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Traduction Daniel pour ReOpenNews

Plus de 120 documents de la CIA concernant le 11-Septembre, Oussama ben Laden, et la lutte contre le terrorisme, ont été publiés pour la première fois aujourd'hui [le 19 juin 2012, Ndlr], après avoir été récemment déclassifié par la National Security Archive . Les documents ont été déclassifiés après que la NSA ait analysé les notes de la Commission sur le 11/9 et envoyé des demandes dans le cadre de la FOI (Freedom of Information Act).

Les documents contiennent beaucoup de nouvelles informations sur la traque de Ben Laden avant et après le 11/9, le développement de la campagne de drones en Afghanistan-Pakistan, et les relations entre Al-Qaïda et l'allié des Etats-Unis : le Pakistan. Les documents les plus accablants sont peut-être ceux qui montrent que la CIA avait ben Laden à portée de main un an avant le 11/9, mais qu'elle n'a pas obtenu de la Maison Blanche (sous l'administration Bush) le financement permettant de l'arrêter ou même de continuer à le surveiller. Les documents de la CIA contredisent directement les nombreuses déclarations des membres de l'administration Bush selon lesquelles elle poursuivit une traque acharnée qu'Al-Qaïda avant le 11/9 et que personne n'aurait pu prédire les attentats. « Je ne pense pas que l'administration Bush voudrait voir ces documents déclassifiés, car ils démontrent que la CIA savait que quelque chose allait se produire avant le 11/9 mais n'a pas obtenu le soutien institutionnel dont elle avait besoin », explique Barbara Elias-Sanborn, l'employée de la NSA chargée de revoir les documents.

Commençons en 2000 et 2001. La CIA commence à utiliser des drones Predator en Afghanistan. Un document de 2004 indique que : "l'idée d'utiliser des drones date d'avril 2000, et répond à une demande du coordinateur pour le contreterrorisme au NSC [National Security Council, Ndlr], faite à la CIA et au Département de la Défense, afin d'apporter de nouvelles idées pour lutter contre les terroristes en Afghanistan". Le Pentagone approuva le plan à des fins de surveillance.

Cependant, dans le même temps, la CIA a déclaré que les préoccupations budgétaires l'obligeaient à faire passer le Centre du Contreterrorisme et l'unité dédiée à Oussama Ben Laden d'une stratégie "offensive" à une position "défensive". Pour la CIA, cela signifiait essayer d'obtenir des chefs tribaux afghans et de l'Alliance du Nord qu'ils tuent ou capturent Ben Laden, nous dit Elias-Sanborn. "C'était une option moins active", dit-elle. "Il fallait se limiter à une simple surveillance, ce qui n'était pas ce qu'ils considéraient comme une position offensive."

Un document d'avril 2000 nous dit que « La question des augmentations budgétaires du CT [Counter-Terrorism] sont encore au niveau du NSC-OMB [National Security Council - Office of Management and Budget] ». " En raison des différents événements électoraux à venir, il faut avancer plus rapidement sur les financements supplémentaires à cause des restrictions attendues". En outre, l'Air Force a déclaré à la CIA que si elle perdait un drone, elle aurait à le payer, ce qui a rendu l'agence plus réticente à utiliser cette technologie.

Pourtant, le programme de drone a débuté en Septembre 2000. Peu après, un drone a observé à deux reprises un individu qui était "très probablement Ben Laden". Mais comme la CIA n'avait la permission d'utiliser les drones que pour la collecte de renseignements, elle n'avait aucun moyen d'agir. L'agence a soumis une proposition au Conseil de Sécurité Nationale en Décembre 2000, afin d'élargir le programme. "Il était trop tard pour l'administration Clinton, alors sur le départ, pour se prononcer sur cette demande stratégique", mais pas pour l'administration Bush. Simplement, celle-ci ne fit rien.

L'ancien conseiller à la sécurité nationale, Condoleezza Rice, s'est attribué le mérite du programme de drone que l'administration Bush a ignoré. "Le fait de travailler par exemple à l'obtention d'un Predator armé, chose extrêmement importante, agir pour obtenir une stratégie qui nous permettra d'obtenir une meilleure coopération du Pakistan et de l'Asie centrale" a-t-elle déclaré en 2006. "On ne nous avait pas donné de stratégie de lutte contre al-Qaïda". Rice a affirmé que l'administration Bush a poursuivi les politiques de lutte contre le terrorisme de l'administration Clinton, une affirmation que les documents réfutent. "Si l'administration avait voulu le faire, je suis sûr qu'elle aurait pu", selon Elias-Sanborn.

Un grand nombre de documents ont révélé ce qui pour la première fois a été clarifié par la Commission du 11/9 : La Maison Blanche a reçu une quantité importante d'avertissements indiquant que Al-Qaïda tentait d'attaquer les États-Unis. De juin à septembre 2001, pas moins de sept rapports d'analyse d'officiers supérieurs de la CIA ont indiqué que les attaques étaient imminentes, représentant une quantité incroyable d'information provenant d'une agence de renseignement. L'un de ces rapports du mois de juin appelé "Menaces de Ben Laden et ses associés à court terme", écrit que "[censuré...] s'attend ce qu'Oussama ben Laden lance des attaques multiples au cours des prochains jours." Le célèbre rapport d'août intitulé "Ben Laden déterminé à frapper les Etats-Unis" en fait partie. "Des membres d'Al-Qaïda, comprenant des citoyens américains, ont résidé ou voyagé aux États-Unis depuis des années, et le groupe maintient apparemment une structure d'appui, aux USA" révèle-t-il. Pendant tout le mois d'août, le président Bush était en vacances dans son ranch au Texas, où il disputait à Richard Nixon le record des plus longues vacances jamais prise par un président des Etats-Unis. Le directeur de la CIA George Tenet a dit qu'il n'a pas parlé une seule fois à Bush ce mois-là, décrivant le président comme étant « en congé ». Bush n'a pas tenu de réunion des Directeurs sur le terrorisme jusqu'au 4 Septembre 2001, après les avoir remplacé par des réunions entre adjoints, dont le tzar du contre-terrorisme du moment, Richard Clarke a déclaré à plusieurs reprises qu'elles ralentissaient "énormément" les efforts contre Ben Laden, "faisant perdre des mois".

Parmi toutes les informations que les documents révèlent, une question cruciale brille par son absence : la torture. Il y a près de 50 documents de la CIA relatant des questions telles que l'interrogatoire du cerveau présumé du 11/9, Khalid Sheikh Mohammed, et des renseignements qui lui ont été arrachés, et pourtant "pas un seul n'a été déclassifié", souligne Elias-Sanborn. "Certes, la CIA a intérêt à dissimuler ce qu'elle a fait", et il est clair qu'elle ne veut pas révéler sa complicité dans des crimes de guerre.

Une dernière chose est à noter dans les documents publiés aujourd'hui : Quiconque douterait que le conflit israélo-palestinien représente un danger pour les Etats-Unis contredit ce qu'affirme le renseignement américain. "La violence entre Israéliens et Palestiniens rend les extrémistes sunnites plus disposés à participer à des attaques contre les États-Unis ou contre les intérêts israéliens" a écrit la CIA en février 2001. Ce n'est pas le seul élément d'information révélé par les nouveaux documents qui gênera profondément l'administration Bush et les faucons à travers le pays.

Jordan Michael Smith suit la politique étrangère américaine pour Salon. Il a écrit pour le New York Times, le Boston Globe et le Washington Post.