Depuis bientôt deux ans, la presse parle de Bugarach,
«le seul lieu échappant à la fin du monde le 21 décembre prochain». On lit partout que
«touristes et illuminés se pressent dans le petit village pour visiter le refuge qui pourrait résister à la fin du monde en décembre prochain...». Intrigués par cette invasion new-age façon partie de campagne, nos productrice et éditeur nous ont dépêchés à Bugarach pour y passer une partie de l'année (1). Qu'avons-nous vu à Bugarach entre juin 2011 et novembre 2012 ? Peu d'illuminés. Quelques touristes. Et beaucoup de journalistes. D'abord la presse locale, qui a épuisé le ton ironique de ses premiers articles. Quand, amusé par cette loufoquerie colportée par Internet, un reporter américain a publié l'histoire dans le
New York Times, celle-ci a pris une légitimité universelle. Mieux qu'une vérité. La presse nationale a repris le flambeau. Puis les télés japonaises, coréennes, russes, CNN, Al-Jezira, les radios... A raison de deux, puis trois, puis quatre ou cinq équipes par semaine, les journalistes défilent.
Ce qui a précédemment été publié tient lieu de fait acquis. Sans guillemet ni conditionnel, on parle d'hôtels pris d'assauts, de construction de bunker, de spéculation immobilière... Histoire de tester la rumeur, un Bugarachois, au sortir d'une soirée festive, a mis sa maison en vente sur Leboncoin pour la modique somme de 6 millions d'euros. Il n'a reçu aucun coup de fil. Une seule maison s'est vendue dans le village en 2012 à 85 000 euros pour 130 m
2. Paraît aussi qu'à l'approche du Pic - cette superbe montagne qui domine la vallée - les boussoles s'affolent et les portables disjonctent. L'antenne-relais qui dessert la vallée s'est retrouvée en rade quelques jours au printemps. Orange a diligenté une enquête. L'intense champ magnétique, qui perturbait le réseau, était généré par une clôture électrique survoltée.