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L'ancienne collaboratrice du Pôle Emploi allemand de Hambourg, Inge Hannemann, nous l'avait dit dans un entretien du mois de mai dernier : « je veux organiser des conférences avec le SNU-FSU, le syndicat du Pôle Emploi français pour les prévenir ! C'est urgent car la situation est grave».

Voici que ces avertissements se concrétisent sur le terrain français chez Pôle Emploi, et des grèves s'annoncent. Le plan 2015 décidé par la direction générale est en train de modifier profondément et de manière permanente l'organisation du travail en interne et vis à vis des chômeurs. Le syndicat de Pôle Emploi craint de nouvelles vagues de risques psycho-sociaux en faisant des agents en charge de l'humain des commerciaux. La déshumanisation par la défragmentation de la société française et ses conséquences, à savoir les suicides, risquent d'augmenter parmi les sans-emplois et les salariés de Pôle Emploi.

Destruction du service public.

Des primes généralisées chez les cadres de Pôle Emploi pour augmenter la rentabilité, comme dans les entreprises de marketing et de vente, sont mises en place alors que les dossiers sont de plus en plus nombreux et nécessitent une approche humaine et solidaire. C'est le plan 2015, qui selon le syndicat SNU-FSU, vise l'introduction de rendements et de cadences sous la direction de Capgemini, groupe internationalisé et multinationale cotée au CAC 40. « Ce plan stratégique ou plan 2015 accentue la déshumanisation de Pôle Emploi, en développant par exemple les services à distance comme la communication avec un conseiller 100% Web. En voulant simplifier les règles d'indemnisation, ce plan 2015 fait courir le risque de réduction des droits des allocataires et ce plan stratégique autorise le développement de toutes les dérives discriminatoires des entreprises contre lesquelles le Service Public de l'Emploi a mission de promouvoir la lutte. Des offres d'emploi seront diffusées sans contrôle des conseillers » expliquait le SNU-FSU dans un tract daté de juin 2012 qui évoquait ce projet.

Grève.

Les agents, pris en étau en raison du nombre de dossiers à suivre, vont, sous la pression de la peur d'être sanctionnés ou de perdre leur emploi, devoir baisser la tête et suivre les directives de rentabilité de leur hiérarchie. Un agent du Pôle Emploi de Saint-Brieuc a été mis à pied début octobre pour avoir ouvert des droits à un chômeur. Sa direction, qui l'accuse d'avoir fait une faute professionnelle, a décidé de le punir en le mettant à pied durant cinq jours. Les syndicats de Pôle Emploi de Bretagne demandent une grève le 10 octobre dans toute la Bretagne en son soutien. La fusion ANPE-Unédic a augmenté les fonctions de rentabilité commerciale, empêchant les salariés du Pôle Emploi de donner pleinement leur temps à la recherche d'emploi pour les chômeurs. Avec la mise en place de ce que nous pouvons nommer du harcèlement dans la structure Pôle Emploi, nous avons en parallèle la montée historique du chômage. Le syndicat Pôle Emploi dénonce « Une course aux résultats. Une marche forcée. Un manque de dialogue, voir de la dureté de la direction. Des agents de Pôle Emploi sont débarqués de leurs postes sans en connaître les raisons.»

Faux chiffres.

Le gouvernement s'est félicité d'une baisse record des chômeurs dans les chiffres d'août 2013. Pour le SNU-FSU, c'est l'augmentation de 38% du nombre de sorties pour cause de cessation d'inscription pour défaut d'actualisation qui produit cette baisse. Ce chiffre révèle également une baisse significative de la part des demandeurs d'emploi indemnisés au titre de l'assurance chômage et l'augmentation de la part de la population sans emploi ayant ouvert un droit aux allocations de solidarité qui a augmenté de 18,5% sur un an et de 1,4% en Août 2013. Le nombre de personnes ayant droit au RSA a augmenté massivement en un an, avec une hausse enregistrée de plus de 15% sur un an.

Augmentations des suicides et immolations.

Les suicides augmentent chez les chômeurs et chez les employés du Pôle Emploi. Trois cadres dirigeants de Pôle Emploi se sont donnés la mort en six mois. « C'est un management par la terreur. Au cours des dernières années, on a compté 17 suicides, y compris parmi les cadres dirigeants. Le malaise est profond», déplore le syndicat de Pôle Emploi. Le syndicat de Pôle Emploi avait déjà dénoncé dans un entretien de février 2013 le manque de dignité au quotidien tant chez les salariés que chez les demandeurs d'emploi. « Depuis trois ans, nous avons une dégradation des relations avec les usagers. Il faut ré-humaniser les services, s'occuper des gens, les écouter, les recevoir, les accueillir et arrêter de les traiter comme des numéros, comme des dossiers à travers des plates-formes téléphoniques, des sites internet ou par l'emploi des SMS car c'est ça aujourd'hui Pôle emploi ». L'année 2013 a connu après celle de Nantes trois immolations devant un Pôle Emploi de personnes désespérées et selon le syndicat SNU, « il y un risque de contagion »(le nombre d'immolations a augmenté de manière inquiétante en France en 2013 où l'on en compte pas moins de 16 en tout).

Réformes arrivées en France

Inge Hannemann, choquée par l'horreur du système, ne pouvait plus accepter les ordres de sa direction qui lui demandait de faire du chiffre en stoppant l'indemnisation des chômeurs et en refusant les allocations chômages aux démunis. Pour Inge Hannemann, qui a été elle même mise à pied par sa direction, les nouveaux plans sur le chômage en France sont directement importés du modèle Hartz IV, où les chômeurs ont l'obligation de prendre n'importe quel emploi, d'être sous contrôle, d'accepter des emplois payés à 1 euro de l'heure, de suivre des formations inutiles qui ne servent qu'à engraisser les sociétés privées qui sont en charge de la formation continue. Depuis 2013, Inge Hannemann, mise à pied pour activité politique et qui a été menacée, selon ses dires, d'être internée en psychiatrie, est devenue moins virulente sur son blog et sur sa page Facebook. Elle vient de dénoncer un nouveau projet du Pôle Emploi allemand qui stigmatise encore plus les chômeurs en leur demandant de gagner de l'argent en récoltant les bouteilles de bières dans les lieux publics.