Pierre Condamin-Gerbier a été arrêté vendredi 5 juillet en Suisse, juste après avoir témoigné à l'Assemblée nationale sur la fraude fiscale.

Pierre Condamin-Gerbier
© DRPierre Condamin-Gerbier
L'information était tenue secrète par le ministère public de la Confédération (MPC) : Pierre Gerbier - dit Condamin-Gerbier - a été arrêté vendredi 5 juillet à Saint-Prex, dans le canton de Vaud, à son retour de Paris. Il avait été entendu le 3 juillet à l'Assemblée nationale par la commission d'enquête relative aux éventuels dysfonctionnements du gouvernement dans l'affaire Cahuzac. Pierre Gerbier affirme avoir transmis à la justice française les noms d'une quinzaine de personnalités, notamment des ministres, actuels et anciens, propriétaires de comptes en Suisse.

L'affaire aurait été confiée à Carlo Bulletti, procureur fédéral, déjà responsable du dossier concernant Hervé Falciani, l'ancien informaticien de la banque HSBC à Genève, soupçonné d'avoir dérobé des listings. Mardi 9 juillet, la justice suisse a décidé de prolonger la détention provisoire de Pierre Gerbier, craignant qu'il ne prenne la poudre d'escampette, comme Hervé Falciani en 2008.

Aux abois et criblé de dettes

Fort bavard depuis plusieurs mois, dénonçant les turpitudes de la place financière suisse dans les médias français, Pierre Gerbier ne répondait plus au téléphone depuis son retour de Paris. Il paraissait de plus en plus affecté par les révélations en cascade sur son passé. Domicilié à Saint-Prex, jeune marié et père depuis janvier d'une petite fille, cet ancien cadre de banque est au chômage.

En accusant ses anciens employeurs d'avoir aidé de riches contribuables à frauder le fisc, Pierre Gerbier s'est fait de puissants ennemis. Ce n'est certainement pas un hasard si des extraits des registres de l'Office des poursuites du district de Morges circulent abondamment sur les bords du lac Léman. Pas moins de neuf pages énumèrent des « commandements de payer », des « saisies exécutées », et surtout des « actes de défaut de biens » à son nom. Cela signifie que l'Office des poursuites ne lui a laissé qu'une table, son lit et sa brosse à dents.

Pas de diplôme de HEC

On ignore encore les motifs de son arrestation. La justice suisse lui reproche, vraisemblablement, une violation du secret professionnel. Pierre Gerbier a donné, le 2 juillet dernier, le nom de l'homme d'affaires Alexandre Allard, propriétaire de l'hôtel Royal Monceau à Paris. Or, c'est un délit pour un employé de banque - et pas seulement en Suisse - de fournir des renseignements sur les clients de son établissement. L'acte est d'autant plus malveillant que cet homme d'affaires serait en règle avec le fisc...

Alors qu'en France Pierre Gerbier est souvent présenté comme un chevalier blanc doublé d'un génie de la finance, de l'autre côté du Jura, il est considéré comme un second couteau, en délicatesse avec tous les établissements financiers qu'il a fréquentés. « C'est un mégalo qui adore être sur le devant de la scène », lâche un de ses anciens employeurs. Ainsi, Pierre Gerbier se présente comme diplômé de HEC. Or, s'il a bien suivi le Mastère spécialisé HEC Finance internationale en 1993-1994, en revanche, « le diplôme n'a pas été délivré en raison de la non-soutenance de la thèse professionnelle ».