers d'Italie dans un communiqué publié le mardi 24 mars à la suite du décès de l'infirmière. Trezzi était en quarantaine depuis le 10 mars, date de son diagnostic.
La terreur de répandre le Covid-19Il n'est pas difficile d'imaginer qu'une mise en quarantaine soudaine et prolongée, en particulier lorsqu'elle fait suite à des journées et des nuits de travail longues et éreintantes passées au chevet des malades, ait pu entraîner l'infirmière dans un cycle toxique d'auto-culpabilisation et de remords. Les autorités ont ouvert une enquête, mais même les plus résistants d'entre nous, psychologiquement parlant, peuvent être rapidement minés par des conditions d'isolement extrême ; ce n'est pas sans raison que, dans presque tous les pays, le confinement solitaire est interdit en milieu carcéral, pour motifs humanitaires.
Trezzi n'est pas non plus la première infirmière italienne à s'être ôté la vie par crainte d'avoir pu répandre l'épidémie qu'elle s'était vouée à combattre. Sans donner de nom, la Fédération des infirmiers a reconnu dans son communiqué qu' « un épisode similaire [un suicide] s'était produit une semaine auparavant à Venise, pour les mêmes raisons sous-jacentes. » Environ 8% des cas de coronavirus en Italie sont des professionnels de santé, d'après la Fondation Gimbe, dont les estimations font état de 5760 personnels médicaux testés positifs au virus à la date du 24 mars.
L'impact de l'isolement socialSi les craintes autour du virus poussent les personnels médicaux au suicide, on ne s'étonnera pas que les personnes lambda soient également terrifiées. Et c'est bien le cas : dimanche dernier, une jeune autiste britannique est décédée, quelques jours après une tentative de suicide liée au coronavirus et qui l'avait laissée dans un état critique.
Emily Owen, une serveuse de 19 ans, retrouvée dans un état critique après une tentative de suicide début mars, ne s'est jamais rétablie ; sa famille a choisi de la « débrancher » dimanche dernier. Owen aurait averti ses proches qu'elle était pétrifiée, terrifiée de voir « son monde se refermer sur elle, tous ses plans tomber à l'eau et d'être cloîtrée chez elle », privée d'une vie normale à cause du virus.
« Cette crise va faire plus de suicidés que de morts du virus », aurait dit Owen à sa famille les jours précédant sa tentative de suicide.
La peur du diagnosticK. Bala Krishna, un Indien de 50 ans, ne souffrait pas du coronavirus lorqu'il s'est pendu le mois dernier après l'apparition de symptômes grippaux - mais il était convaincu d'avoir été contaminé. Des médecins d'une clinique voisine l'avaient renvoyé chez lui après un diagnostic de fièvre virale, et Krishna s'était mis en quarantaine dans sa chambre, puis avait plongé dans une grave dépression après avoir regardé en boucle des vidéos sur le coronavirus.
Finalement, prêt à tout pour ne pas contaminer sa famille ou ses voisins du district de Chittoor (Andhra Pradesh), il s'est éclipsé du domicile familial et s'est suicidé dans le cimetière où sa mère était enterrée.
Bien que Krishna ait reçu le titre douteux de « premier suicidé du Covid-16 » depuis que l'épidémie a commencé à faire les gros titres à Wuhan en décembre dernier, il est impossible de savoir combien de personnes ont laissé l'épidémie influencer leur décision de mettre fin à leurs jours.
D'après
certaines informations, les appels vers la Hotline de l'US National Suicide Prevention (réseau de prévention du suicide) auraient augmenté de 300% concommittamment aux mesures de quarantaine et de confinement obligatoires décrétées par le gouvernement, tandis que l'organisme
Crisis Text Line (service de prévention des suicides par texto) a rapporté mercredi une augmentation de 50% de ses consultations d'aide psychologique la semaine dernière. D'autres hotlines locales de prévention du suicide ont également rapporté un pic d'appels.
Les conseils pour rompre l'isolement social - appeler ses proches au téléphone ou discuter par Internet - sont un piètre substitut pour nombre de personnes. L'homme est un animal social, et ce n'est pas un brin de causette avec Maman qui va soulager le stress causé par la perte d'un emploi et l'incertitude financière.
Même le président Trump a pris la mesure de ce problème, ses propos faisant écho à ceux de la pauvre Emily Owen, lorsqu'il a déclaré en début de semaine qu'une mise à l'arrêt prolongée de l'économie étatsunienne pourrait entraîner des « milliers de suicides... en bien plus grand nombre que les morts dues au virus. »
La « distanciation sociale » a certainement sauvé des vie, mais elle pourrait en écourter d'autres.
Traduction : SOTT
Commentaire : Lire aussi : « Le confinement va entraîner une hausse des comportements agressifs et des suicides » - Entretien avec Hélène Romano, psychologue