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La découverte d'une zone cérébrale incitant l'être humain au conformisme éclaire d'un jour nouveau le débat sur l'influence des masses et des sondages.

Le biais de conformité, que l'on pourrait aussi appeler syndrome de Panurge, désigne la tendance que nous avons parfois à délaisser notre raisonnement intime pour rallier l'avis de la majorité - indépendamment du bien-fondé de celui-ci. Dès les années 1950, le psychologue Solomon Asch avait montré que dans une simple tâche perceptive consistant à comparer les longueurs de différents segments de droite, la connaissance de l'avis majoritaire suffit à faire prendre des décisions absurdes à des individus qui, isolés, répondent correctement.

Récemment, des psychologues de l'Université de Princeton ont étudié ce qui se passe dans notre tête lorsque nous nous laissons entrainer dans des processus de ce type. Une structure cérébrale nommée insula, repli du cortex cérébral au niveau des tempes, semble déterminer le basculement d'opinion, l'abandon de l'analyse personnelle au profit de la posture conforme aux attentes du groupe. Cette insula est réputée centraliser des informations de nature émotionnelle en provenance du corps, et s'activer lorsque l'individu sent peser la menace d'être exclu de son groupe d'appartenance. Le biais de conformité résulterait d'une pression sociale exercée par le groupe sur l'individu, créant une peur d'être marginalisé.

Les conséquences de cet effet touchent notamment aux mécanismes électoraux. Condorcet, philosophe et mathématicien, montrait au XVIIIe siècle que le système démocratique livre des décisions sensées, à condition que les électeurs soient ignorants des décisions prises par leurs voisins. Autrement dit, il faut savoir se protéger du biais de conformité. C'est aussi ce qu'a montré une étude réalisée dans l'entre-deux tours de l'élection présidentielle française en 2012. Quelque 1 000 votants étaient interrogés sur leurs intentions de vote au second tour ; dès lors qu'on leur présentait les résultats d'un sondage fictif allant dans le sens contraire de leur intention initiale, ils changeaient d'opinion dans 25 pour cent des cas, pour rallier l'avis majoritaire exprimé par le sondage. Neurosciences, mathématiques et psychologie sociale concordent donc sur un point : pour éviter de réveiller le mouton qui sommeille en l'homme, évitons de le perturber par des influences majoritaires.

D. tomlin et al., The neural substrates of social influence on decision making, PLOS ONE, 9 janvier 2013.