Image
Nous y voilà. L'été est arrivé, et avec lui sa cohorte de films censés divertir les estivaliers en mal de beau temps, voir en mal de vacances tout court. Parmi eux, les traditionnels « blockbusters », ces films à gros budget devant littéralement faire « exploser le quartier », ou, pour le moins, les recettes. On parle même désormais des « blockbusters » de l'été, c'est dire que l'industrie cinématographique, notamment Hollywood, se soucie de nos vacances.

Le blockbuster, c'est un peu comme de la « junk food » : du plaisir immédiat et à peu de frais. Pas besoin de penser, c'est prémâché. Et c'est de toute façon ça que l'on en attend, car en vacances, c'est bien connu, on veut se détendre et surtout, surtout, ne pas avoir à se triturer le ciboulot. Et où est donc le mal ? On sait que le Big Mac est mauvais pour la santé, mais une fois de temps en temps, il n'y a pas de mal à se faire du bien après tout.

Au menu cette année, nous trouvons entre autres « World War Z », réalisé par Marc Forster et dans lequel Brad Pitt interprète Gerry Lane, ancien membre de l'ONU, devant mettre fin à une épidémie transformant les personnes contaminées en zombies. Cette adaptation cinématographique du roman éponyme de Max Brooks au budget faramineux de 190 000 000 de dollars s'inscrit dans la droite lignée des blockbusters apocalyptique qui, depuis le succès en 1996 de l'Independance Day de Roland Emmerich, rythment les sorties de l'été.

Au-delà du festival d'effets spéciaux aussi spectaculaires les uns les autres, de la cadence effrénée et de l'incontestable suspense qui ne lâche pas le spectateur, le film se veut également le vecteur d'une critique de nos sociétés individualistes contemporaines, au sein desquelles l'égoïsme peut se révéler plus meurtrier que le pire des virus. De la forme et du fond donc. Que demander de plus ?

Par ailleurs, et pour une fois, ce n'est pas la salvatrice hégémonie américaine qui est flattée, à l'instar de la majorité des films de ce genre. Non, pour une fois ce sont les instances internationales, et la coopération de même nature qui constituent, notamment à travers le personnage incarné par Brad Pitt, la figure du super héros moderne. Pas de GI Joe surhumain donc, seulement de la bonne volonté agrémenté d'une bonne louche d'ingéniosité (et de bonne fortune, il faut bien l'admettre).

Le film nous promet donc une petite révolution : plus d'américano-centrisme d'une part, substitué par la promotion d'un humanisme transnational, et l'annonce d'une critique d'un égoïsme moderne délétère. Cette promesse n'est ni plus ni moins celle d'un blockbuster d'un nouveau genre : le blockbuster « intelligent », mâtiné d'une sociologie, pour ne pas dire d'une anthropologie, au service d'une critique sociale. Encore une fois, et comme dirait un proche de M. Pitt, what else ?

Or, qu'en est-il réellement ? Le film tient-il son pari ?

Tout dépend de l'objectif réel de cette production. Car au terme du visionnage, on est obligé d'admettre que le film de Marc Forster distille avec une certaine force un message politique et social, mais pas du tout celui annoncé, bien au contraire. Et c'est en cela que le film constitue de fait une petite révolution du genre. Analyse.

Le film porte donc sur l'apparition aussi soudaine que brutale d'une pandémie transformant les personnes infectées en zombies. Gerry Lane, ancien membre de l'ONU, doit reprendre du service (le désormais bien connu « syndrome de Rambo ») pour trouver l'origine du virus à partir de laquelle il sera possible de développer un vaccin. Jusque-là, rien d'exceptionnel.

Cependant, dès la trentième minute un détail doit retenir notre attention, car il plante plus ou moins subtilement les soubassements du message réel que veut véhiculer le film. En effet, alors que le personnage principal est en route pour la Corée pour y trouver le « patient zéro » (le premier atteint par le virus), le virologue diplômé d'Harvard qui l'accompagne (autorité incontestable donc) nous expose à l'aide d'une métaphore filée la philosophie qui préside au film et qui annonce la couleur :
« Mère Nature est une tueuse en série. Y'en a pas de meilleurs, ni de plus créatifs. Mais comme tous les tueurs en série, elle ne peut résister à la tentation de se faire attraper. [...] C'EST UNE POURRITURE »
Ces propos, aussi contestables soient-ils, et ainsi sortis de leur contexte, pourraient paraître anodins. Toutefois, à bien y regarder, c'est loin d'être le cas. En effet, la Nature est ici posée comme l'origine première du Mal. Déjà, pour la critique du caractère individualiste de nos sociétés modernes, on repassera, puisqu'ici l'Homme n'est pas présenté comme la cause, mais bien comme l'innocente victime du sort qui l'accable. Mais c'est en poursuivant le visionnage que l'on comprend mieux l'intentionnalité qui sous-tend de tels propos.

Passons sur les clichés qui rythment les presque deux heures du film, comme par exemple la pseudo critique d'Israël et de sa culture de l'emmurement qui, loin de protéger les population des zombies, la conduit à la catastrophe (on ne peut faire plus « subtil »), et intéressons-nous immédiatement à ce qui en constitue le dénouement, dénouement qui pour nous révèle le message subliminal que l'on tente de nous faire avaler grâce à cet enrobage d'effets qui deviennent par-là aussi spécieux que spéciaux.

Comment donc Gerry Lane, et donc l'ONU qu'il incarne, parvient-il à « sauver l'innocente humanité » de cette nature psychopathe et meurtrière ? M. Nations-Unies, notamment à l'aide des précieuses recommandations de notre fin virologue d'Harvard, parvient à déduire que les zombies ne s'en prennent pas aux individus atteints de maladies létales en phase terminale, de la même manière qu'un lion ne s'attaque pas à une brebis galeuse (ça se tient non ?). Et c'est là qu'intervient une très audacieuse pirouette : si les porteurs de maladies mortelles sont protégés contre les attaques des zombies, quoi de plus simple que de s'infecter soi-même avec des virus létaux dont on détient déjà les vaccins ?

Aussi M. Nations-Unies se rend-il chez ses amis de l'OMS qui conservent leur commun trésor, à savoir les souches virales des maladies infectieuses les plus virulentes, et ce afin de trouver le « bon » pathogène (sic !), celui qui sera susceptible de protéger l'humanité le temps de trouver un vaccin. Or, parmi les candidats possibles nous retrouvons ? Le H1N1 ! (Bah oui, faut du létal mais pas trop quand même...)

C'est à ce moment du film que nous remercions l'OMS d'avoir avec bienveillance développé un vaccin contre les dernières mutations de la grippe (ou pas...). En effet, s'en suit alors une campagne mondiale de « vaccination » de la population à ce qu'on nous laisse entendre être ni plus ni moins que la grippe A.

Quelle belle ironie du sort ! Alors que l'agence Onusienne est régulièrement mouillée dans des affaires de conflits d'intérêts avec les lobbies pharmaceutiques, et qu'elle est encore aujourd'hui mise en cause dans la gestion de l'épidémie de la grippe porcine, accusée notamment d'avoir pour des raisons de profits pris des risques considérables en matière de santé publique avec la mise en place hâtive d'un vaccin très contesté quant à ses réels effets, il est assez intéressant de voir comment la situation est retournée très largement en faveur de l'OMS, présentée avec la grande sœur l'ONU comme les sauveurs de l'humanité !

Le film de Marc Forster procède donc à un retournement de perspective de taille : ce n'est plus les lobbies pharmaceutiques et leur soif insatiable de profit qui sont problématiques, c'est la nature - cette « pourriture », qui est intrinsèquement mauvaise, et que seuls ces mêmes groupes pharmaceutiques sont à même de dominer pour nous en protéger de la meurtrière folie.

Le message est donc clair : l'avenir de l'Homme est dans les mains de l'OMS et de l'ONU. Nous pouvons donc dormir sur nos deux oreilles. Et avant tout, ne plus voir les nouvelles grippes sorties de nulle-part d'un œil méfiant, mais bien comme une chance pour l'humanité d'un jour faire face à une épidémie de zombies !

Roselyne Bachelot vous souhaite un bon visionnage !
Image