Origine du régime paléo

Le régime paléolithique n'a pas été inventé :il correspond à ce que les premiers humains mangeaient spontanément, de façon naturelle. On en entend parler depuis que le Dr S. Boyd Eaton, en 1985, a publié un article intitulé « Paleolithic Nutrition » dans le prestigieux NewEnglish Journal of Medicine. Radiologiste et anthropologue médical à l'Université Emory (Atlanta), le Dr Eaton émettait alors l'opinion que l'alimentation idéale devait correspondre à celle de nos ancêtres de l'âge de la pierre.

Depuis, d'autres scientifiques se sont mis à étudier cette époque et ont déterminé quelles étaient les pratiques alimentaires des chasseurs-cueilleurs d'alors. Un de ces chercheurs, Loren Cordain, docteur en éducation physique, a publié « The Paleo Diet», où il décrit ce qui se mangeait du temps des cavernes et qui devrait, selon lui, se retrouver dans nos assiettes contemporaines. En 2005, ce professeur à l'Université du Colorado a écrit un second livre plus spécialement destiné aux sportifs, « The Paleo Diet for athletes ». Curieusement, ces deux ouvrages n'ont pas encore été traduits en français. C'est le Dr Rueff et le journaliste Thierry Souccar qui se sont chargés de faire connaître en France les travaux américains.

Une question de génome

La théorie du Dr Eaton repose sur une évidence incontestable : le génome humain n'a que très faiblement évolué depuis l'avènement des premiers hominidés, il y a quatre millions d'années. En effet, le taux de mutation de l'ADN humain ne dépasse pas 0,5% par million d'années. Depuis plus de 40.000 ans, il n'aurait évolué que de 0,02%! Au cours des derniers millénaires, une seule mutation notable a été observée chez l'être humain : les populations du Nord de l'Europe ont développé un gène qui leur permet de mieux digérer le lactose, ce sucre du lait toujours mal toléré par une grande majorité des habitants du globe. Pour le reste, nous sommes restés génétiquement semblables à nos lointains ancêtres vêtus de peaux de bêtes. Et c'est important? Très important, puisque ce sont les gênes qui déterminent les besoins physiologiques, notamment nutritionnels. Si nos cellules pouvaient parler, sûr qu'elles se plaindraient de notre façon de les nourrir ! Car deux chocs alimentaires sont venus radicalement perturber notre système digestif : la révolution néolithique, marquée par la sédentarisation et la naissance de l'agriculture il y a environ 10.000 ans, et la révolution industrielle (du XIXème siècle à nos jours), qui a créé de nouvelles denrées à base de produits transformés. L'inadéquation de ces deux nouveaux comportements avec nos possibilités physiologiques n'est pas sans conséquences pour l'organisme. Selon les hypothèses émises par plusieurs experts en nutrition, elle serait responsable d'au moins deux tiers des pathologies actuelles. Diabète, hypertension, maladies cardio-vasculaires et cancers risquent donc de trouver un terreau fertile dans nos sociétés.

Mais que mangeaient-ils, nos lointains aïeux? Sur ce point aussi, la science a largement comblé le déficit de connaissances. Selon les paléonutritionnistes, le règne végétal (fruits, légumes, plante sauvages, baies, noix, rhizomes... ) fournit jusqu'à 70% de la ration de subsistance.

Les végétaux sont consommés peu après leur cueillette, sans transformation. A cette époque, ils sont beaucoup plusriches en protéines que les céréales modernes, et surtout plus généreux en vitamines, minéraux etcomposés phytochimiques. Sur la base d'un apport énergétique quotidien de 3.000 calories (Kcal), Eaton estime que nos ancêtres du paléolithique supérieur recevaient 3 à 10 fois plus de vitamines que nous. Pour la vitamine C, que l'homme est un des rares êtres vivants à ne plus synthétiser, on pense que Cro-Magon en recevait 600 Mg par jour, soit 6 fois les apports actuels conseillés. L'alimentation paléolithique apporte aussi significativement plus decalcium (jusqu'à 2 fois les doses recommandées) et surtout de potassium : 10 g au lieu des 2,5 actuels. Comme le sel est une denrée rare, le ratio sodium/ potassium, un marqueur du risque d'hypertension, est au moins 30 fois plus bas qu'aujourd'hui ! A côté des produits de la cueillette, la viande occupe une place importante Les australopithèques, comme la célèbre Lucy, avaient des grandes mâchoires qui leur servaient à broyer des aliments végétaux comme les noix, les tubercules et les racines. On a longtemps cru qu'ils étaient végétariens, mais les études sur traces isotopiques - la mesure du rapport carbone/azote dans les os - ont révélé qu'ils étaient omnivores. Après eux, arrivent les premiers hommes, il y a 2,5 millions d'années. Ils ne savent ni ne peuvent atteindre de gros animaux : l'accès à la viande se fait sur les carcasses. Avec son silex tranchoir, Homo Habilis peut accéder à lamoelle, la cervelle, découper la langue. C'est ainsi que la viande prend une place prépondérante dans la stratégie alimentaire. Toujours charognard mais déjà fin chasseur, l'Homme de Neandertal est d'ailleurs plus carnivore qu'herbivore. Il y a 13.000 ans, son cousin de Cro-Magon raffolait du bison. L'analyse des stries dentaires par microscope électronique a confirmé le goût ancestral pour la chair animale. Bien sûr, selon la latitude et la période,

Les chasseurs-cueilleurs de cette période n'ont pas accès aux mêmes ressources. Près des Tropiques, la nourriture est probablement aux deux tiers végétale. Plus on remonte vers le Nord, plus la nourriture carnée domine. L'exemple extrême est donné par les fruits, qui mangeaient essentiellement de la viande et du poisson. Et qui s'en portaient bien, jusqu'à l'arrivée de la « civilisation »...

Moins de graisses, pas de sucres raffinés

L'arrivée de la civilisation entraîne toute une série de ruptures brutales avec le mode de vie originel. La viande, par exemple. Au paléolithique, les animaux sauvages qui se nourrissent de plantes sauvages donnent une viande maigre, dont le contenu en graisse ne dépasse pas 4%, au lieu de 25% aujourd'hui. Boyd Eaton en a déduit que le régime ancestral était relativement pauvre en matières grasses. Mais plus que la quantité, fluctuante selon les lieux et les époques, c'est la qualité des lipides qui fait toute la différence : jadis, les graisses réalisaient un équilibre idéal entre les deux grandes familles d'acides gras essentiels, les omega 3 et les omega 6. L'homme préhistorique trouvait ces deux familles dans la proportion physiologique de 1 pour 1, alors que le ratio actuel est de 20 pour 1 en faveur des omega 6. D'autre part, il ne consommait aucun laitage avant qu'il se sédentarise et commence à domestiquer certaines espèces animales. Le Dr Simopulos (Washington) a calculé que les graisses saturées étaient trois fois moins présentes autrefois que dans l'assiette moderne. Celle-ci est en revanche saturée de graisses végétales, quasiment absentes de l'alimentation originelle.

La fracture est tout aussi nette côté glucides : avant la révolution néolithique, les sucres naturels (fruits, légumes, racines, quelques graines, glucose de la viande) représentaient de 20 à 40% de la ration alimentaire. De nos jours, l'alimentation occidentale typique comprend de 50 à 60% de glucides. Et ici encore, c'est surtout la perte de qualité qui pose problème. Toute le monde sait que les sucres raffinés sont des « calories vides » dénuées d'intérêt nutritionnel. Ce que l'on sait moins, c'est que les glucides farineux (céréales, pâtes, légumes riches en amidon) ont, malgré leur complexité, des index glycémiques très élevés. Du régime Montignac au régime « IG bas » en passant par la méthode Atkins et les diètes protéinées, toutes les stratégies minceur efficaces passent par une restriction des aliments glycémiants que sont, par excellence, les produits céréaliers raffinés. Facteurs de surpoids et de diabète, la plupart des céréales modernes levées à la levure ont aussi l'inconvénient de charrier de l'acide phytique, un composé anti-nutritionnel qui piège les minéraux. Les plus courantes (blé, orge, seigle, avoine) ont le défaut supplémentaire de renfermer du gluten, une substance protéique mal tolérée par les intestins fragiles. Quant aux laitages, la plupart d'entre nous les digèrent difficilement, parce qu'après l'enfance, nous ne synthétisons presque plus de lactase, l'enzyme nécessaire à la transformation du lactose. Selon de nombreux auteurs, les protéines fournies par le lait de vache sont également inadaptées à la physiologie humaine. Ce qui est sûr, c'est que la ration protidique n'a pas grand chose à voir avec celle du paléolithique. Tous les équilibres d'antan se sont brisés en quelque 10.000 ans...

LES GRANDES LIGNES

La diète paléolithique supprime carrément deux des grands groupes d'aliments, à savoir les produits laitiers et les céréales (dont le pain). Elle fait évidemment partie des régimes faibles en glucides et riches en protéines.

Aliments autorisés :

  • toutes les viandes maigres (volaille, petit et gros gibier, taureau, autruche, chevreau...)
  • les petits animaux : escargots, grenouilles, insectes et larves
  • les poissons et fruits de mer, mollusques et crustacés
  • les oeufs (d'oiseaux et de tortue)
  • tous les fruits et légumes pauvres en amidon )
  • toutes les noix et la plupart des graines (de préférence germées)
  • fleurs, feuilles, champignons, épices...

Aliments interdits :

  • produits céréaliers
  • produits laitiers
  • légumineuses
  • produits transformés ou en conserve
  • tous les légumes riches en amidon (pomme de terre, manioc...)
  • les aliments salés
  • les sucres, hormis le miel avec modération
  • les boissons gazeuses