Un juge de police, au sein du tribunal de police de Bruxelles, a jugé le port du masque obligatoire « inconstitutionnel », au terme du procès d'un jeune homme qui n'avait pas porté son masque.
Police masque Covid Belgique
© Inconnu
Les faits se sont déroulés en août dernier. Me Hélène Alexandris, l'avocate du jeune homme, relate ce qui suit :
« Ce jeune homme se baladait aux abattoirs d'Anderlecht. Il a été verbalisé à ce moment-là par les services de police, parce qu'il ne portait pas son masque. Dans ce contexte-là, il a été cité directement devant le tribunal de police de Bruxelles. Il n'a pas reçu d'amende au préalable, c'était directement une citation devant le tribunal de police. »
Cette affaire a été jugée le 12 janvier dernier. Au terme du procès, le juge Van Damme a acquitté l'homme, au motif que l'obligation du port du masque est inconstitutionnelle, selon lui. Pour justifier cet acquittement, le juge s'est basé sur trois points, explique Hélène Alexandris :
  1. Dans un premier temps : l'obligation de porter le masque. Elle a été fondée sur un arrêté ministériel, une disposition qui a donc été prise par le pouvoir exécutif, en l'occurence le ministre de l'Intérieur. Il a fondé cet arrêté sur base de l'article 182 de la loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile. Cette loi habilite le ministre de l'Intérieur à prendre des mesures qui sont urgentes, dans le cas d'une catastrophe ou d'un accident grave. Cette mesure doit être ponctuelle, et les catastrophes doivent être localisées dans le temps et dans l'espace. Hors ici, le juge a considéré que le port du masque n'est pas une mesure ponctuelle, limitée dans le temps et l'espace.
  2. Dans un second temps, le juge motive sa décision sur le fait que le Conseil d'Etat n'a pas émis un avis favorable quant à la constitutionnalité de l'arrêté ministériel de 2020. Malgré qu'ici le ministère public essaie de prouver le contraire, le juge n'a pas suivi le ministère public.
  3. Dans un troisième temps : la liberté de circulation. Ici, le juge dit que les restrictions à la liberté de circulation doivent répondre à trois conditions cumulatives : trouver sa source dans une loi, elle doit être nécessaire, et elle doit être compatible avec les autres lois. Et ici le juge a estimé que ces trois conditions ne sont pas respectées.
Le Parquet de Bruxelles fait appel

Ce vendredi midi, le Parquet de Bruxelles a annoncer faire appel. Sarah Durant, porte-parole du Parquet de Bruxelles indique ce qui suit :
« Le parquet de Bruxelles, ne partageant pas la motivation du Tribunal, a décidé d'interjeter appel de cette décision, de sorte que celle-ci n'est pas encore définitive. Il appartiendra, dès lors, au Tribunal correctionnel de Bruxelles de se prononcer sur cette question. Le parquet tient, par ailleurs, à préciser que le non-respect du port du masque continuera à être poursuivi tant qu'il n'y aura pas de jurisprudence constante et définitive qui mettrait en péril la recevabilité des poursuites. »
Selon l'avocate Patricia Minsier, « il est probable que la décision soit révoquée dans le cadre de cet appel. »

La décision fera-t-elle jurisprudence ?

Reste à savoir si cette décision, isolée, aura un impact plus général à Bruxelles. Elle pourrait faire jurisprudence : « elle existe, c'est un fait, donc d'autres juges pourraient évidemment s'en inspirer, et appliquer le même raisonnement », nous explique Me Patricia Minsier, avocate de droit public, « maintenant les juges n'ont pas l'obligation de suivre la jurisprudence, ils feront comme bon leur semble ».

Néanmoins, cette décision n'aura pas d'impact sur le port du masque obligatoire en lui-même. Patricia Minsier explique :
« Il n'y a pas de lien de cause à effet. Ce qu'a fait le juge, c'est une interprétation de la constitution (...) qui l'oblige à écarter une disposition réglementaire qu'il juge inconstitutionnelle (...) Mais le refus de l'application de la disposition ne concerne que le cas qui lui est soumis. Cela n'implique pas que cette décision soit annulée, ou ne pourrait plus sortir ses effets dans d'autres situations. »
Yves Van Laethem réagit

Le porte-parole interfédéral Covid-19, Yves Van Laethem, a également réagi, ce vendredi, dans les pages de la DH. Il indique que
« c'est une décision totalement contre-productive. C'est un message qui se base sur un côté purement légal sans tenir compte d'éléments de santé publique dans la mesure où nous sommes dans une société de contact social. Avec ce type de virus, qui touche nos voies respiratoires, on ne peut pas continuer à vivre comme avant. Notre vie sociale passe par le port du masque. Il est devenu indispensable. »
Source de l'article publié le 22 janvier 2021 : BX1