Traduction: Nicolas CasauxLes pauvres et la classe ouvrière des États-Unis savent ce que c'est que d'être grec. Ils connaissent le sous-emploi et le chômage. Ils connaissent la vie sans revenus. Ils connaissent l'existence avec seulement quelques dollars par jour. Ils connaissent les coupures de gaz et d'électricité à cause de factures impayées. Ils connaissent le poids écrasant de la dette. Ils connaissent la maladie et l'inaptitude à se payer des soins médicaux. Ils connaissent la saisie de leurs maigres biens par l'État, un procédé appelé aux États-Unis
« la confiscation civile », et qui a permis aux agences de police états-uniennes de confisquer plus de 3 milliards de dollars en cash et en propriété. Ils connaissent le désespoir profond et la renonciation qui surviennent lorsque les écoles, les bibliothèques, les cliniques de quartier, les services de soins journaliers, les routes, les ponts, les bâtiments publics et les programmes d'assistance sont négligés ou fermés. Ils connaissent le détournement des institutions démocratiques par les élites financières dans le but d'imposer une misère de grande ampleur au nom de l'austérité. Tout comme les Grecs, ils savent ce que c'est que d'être abandonné.
Les Grecs et les travailleurs pauvres des États-Unis subissent les mêmes privations parce qu'ils sont attaqués par le même système — le capitalisme corporatif. Il n'y a pas de contraintes internes au capitalisme corporatif. Et les quelques contraintes externes qui ont existé ont été supprimées. Le capitalisme corporatif, manipulant les institutions financières les plus puissantes du monde, y compris l'Eurogroupe, la banque mondiale, le fonds monétaire international et la réserve fédérale, fait ce qu'il est conçu pour faire : il transforme tout, y compris les êtres humains et le monde naturel, en marchandises à exploiter jusqu'à épuisement ou effondrement. Dans le procédé d'extraction, les syndicats sont brisés, les agences de régulation sont égorgées, les lois sont écrites par les lobbyistes corporatistes afin de légaliser la fraude et d'encourager les monopoles mondiaux, et les services publics sont privatisés. Des accords commerciaux secrets — dont même des élus officiels ayant vu les documents ne sont pas autorisés à parler — permettent aux oligarchies corporatistes d'amasser encore plus de pouvoir et d'engranger encore plus de profits au détriment des travailleurs. Pour faire gonfler ses profits, le capitalisme corporatiste pille, réprime et mène à la faillite des individus, des villes, des états et des gouvernements. Ultimement, il démolit les structures et les marchés qui rendent possible le capitalisme. Mais c'est une bien maigre consolation pour ceux qui subissent ses maux. Avant qu'il ne se détruise lui-même, il aura entraîné une misère humaine incommensurable dans son sillage.
Commentaire: Voir Système 1/Système 2 : les deux vitesses de la pensée