Il existe un pays où des êtres humains naissent pour une seule raison: servir leurs maîtres. Comme leurs parents avant eux. Et comme leurs futurs enfants, qui leur seront arrachés en bas âge pour être donnés en héritage ou en cadeau de noces. En Mauritanie, vaste contrée du nord-ouest de l'Afrique, des milliers d'hommes et de femmes à la peau d'ébène sont toujours traités comme de la marchandise. Voyage au coeur de l'un des derniers bastions de l'esclavage héréditaire.
Chada Mint M'Beyrick a des enfants, mais n'a jamais été mère.
Elle a été une machine reproductrice.
Elle est née il y a trois ou quatre décennies, quelque part entre les dunes du Sahara. Dans cette vaste région désertique aux confins de la Mauritanie, du Mali, de l'Algérie et du Sahara occidental, les frontières sont aussi floues que l'âge des hommes.
D'aussi loin qu'elle se souvienne, Chada a toujours travaillé. Petite fille, elle gardait des chèvres. Plus tard, des chameaux, qu'elle amenait paître sous un soleil aride. C'était un travail éreintant. Quand elle a eu sa première fille, Teslem, elle ne s'est pas arrêtée. Elle la portait sur son dos, de l'aube au crépuscule.