Le Quotidien du médecin du 2 mai 2011 signalait sans plaisanter que 60 000 adolescents sont victimes de mouvements sectaires et que le phénomène ne fait que s'aggraver.

On savait déjà que ce journal qui prétend « informer » les médecins n'est qu'une vitrine de vente de médicaments, plus efficace et surtout plus rentable que des centaines de visiteurs médicaux. De là à devenir le porte-parole d'une bande d'illuminés qui racontent n'importe quoi, il y avait un grand pas qui vient d'être sauté grâce à la sollicitude de notre gouvernement et surtout de François Fillon.

En France, nous avons la « chance » d'avoir deux mouvements sectaires « anti-sectes », qui se vantent d'être enviés par les autres pays européens, alors qu'en vérité les autres pays se moquent de nous et nous traitent de fanatiques anti-sectes. L'UNADFI est une association reconnue d'utilité publique qui demande des budgets colossaux aux différents ministères, seules sources de financement car la participation financière de ses membres est dérisoire. Quant à l'utilité publique, ils se contentent d'avoir « beaucoup de preuves contre les sectes », qu'ils sont incapables de « prouver ». En 2006, cette seule association a bénéficié de 400 000 euros de subventions du gouvernement alors que le support financier de ses membres représente 2,5 % du montant reçu des ministères.

En revanche, la Miviludes est un organisme interministériel de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, entièrement financé par l'État français, sous l'égide de François Fillon - encore lui - et dont le financement est parfaitement opaque, particulièrement les voyages de son président Georges Fenech, dont j'ai longuement parlé dans des articles précédents. N'oublions pas qu'en contradiction formelle avec la loi antiraciste en vigueur en France, la Miviludes est à l'origine de 900 procédures, dont moins de dix ont été acceptées par la Justice et dont la plupart n'ont abouti à aucune condamnation. Solidaire de son collègue, la présidente de l'UNADFI, Catherine Picard, se plaignait récemment dans le journal Ouest-France que les juges demandent toujours des preuves des accusations : « Même en possédant les manuels des dirigeants et les cours dispensés aux adeptes, on a du mal, parfois, à apporter des preuves de ce que nous dénonçons ». C'est heureux, sinon tout le monde pourrait accuser son voisin de tout et de n'importe quoi sans raison
 valable.

Ces deux mouvements travaillent ensemble et partagent leurs « listes noires » concernant les sectes ainsi que le nombre d'enfants qui seraient « en péril ». Faute de données concrètes, la commission d'enquête sur les sectes évalue entre 60 000 et 80 000 le nombre d'enfants qui seraient élevés dans un contexte sectaire, dont 45 000 parmi les Témoins de Jéhovah.

Il est grand temps d'en terminer avec de telles insanités reprises par des journaux dits sérieux et cautionnées par nos instances publiques à l'aide de nos deniers, alors que les véritables spécialistes de ces questions sont les premiers à les dénoncer. Ainsi, Jean-Yves Dupuis, Inspecteur général du ministère de l'Éducation nationale, a signalé que sur 19 000 signalements aux procureurs de la République, concernant des enfants qu'on estimait être en danger, lorsqu'ils ont demandé aux inspecteurs d'Académie quels étaient, parmi ces enfants en danger, ceux qui l'étaient à cause de mouvements « sectaires », « ils nous ont répondu qu'il y en avait huit. »

Et Thierry Xavier Girardot, directeur des affaires juridiques au ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a signalé que sur vingt-trois enfants déclarés être concernés par le phénomène « sectaire », il n'était « pas sûr qu'il y en ait un seul. »
Michel Rispe, Chef de bureau de l'entraide civile et commerciale internationale au ministère de la justice, a confirmé : « Il n'y a à ce jour aucun dossier ouvert, parmi les quelque cinq cents dossiers en stock, dans lequel il y ait des allégations d'appartenance "sectaire". »

Alors, pourquoi Monsieur Fillon se permet-il de dépenser en pure perte l'argent des contribuables, alors qu'il demande à ces mêmes contribuables de faire des économies ? Les « économies » réclamées seraient-elles différentes selon leur destination ?

Quant aux Témoins de Jéhovah, qui revendiquent 250 000 fidèles en France et sont souvent cités comme « fauteurs de trouble » et personnages dangereux, le 30 juin 2011, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé qu'ils ont été victimes d'une violation de leur droit à exercer librement leur religion. La Cour a rappelé que « le libre exercice du droit à la liberté de religion des Témoins de Jéhovah est protégé par l'article 9 de la Convention ». Ce mouvement chrétien d'origine américaine, classé en tant que secte par un rapport parlementaire français de 1995, dénonçait devant cette juridiction le refus de la France de leur accorder l'exonération fiscale sur les dons et legs dont bénéficient les associations cultuelles et les congrégations religieuses. En 198l, ils avaient été victimes d'un redressement fiscal dont le montant, avec les pénalités, atteignait 57,5 millions d'euros en 2010.

Cette décision, rendue à l'unanimité des juges, est susceptible d'appel et le ministère des affaires étrangères dispose de trois mois pour contester la décision. Le Quai d'Orsay indique qu'il réfléchit à l'action à mener.

En mai dernier, la justice française avait reconnu le droit des Témoins de Jéhovah d'avoir des aumôniers dans les prisons. Une décision prise contre l'avis du ministère de la justice.

Ces dernières contestations ne sont pas sans nous rappeler les nombreuses persécutions dont les Témoins de Jéhovah furent les victimes sous le régime nazi, car ils refusaient l'autorité de l'Etat, en raison de leurs liens internationaux, et parce qu'ils étaient fortement opposés, pour des questions de conscience, à la guerre et à la violence. De nos jours, une très grande partie de la jeunesse partage ces opinions ; l'État va-t-il les accuser d'appartenance à des sectes ?

On leur reproche également de refuser les transfusions sanguines, avec pour conséquence « des milliers de morts ». Ce chiffre est totalement fantaisiste et ne repose sur aucune étude sérieuse, d'autant qu'il existe des alternatives aux transfusions que les Témoins de Jéhovah acceptent volontiers. Et que dire alors des milliers de victimes du sang contaminé qui auraient été sauvées si elle avaient appartenu à ce mouvement ?

On peut ainsi constater l'inanité de leurs accusations et le gaspillage de l'argent que le gouvernement français leur octroie alors qu'il cherche des pistes pour faire des économies. À ce sujet, plusieurs membres du gouvernement actuel ne partagent pas l'enthousiasme et la générosité de notre Premier ministre. Il faut dire que sa générosité ne lui coûte pas grand-chose, si ce n'est le dégoût de nombreux Français pour ce genre de gaspillage.

Et ce n'est pas terminé car, pour en revenir au Quotidien du médecin, il signale qu'avec l'aide financière de l'Assurance-maladie, du conseil régional et des clubs Rotary, l'Association va publier un Manga destiné à alerter les jeunes en péril et une version accompagnée d'un DVD sera destinée aux enseignants. Voilà bien des nouvelles médicales sérieuses.

Les critères de jugement sur le « péril » encouru par ces dizaines de milliers d'enfants sont basés sur ce que ces maniaques appellent des « terrains favorables à la constitution de réseaux sur lesquels peuvent se déployer et prospérer les sectes ». Ces « terrains » sont l'ésotérisme et la spiritualité, mais aussi l'attraction actuelle pour de nouvelles médecines, douces ou parallèles (puisque la médecine officielle est de plus en plus décevante), dont les cibles privilégiées sont l'acupuncture, l'homéopathie, la naturopathie, et d'autres approches énergétiques ou informatives qui représentent la médecine de l'avenir.

La liste des lieux de perdition nous ferait éclater de rire si ces malades mentaux étaient relégués à la place qu'ils méritent et non reçus par certains membres de notre gouvernance qui écoutent leurs divagations. Ainsi sont considérés comme dangereux à fréquenter les cours de yoga, les magasins diététiques, les conférences dans les salons d'agriculture biologique, et les librairies ésotériques. Quant aux homéopathes, thérapeutes non-médecins, psychanalystes jungiens (pas les autres), groupes de prière, accompagnants des mourants, ufologues, enseignants d'écoles privées ou de spiritualité orientale, sociologues et scientifiques indépendants, il est préférable de les éviter comme la peste. L'amalgame est incroyable et pourtant exact.

Mais cela ne les gêne aucunement et, après la remise du rapport annuel de la MIVILUDES, le sieur Fenech mettait en garde dans Paris Match le gouvernement contre les « pseudo thérapeutes » et leurs méthodes-miracles censées guérir « les cancers et autres maladies incurables ». Si ces maladies sont incurables, pourquoi critiquer certains échecs des thérapeutes alternatifs alors que la médecine conventionnelle enregistre quelque 150 000 décès annuels qui adviennent dans les centres spécialisés. Jamais aucun cancérologue officiel et réputé n'a été accusé d'avoir laissé mourir son malade. À l'hôpital, c'est admis, ailleurs jamais !

Et Fenech semble ignorer, (c'est fou ce qu'il ignore !) que nombre de gens qui se réfugient dans les médecines alternatives le font en fin de parcours, lorsqu'ils prennent conscience de l'incapacité de la médecine classique de les guérir. Il cite sans cesse « plusieurs cas de femmes qui sont décédées d'un cancer du sein alors qu'elles auraient pu être traitées », mais il se garde bien d'ajouter que « traiter » ne veut pas dire « guérir » et d'évoquer les milliers de décès qui se produisent « malgré » et même souvent « à cause » des chimio et radiothérapies, tout comme il « oublie » les nombreuses guérisons dues à ceux qu'il qualifie de « charlatans ». Il est allé jusqu'à demander au Ministère de l'Education nationale et au Ministère de la santé d'empêcher l'existence de « facultés de médecine naturelle, où on délivre des diplômes bidons d'éducateurs de santé, ça coûte à peu près 4 000 euros pour l'obtenir, et on forme comme ça des étudiants en médecine naturelle (sic) ». On peut aussi se demander d'où il tient ces chiffres et, de toute manière, en quoi cela le regarde.

Pour les mesures à prendre, elles ressemblent à s'y méprendre à la propagande nazie qui demandait de dénoncer les personnes liées aux activités du « suspect », et de tenir un journal des événements concernant ses relations.

Enfin, s'il existe une manipulation mentale, les minorités spirituelles sont moins coupables que la fabrique de l'opinion publique, les campagnes publicitaires, les émissions télévisées entièrement orientées, les discours et promesses de nos politiques, les lavages de cerveaux auxquels nous sommes soumis chaque jour, sans compter les affirmations d'experts qui sont presque quotidiennement pris en flagrant délit de mensonge. Notre vie quotidienne est soumise à une manipulation mentale à laquelle n'échappent que ceux qui pensent par eux-mêmes, donc sont susceptibles d'appartenir à une secte. Ainsi, la boucle est bouclée.