Traduit du néerlandais par Marie Meert pour Info Palestine

Thirteen-year-old Ahmad Abu Daqqa is mourned during his funeral in Abbassan al-Kabira, east of Khan Younis in the southern Gaza Strip, 9 November. The boy was shot in his stomach by an Israeli soldier while playing football outside his home
© Anne Paq/ActiveStillsAhmad Abu Daqqa, âgé de 13 ans, est pleuré pendant son enterrement à Abbassan Al-Kabira, à l’est de Khan Younis dans la Bande de Gaza, le 9 novembre. Le garçon a été touché à l’abdomen par le tir d’un soldat israélien alors qu’il jouait au football en dehors de sa maison
Israël prétend toujours exécuter ses bombardements avec une « précision chirurgicale ».

Les chiffres démontrent tout autre chose. Le nombre de tués et de blessés civils est terriblement élevé.

Une « précision chirurgicale »

Gaza 19-11-2012 - Depuis mercredi, début de l'opération militaire Pilier de Défense, il y a eu 67 tués vérifiés, dont 40 civils. Le nombre de blessés est maintenant estimé à 590, dont 535 sont certainement des civils. J'écris « estimé » parce qu'au moment où j'écris ceci on recherche toujours des survivants des attaques aériennes de l'après-midi. Frappes effectuées avec une « précision chirurgicale » sur des maisons à Gaza, Rafah, Nuseirat et Bureij. Le nombre de morts tombés est estimé à 20. Une même famille a eu 10 de ses membres tués, la plupart étaient des femmes et des enfants, et ils recherchent toujours des survivants sous les décombres.

Mercredi et jeudi j'étais à l'hôpital central de Shifa à Gaza Ville et je n'y ai vu aucun combattant au milieu des blessés et des morts. C'étaient tous des civils, des gens qui se trouvaient tout simplement chez eux ou dans la rue quand ils ont été assaillis. La plupart des blessures sont graves; des entailles profondes et aussi des membres arrachés, provoqués par des grenades tournoyant et des éclats de grenades. Il y a aussi beaucoup de personnes souffrant des fractures et de contusions parce qu'elles ont été ensevelies sous les décombres de leur habitation ou d'autres bâtiments.

Hanîn Tafesh

J'ai vu cette fillette d'un an amenée à l'hôpital le jeudi soir après une grosse frappe aérienne. Elle était blessée au cerveau et se trouvait dans le coma. Les médecins m'ont raconté l'attaque aérienne sur son quartier (Zeitoun) de Gaza. Je suis retournée quelques heures plus tard pour voir comment elle allait. Les médecins étaient encore très préoccupés mais faisaient de leur mieux. Rentrée chez moi j'ai appris qu'elle venait de mourir. Le lendemain un membre de la famille de Hanîn, Younis Tafesh, 55 ans, est décédé alors qu'il circulait à vélo dans le quartier et que l'armée israélienne lança une attaque aérienne.

Attaque des médias

Dans la nuit de samedi à dimanche, deux immeubles hébergeant des médias, beaucoup d'agences de presse, ont été bombardés. Les étages supérieurs de la tour Al-Shawa ainsi que la tour Shourouq sont entièrement détruits. Ces étages supérieurs hébergeaient les bureaux d'agences de presse comme radio Al-Qods, radio Alwan et Amatar, ainsi que quelques agences étrangères comme Rai, Sky et une station de radio allemande. Les frappes des hélicoptères de combat Apache ont blessé sept journalistes, dont l'un, Khaled Al Zahar âgé de 20 ans est dans un état critique. Sa jambe droite a dû être amputée. Ce matin vers 7 heures un missile a été tiré sur la télévision Al-Qods, dans la tour Shourouq, blessant trois journalistes et détruisant tout le 15ème étage.

Jusqu'à présent, depuis le début des attaques, dix journalistes ont été blessés dans l'exercice de leur profession. Cet après-midi des journalistes étrangers séjournant dans la bande de Gaza ont reçu un courriel des autorités israéliennes leur enjoignant de quitter immédiatement leur immeuble. Les journalistes palestiniens travaillant dans cet immeuble n'ont pas reçu cet avertissement. Aujourd'hui également, des journalistes étrangers se sont vu interdire l'accès à Gaza par les autorités israélienne au terminal d'Erez. Il semble que la presse soit devenue une cible délibérée d'Israël.

Attaques contre le Hamas

Hier je suis allée voir les endroits qui ont reçu beaucoup de bombes. J'ai visité des rues de quartiers, une mosquée, un stade de football, une fabrique de limonade, des terrains agricoles, mais aussi les « cibles Hamas » bombardées. Il est remarquable que les bâtiments gouvernementaux bombardés n'ont tous qu'une fonction civile. Comme par exemple le registre de la population du Ministère de l'Intérieur, qui a déjà été bombardé à trois reprises cette semaine. Il y a un mois j'allais encore y retirer mon visa. Le bâtiment n'est plus qu'un tas de ruines. L'immeuble du Premier Ministre Haniyeh a été intégralement détruit par les bombardements juste après la visite du Premier Ministre égyptien Hicham Qandil, le vendredi 16 novembre. (Quandil avait appelé les autres pays arabes à manifester leur solidarité par une visite à la bande de Gaza. )

Tous les bâtiments gouvernementaux se trouvent dans des quartiers très densément peuplés de Gaza. A chaque attaque de F16, de drones et d'hélicoptères de combat, beaucoup de maisons adjacentes sont fortement endommagées et et il y a souvent des morts et des blessés parmi les civils.

Tout près du Ministère se trouvaient deux écoles (une privée et une étatsunienne) ainsi qu'une clinique. Les trois bâtiments ont subi de gros dégâts et ressemblant maintenant à des maisons de poupée éventrées.

L'angoisse

La question angoissante que chacun se pose, c'est : va-t-il y avoir une offensive terrestre ? Israël la brandit depuis un bon moment comme menace, 75.000 réservistes ont été rappelés aux côtés des troupes régulières déjà sur le pied de guerre. Les chars et autres équipements militaires sont rassemblés à la frontière. On craint aussi qu'Israël ne coupe les communications de Gaza avec le monde extérieur, les lignes nationales, la téléphonie mobile et l'internet. Cela voudrait dire que les nouvelles ne pourraient plus sortir, et on sent qu'Israël pensera alors avoir les mains libres sans regards indiscrets.

La population de la bande de Gaza est exposée à des angoisses mortelles. On ne sait pas ce qui va arriver les jours, les heures, les minutes qui suivent. On ne se sent en sécurité nulle part. Selon moi il ne s'agit pas seulement d'une guerre militaire, mais tout autant d'une guerre psychologique. La vie quotidienne est à l'arrêt, Gaza est devenue une ville fantôme. Les gens ne sortent dans la rue que si c'est vraiment indispensable, comme pour acheter à manger. Ceux qui le font rasent les façades ou lancent leur voiture à tombeau ouvert du point A au point B.

Les attaques meurtrières contre les civils, surtout celles d'aujourd'hui, ne promettent rien de bon. La bande de Gaza retient son souffle, attendant à la maison ce qui va venir. Sans caves pouvant servir d'abris, sans alarmes aériennes, avec une communauté internationale qui se contente d'être spectatrice.

A propos de l'auteur :
Lydia de Leeuw est une criminologue néerlandaise spécialisée en droits humains, crimes internationaux et crimes d'Etat. Elle travaille actuellement à Gaza.